dimanche 15 décembre 2024

Expiration - Ted Chiang

Expiration - Ted Chiang

Le marchand et la porte de l'alchimiste (4/5)

Du voyage temporel dans une ambiance de conte oriental, avec récits insérés dans le récit, à l'ancienne. Évidemment, Ted Chiang n'a certainement pas su me convaincre par rapport aux paradoxes inhérents aux récits sur le voyage temporel. En revanche, c'est sûrement l'une des meilleures histoires à ce sujet qu'il m'ait été donné de lire. Tout conte a une morale, ici quelque-chose sur l'acceptation, l'impossibilité de changer les évènements, etc., franchement rien d'extraordinaire, mais la narration est une totale réussite, avec ces divers personnages qui utilisent le voyage temporel avec sagesse ou déraison, et un final simple mais touchant.

Expiration (5/5)

On croirait lire Greg Egan. Une civilisation d'humanoïdes mécaniques s'apprête à découvrir l'entropie. Tout d'abord, notre narrateur, au cours d'une scène particulièrement excellente, effectue sur lui-même une opération chirurgicale pour examiner son propre cerveau de près. Il découvre ainsi que les rouages de la pensée ne sont rien d'autre que des mouvements d'air dans un complexe assemblage de feuilles d'or, ce qui en soi est un chamboulement philosophique total. De plus, au cours de leur utilisation de l'air comme "combustible", ces humanoïdes dépressurisent l'air pressurisée qui les nourrit, contribuant ainsi à une égalisation de la pression totale de l'air, ce qui à terme empêchera les mouvements d'air qui créent leur pensée, car ces mouvements sont causés par un différentiel de pression. La parabole est efficace à plusieurs niveaux. Excellent.

Ce qu'on attend de nous (3,5/5)

Micro-fiction de quelques pages sur l'absence de libre arbitre, absence qui, une fois prouvée empiriquement, rend fou. Pas mal 

Le cycle de vie des objets logiciels (2/5)

De loin la nouvelle la plus longue du recueil et de loin la moins bonne jusque-là. Je l'ai terminée en lisant en diagonale. Il y est question des digimos (et pas des Digimons), des sortes d'IA façonnées à base d'ADN pour servir d'animaux de compagnie intelligents dans les mondes virtuels. Un petit de groupe se prend d'affection pour eux et refuse de les laisser tomber quand ils sont passés de mode. Le récit se déroule sur des années et on suit les difficultés que rencontre ce groupe qui tente de s'occuper des digimos comme s'ils étaient des petits humains. Déjà, je n'ai ressenti aucun attachement pour les personnages. Les digimos parlent constamment en mode enfantin ("moi aimer toi, moi vouloir manger"), ce qui, en plus d'être extrêmement irritant, enlève toute impression de progrès de leur part, alors que le récit se déroule sur un temps long. Quant aux humains, il n'existent qu'à travers leur relation avec les digimos, et ils m'ont fait penser à des vieux gâteux obsédés par leurs caniches. Surtout, c'est beaucoup trop long, il ne se passe rien de grand intérêt et on tourne très rapidement en rond.

La Nurse automatique brevetée de Dacey (2,5/5)

Un concept très sympa : et si, au début du vingtième siècle, on avait essayé d'élever les nourrissons avec des automates ? S'ensuit un attachement émotionnel non aux traits humains, mais aux machines. L'exécution pèche par manque de développement et d'intérêt narratif.

La vérité du fait, la vérité de l'émotion (2/5)

Sur le principe, j'apprécie ce que tente cette nouvelle, mais l'exécution est pénible. Le propos est simple : la façon donc fonctionne notre mémoire, faillible et subjective, est en tension avec les techniques que sont l'écriture et la vidéo, qui permettent théoriquement de fixer le réel. L'auteur en fait non pas une, mais deux trames parallèles, non liées, l'une située dans le passé (concernant l'écriture) et une autre dans le futur (à propos de la vidéo). C'est trop, surtout que c'est narrativement paresseux. Il y a beaucoup trop d'explications, et au lieu de sublimer l'idée dans la narration, l'auteur fait de la dissertation sentencieuse.

Le grand silence (1/5)

Quelques pages où un perroquet dit des banalités sur le paradoxe de Fermi et l'injustice de la destruction de la faune sauvage. Sans intérêt et pontifiant.

