Ce livre, aux éditons Ulmer, est un condensé des autres livres auto-publiés par Samuel Lewis. On y retrouve beaucoup de dessins similaires, qui souvent détaillent les mêmes choses, mais des dessins refaits pour l'occasion. Donc d'un côté c'est un peu décevant car déjà vu, et d'un autre c'est un nouveau regard bienvenu tant le sujet est captivant et la méthode pour l'explorer (le dessin) plaisante et efficace. Cette fois, on a aussi droit à du texte, rédigé par Gareth Lewis, le père de Samuel, qui vient expliciter et développer le propos, ainsi qu'à quelques belles photos.
L'autonomie, un acte politique
C'est par ce thème que s'ouvre le livre. A propos de la résistance lors de l'occupation nazie : « Selon les anciens, cette résistance s'est bâtie sur le fait qu'ils vivaient de la terre, cultivaient leur potager et leurs céréales, et coupaient leur bois. Ils jouissaient ainsi d'un haut degré d'autonomie qui leur procurait la liberté de faire ce qu'ils croyaient être juste. Vers la fin de la guerre, quand l'état de droit s'est effondré, certaines personnes ne s'étaient pas rendues en ville ni n'avaient fait de courses pendant 6 mois d'affilé. » On peut débattre de cette perspective (par exemple, la liberté viendrait-elle au contraire d'un rapport de force qui nécessite accumulation de puissance ?), mais je la trouve néanmoins pertinente.
De plus, il est question à travers la quête d'autonomie non pas d'un triste renoncement, mais « d'une réaffirmation du droit à un niveau de vie élevé et des produits de haute qualité ». Sans parler des questions d'écologie et de limites globales : « De manière générale, les jardins d'aujourd'hui ne sont plus aussi productifs et utiles qu'autrefois, ils "consomment" davantage qu'ils ne créent de réels bénéfices ». En effet, il est facile d'acheter plus de valeur (machines, carburant, plastique...) qu'on en produit. Il va également sans dire qu'autonomie ne signifie pas autarcie et que lien humain et spécialisation restent capitaux à échelle locale.
Ce que je retiens
Ci-dessous, diverses notes prises pendant la lecture, sans répéter ce que j'ai déjà évoqué dans mon compte-rendu des autres livres de Samuel Lewis.
- La non-nécessité des amendements d'origine animale. En me rapprochant progressivement de l'agriculture, la découverte de la place de l'animal à la campagne a été une révélation : l'animal exploite des zones spécifiques (incultes, en pente, etc.) ainsi que des ressources souvent peu utiles (les restes pour les poules, l'herbe pour les ruminants, etc.) et produit en échange non seulement nourriture (protéinée) mais aussi du fumier, outil capital pour produire de l'alimentation végétale de façon durable. Ici, cette vision que j'avais développée est (partiellement) remise en question : l'autonomie alimentaire semble être atteinte sans animaux domestiques, une bonne moitié du terrain étant consacrée au foin, qui fait office d'amendement, c'est-à-dire de fumier. Je m'interroge cependant : l'alimentation des Lewis semble être pauvre en gras et protéines. Est-ce que haricots, noisettes et autres graines suffisent ? Sûrement, mais j'aimerais en savoir plus à ce sujet.
- Les arbres sont la pierre de voute. Ils découpent la campagnes en petits champs gérable à échelle manuelle. Ils apporte fertilité aux champs par leurs feuilles mortes et par la décomposition de leurs racines quand ils sont coupés. Les champs sont travaillés en été, et les arbres en hiver. Les arbres sont la façon la plus efficace de convertir l'énergie solaire en nourriture et en matériaux de base. L'auteur offre la perspective suivante, qui m'a captivée : « Où que l'on soit, il est relativement aisé de se procurer de la nourriture, mais par le passé, si les réserves de combustible s'épuisaient, les villes et les villages devaient être abandonnés. » Ainsi il conseille de planter plus d'arbres à but combustibles qu'à but nourricier. Ceci dit, c'est dans une perspective de forte autonomie, donc de cuisine au bois.
- Trop de nourriture l'été. C'était un principe clé des climats à saisons marquées : comment convertir l'abondance de l'été/automne en stocks pour l'hiver/printemps ? C'est une invitation à repenser le potager pour qu'il soit productif toute l'année. Je le note ici car, pour me simplifier la vie, j'ai choisi de ne faire que des cultures d'été et de mettre le potager en pause l'hiver, mais j'aimerais réussir à développer un système étalé sur toute l'année adapté à mes conditions : travail déjà prenant à la pépinière, zone de potager trempée en hiver, etc.
- Habiter un terrain, pas une maison. Si on passe plus de temps en extérieur qu'en intérieur, on n'a pas besoin d'un intérieur aussi complexe, et on peut vivre avec moins d'argent. Sans compter le bien-être que procure le contact permanent avec le végétal et l'animal (sauvage). « En terme de qualité de vie, il vaut mieux avoir un petit terrain et être entouré de voisins jardiniers que de vivre seul sur un grand terrain. »
Je note l'usage de bois dur (cœur de chêne) pour réaliser le coin qui vient s'enfoncer dans le haut d'un manche de hache et caler ainsi la partie métallique.
Je note des précisions sur l'utilisation des fagots, « ressource oubliée de la campagne » : bois à bruler pour chauffage, cuisiner, four à pain, mais aussi bois pour pour réaliser des clôtures, des brise-vent, et bois pour créer des chemins praticables au sol en zones imbibées. D'ailleurs, les tas de bois peuvent être protégées à la chaume.
Et la récolte de sarrasin sur 600m² : 70kg. Encore une fois, est-ce beaucoup ou peu, je ne sais pas, mais élément important de l'autonomie alimentaire à petite échelle, sans aucun doute.
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