Omphalos (4,5/5)

Excellent point de départ, et cette fois bien traité. La doctrine créationniste est réelle : le monde a été créé il y a 8000 ans, et tous les faits archéologiques le prouvent. Les fossiles d'arbres ce cette époque n'ont plus de cernes en leur centre, les coquillages n'ont plus de couches de croissance, les momies n'ont pas de nombrils... La science est le plus authentique soutien rationnel de la foi. C'est très fun. Une découverte astronomique vient cependant chambouler cette foi : il se trouve que le centre de l'univers est... une autre planète. Quoi, cette Terre-là ne serait qu'un brouillon ?! Franchement, brillant. Dommage que la conclusion, où la narratrice prétend combattre l'absurde par le libre arbitre, soit narrativement et philosophiquement maladroite .

L'angoisse est le vertige de la liberté (pas fini/5)

Un peu la même idée que dans Signal to Noise d'Alastair Reynolds, nouvelle lue récemment : il existe un objet qui permet de lier deux univers parallèles et de communiquer entre eux. Cet objet est accessible au grand public et plein de gens l'achètent pour papoter avec leur version parallèle. Il est évident que c'est une mauvaise idée : c'est la version ultime de la comparaison perpétuelle à autrui, en pire. C'est très long, presque 100 pages, et la narration est assez lente et peu captivante. Comme souvent, je me suis rapidement mis à lire en diagonale, sans avoir l'impression de rien rater.

jeudi 21 novembre 2024

Biologie du sol et agriculture durable - Christian de Carné-Carnavalet

Le genre de pavé passionnant qui aurait mérité plus de travail d'édition. Je ne peux m'empêcher de penser qu'avec moitié moins de pages, on pourrait avoir exactement les mêmes informations en deux fois plus digeste. Cette construction imparfaite culmine quand on a littéralement les mêmes paragraphes copié-collés à deux endroits différents. A part ça, c'est captivant et j'ai beaucoup de notes à prendre ci-dessous. Le résumé (attendu) pour les paresseux : un max de matières organiques diversifiées épandues en surface de façon à faire un paillage permanent, et voilà, c'est la mise en pratique de toute cette théorie.

Bases sur les amendements organiques

Un mot historique sur le fumier :  pendant une bonne partie de l'Histoire, la faux n'existant pas, les céréales étaient coupées à la faucille, à hauteur de mi-cuisse. La majorité de la paille restait donc au champ, puis broutée par les bêtes de ferme avec les adventices pendant la jachère ; bestiaux qui donc fertilisaient en place avec leurs déjections. On comprend qu'épandre du fumier venu d'ailleurs est une opération très lourde sans moteur thermique, ce procédé a donc longtemps été réservé aux cultures plus denses et rentables, comme le maraichage.

Je recopie tels quelles de jolies phrases qui résument excellemment les bases de l'agronomie : « La dégradation des matières organiques fraiches livrées en pâtures aux organismes vivants dans les sols représente la phase fondamentale des possibilités de vie sur notre planète. C'est par l'ingestion, la digestion, les rejets anaux de la macro et mésofaune et par les enzymes digestives des bactéries que s'opère la mise à disposition des anions [ions négatifs] et cations [ions positifs] pour l'alimentation des plantes. [...] La solution du sol s'enrichit donc, à mesure de la décomposition des matières organiques, en composés phénoliques, acides organiques, alcools, protéines, urée et quantité d'ions ou cations divers qui vont activer les réactions purement chimiques aboutissant à l'union des particules minérales et organiques, à la constitution d'un réservoir d'éléments chimiques au sein duquel les plantes, grâce à leurs exsudats et leurs mycorhizes, vont puiser par un savant mécanisme de dosage électrique entre anions et cations, tous les éléments constitutifs de leurs tissus fleurs et graines. » 

La décomposition des matières organiques en nutriments combine plusieurs processus :

  • Transformation : attaques enzymatiques et réactions chimiques qui modifient les structures moléculaires des tissus organiques.
  • Assimilation : une partie de ces nouvelles molécules est incorporée dans les tissus des organismes décomposeurs. C'est la nutrition, qui immobilise plusieurs tonnes de minéraux par hectare.
  • Minéralisation : les molécules organiques fraiches, sous des formes simples et solubles, sont libérées dans la solution du sol. Ce sont les oligoéléments classiques. Après cette étape, 70% de la matière organique initiale est libérée.
  • Solubilisation : concerne les substances non humiques (lipides, tanins, lignines...) qui, après activité microbienne, restent sous forme de molécules non assimilables. Elles sont dégradées plus lentement par les microorganismes.
  • Humification : environ 1% du carbone apporté au sol, issu principalement de la lignine et de la cellulose, subit des transformations complexes jusqu'à acquérir une forte stabilité et former une réserve organique durable (mais elles continuent à se minéraliser lentement).

Notons aussi que les minéraux peuvent être issus de l'altération de la roche-mère par les racines des plantes dans un processus à long terme. 

La décomposition des engrais verts

Une fois les engrais verts couchés au sol, le travail de décomposition est effectué par la faune du sol, d’abord par les plus grosses bestioles, qui facilitent le travail des plus petites. « Tous ces animaux mangent, comme nous humains, pour que leurs flores bactériennes, au cours du tractus intestinal, favorisent les réactions oxydo-réductives libérant de l'énergie pour l'accomplissement des réactions métaboliques permettant leur maintient en vie et le développement cellulaire. » En même temps, les bactéries attaquent, avec un tas d'enzymes dissolvants. Pour les matières très ligneuses ou cellulosiques, ce sont les champignons qui font pénétrer leurs hyphes et libèrent des enzymes depuis l'intérieur.

« Les matières organiques ressortent ensuite des animaux, allégées des prélèvements dont ces derniers ont eu besoin pour leur survie. Disséquées en portions plus fines, ramollies par les diverses dissolutions enzymatiques, les matières organiques sont alors absorbées par des animaux plus petits et par les vers de terre et les nématodes qui n'ont pas les pièces buccales pour déchiqueter les feuilles. » Cette simplification de la matière par les organismes du sol se poursuit jusqu'à ce qu'elle retourne à un état moléculaire et ionique directement assimilable par les plantes.

La charge électrique globale des substances humiques est toujours négative ou nulle. Ces charges électriques négatives rendent les substances humiques très "compatibles" avec toutes sortes de substances nutritives et forment avec l'argile le complexe argilo-humique, qui agit, par ses charges et liens électriques, comme structurant du sol et réservoir à nutriment.

Les formes d'azote dans le sol

Difficile pour un agriculteur de se passer de sources extérieures d'azote (idéalement sous forme de matière organique), mais il existe pourtant de nombreuses sources naturelles d'azote, évoquées page 40. Je ne les mentionne pas car elles manquent un peu de détail.

Rappelons que l'azote industriel, c'est-à-dire l'engrais, stimule l'activité bactérienne ; mais ces bactéries n'ayant aucune matière organique fraiche à manger (celles qui amènent l'azote dans un cadre naturel), elles s'attaquent aux matières organiques stables, donc à l'humus, qui se dégrade.

  • Le stock de la capacité d’échange en cations : c'est l'azote maintenu dans le sol par charges électriques, issu de la décomposition des tissus organiques. C'est la majorité de l'azote absorbé par les plantes.
  • Le stock de la biomasse bactérienne : plus le sol est actif biologiquement, plus il est important. Jusqu'à 15% du poids des bactéries est fait d'azote. Elles libèrent les éléments dont elles sont constituées à leur mort.
  • Le stock de la biomasse fongique : même logique que pour les bactéries. Les champignons sont constitués à 15% d'azote. Mentionnons aussi les protozoaires, et le fait que l'azote stocké ainsi sous forme d’organismes vivants est protégé du lessivage.
  • Le stock des matières organiques végétales : elles stockent de l'azote sous diverses formes et le libèrent progressivement au fil de leur décomposition.

Le potentiel redox

Redox signifie "réduction-oxydation" et désigne les réactions chimiques impliquant un transfert d'électrons. Le potentiel redox exprime la capacité d'un système à céder ou capter des électrons. Il est exprimé en volts.
  • Réduction : un atome ou une molécule gagne des électrons.
  • Oxydation : un atome ou une molécule perd des électrons.

C'est un peu intimidant, mais l'essentiel est que cette approche agronomique moderne valide tous les acquis anciens sur l'apport de matière organique (qui sert de réservoir d'électrons) et l'aération (avec modération) des sols. Par exemple, les phénomènes de sol compacté et d'excès d'humidité peuvent se traduire en termes redox, mais les problèmes restent les mêmes : « Les réactions biochimiques de la microfaune et de la microflore pour trouver leur énergie ne se font plus en soutirant l'oxygène de l'air ambiant mais par d'autres processus qui entrainent la désagrégation des cellules vivantes au niveau des racines. » Les flux d'électrons, et les charges positives et négatives des éléments, sont donc à la base de tous les phénomènes biochimiques qui se déroulent dans le sol, même si on n'y pense guère au quotidien.

Les phénomènes redox dans le sol influencent la disponibilité des formes d'azote, forçant les plantes à dépenser de l'énergie pour maintenir leur équilibre interne (homéostasie) et celui de la rhizosphère. En réponse, les plantes adoptent une stratégie d’absorption mixte des deux formes d’azote (NH₄⁺ et NO₃⁻), en proportion variable selon l’espèce et le stade de développement. Par exemple, on observe généralement une préférence pour NH₄⁺ en début de cycle (croissance végétative) et pour NO₃⁻ en fin de cycle (fructification), en lien avec leurs rôles spécifiques dans le métabolisme végétal.

Quand les plantes absorbent des molécules contenant des nitrates, elles rejettent des protons ou des ions selon la forme et la charge des molécules absorbées. Ce n'est pas qu'une extraction, c'est un échange. Le sol est en perpétuelle modification.

Notons que les racines des plantes rejettent dans le sol entre 5 et 40% de leurs productions photosynthétiques sous forme de composés carbonés et d'acides organiques pour nourrir les bactéries, les champignons et les mycorhizes qui leur sont utiles. En termes redox, il s'agit de créer des conditions favorables à l'homéostasie des plantes, des conditions qui permettent l'absorption des nutriments.

Quels mots sur les mécanismes du sol

Les sols sont la combinaison moléculaire des produits issus de la décomposition des roches et des plantes.

Le complexe argilo-humique, où argiles et humus chargés négativement sont liés par des cations chargés positivement, est un élément capital d'un sol qui se tient. Cependant, la vie bactérienne et fongique participe aussi grandement à la structure des terres : les particules sont enlacées par des quantités phénoménales de mycélium.

Le labour est en effet efficace, car il ameublit et oxygène la terre, mais s'il est pratiqué, il doit l'être accompagné d'apports réguliers de matière organique pour compenser l'oxydation (et donc la libération des nutriments) des matières organiques stables.

Sur les 30 premiers cm d'une terre normale, on a environ 40 tonnes à l'hectare d'acides humiques, alias humus. Si on compte une disparition des humus par minéralisation naturelle de 1 tonne/an/hectare, on a un sol totalement détruit au bout de 40 ans si on ne compense par les pertes de matières organiques. Cette perte est encore accélérée par le labour. Dans la nature, des matières organiques sont bien évidemment apportées par les cycles naturels.

Deux mécanismes qui permettent l'absorption des nutriments par les plantes :

  • L'oxydation. L'oxydation est une perte d'électrons par un atome ou une molécule. Elle est souvent couplée à une réduction, où un autre élément gagne ces électrons (d'où les réactions redox). On connait six éléments qui sont oxydés par les microbes en formes oxydées possédant une ou plusieurs charges négatives et pouvant ainsi être absorbées par les plantes (azote en nitrate, phosphore en phosphate, etc.). Par exemple, l'ammonium (NH₄) peut être oxydé en nitrate (NO₃) par les bactéries nitrifiantes dans le sol. 
  • La chélation. La plupart des éléments connus sont insolubles à l'état d'oxyde et ne peuvent pas pénétrer tels quels dans les racines. Les microbes font le processus de chélation : attacher ces éléments sur des acides organiques solubles du fait de leur charge négative, acides organiques qui servent de véhicules aux nutriments pour les plantes. Les plantes stimulent activement la microflore chélatante avec leurs exsudats racinaires.

D'où vient l'azote du sol ?

Rappelons que les plantes sont composées en grande majorité d'eau. La matière sèche ne correspond qu'à 5 à 20% du poids des plantes. Cette matière sèche est composée à 45% de carbone extrait de l'atmosphère par photosynthèse. Le fameux azote correspond à 4% des matières sèches. L'azote entre dans le cycle des matières vivantes par 4 sources :

  • Par les micro-organismes du sol capables de transformer ("fixer") l'azote en ammonium puis en nitrate.
  • Avec l'aide de végétaux symbiotiques.
  • Par les éclairs pendant les orages.
  • Puis par le cycle de cet azote qui se retrouve dans les végétaux et animaux, puis qui retourne au sol, etc.

Les bactéries nitrificatrices "fixent" l'azote car, contrairement à d'autres micro-organismes, elles ne tirent pas leur énergie de l'azote qu'elles ingèrent, mais des oxydations qu'elles réalisent et du carbone. Elles laissent donc disponibles dans le sol l'azote qu'elles synthétisent.

Il existe d'ailleurs d'autres bactéries "dénitrificatrices" capables d'utiliser les nitrates comme oxydants et de les réduire en azote gazeux, le retournant à l'atmosphère.

jeudi 7 novembre 2024

Zima Blue - Alastair Reynolds

Je m'étais procuré ce Zima Blue en même temps que Galactic North, un autre recueil de nouvelles d'Alastair Reynolds. Ce dernier m'avait laissé de marbre, au point de ne pas le terminer. Je me retrouvais donc avec ce Zima Blue qui ne me donnait guère envie. Je me suis dit que j'allais lire au moins la nouvelle éponyme, la dernière du recueil, qui a très bonne réputation : si celle-ci me plaisait, je lirais les autres.

Zima Blue (4/5)

Pas mal. Zima est un artiste cyborg qui multiplie les œuvres les plus démesurées, œuvres qui tournent autour d'une couleur particulière, le bien nommé bleu Zima. Mais pourquoi cette obsession pour ce bleu ? C'est ce que Zima a essayé de comprendre, plongeant dans son passé en bonne partie oublié — rien d'étonnant pour qui, dans ce futur lointain, vit des milliers d'années sans aide-mémoire artificiel. Certes, il va découvrir pourquoi ce bleu l'attire tant. On s'en doute : c'est pour une raison fondamentalement absurde. Il n'y a pas de grand sens transcendant, pas de révélation qui vient illuminer son œuvre passé, juste la compréhension d'une simple causalité matérielle. Zima embrasse cet absurde jusqu'à renoncer à la conscience. Je ne peux pas m'empêcher de penser que cette histoire aurait été meilleure si elle avait été écrite par Greg Egan, mais ça reste une bonne histoire. Soit, je vais reprendre le recueil du début.

The Real Story (2/5)

Retour à du très soporifique. Sur Mars, une journaliste et un vieux pionnier papotent du passé. C'est à peine s'il y a une trame, ça fait surtout worldbuilding, et je me suis rapidement mis à lire en diagonale.

Beyond the Aquila Rift (2,5/5)

Une histoire de distances extrêmes et d'isolement à travers le temps et l'espace. Aussi, une histoire dérivative, que j'ai l'impression d'avoir déjà lu. Le hasard fait que le narrateur se retrouve perdu loin de l’espace humain, sans espoir de retour, et toute la nouvelle est la révélation progressive de cet horrible état de fait. C'est pas mal, malgré l'aspect familier, notamment avec le côté alien à la fin, mais j'ai été très frustré par le fait que toute la narration repose sur des mensonges successifs. Un premier mensonge au réveil du narrateur après son voyage : on lui ment sur la réalité de la situation pour ne pas le choquer. Un autre quand il prend en charge le réveil d'un autre membre de son équipage : il réveille cette personne et la replonge de force dans le coma quand elle devine la situation (et ça de nombreuses fois à la suite), apparemment pour son propre bien, pour modérer le choc, mais je trouve ça franchement horrible et ça m'a rendu les personnages antipathiques. Un troisième mensonge est levé quand la véritable réalité est révélée, je dirais que c'est le seul mensonge qui est efficace et fait sens narrativement. Et un dernier mensonge quand tout ce qui précède est effacé au profit d'une illusion, ce qui anéantit le peu de poids narratif présent. Sans compter que l'écriture médiocre me fait toujours sauter des paragraphes. 

Enola (2,5/5)

C'est en gros la même histoire que Zima Blue (une machine qui devient progressivement humaine) mais sans la dimension philosophique qui permettait à cette nouvelle-là de fonctionner. Le concept des drones guerriers soumis à une pression évolutionnaire qui privilégie la survie des plus intelligents et coopératifs est pertinent, mais trop peu élaboré.

Signal to Noise (2/5)

Des scientifiques, dont le narrateur, travaillent sur un système pour communiquer entre les univers parallèles. La femme du narrateur meurt, mais elle n'est pas morte dans l'univers parallèle avec lesquels ils sont en lien ; tout le monde a alors la super idée d'utiliser le narrateur comme premier sujet de test pour faire un échange de conscience entre les deux univers... et l'envoyer voir l'autre version de sa femme. Vraiment ? Utiliser le type qui vient d'être traumatisé et l'envoyer papoter avec sa femme tout juste morte dans son univers mais encore vivante dans l'autre ? Et tout le monde est OK avec ça ? Des scientifiques ?C'est absurde, il est absolument évident que c'est une mauvaise idée. En plus, il aurait été facile de justifier ça narrativement, en disant que seuls les gens directement affectés par des divergences entre les univers peuvent passer de l'un à l'autre : ainsi, le drame personnel aurait rajouté de la tension tout en faisant sens au lieu de donner l'impression que tout le monde est stupide. Le reste de la nouvelle est un long mélodrame assez pénible que j'ai parcouru en diagonale.

Bon, j'arrête là, après avoir lu moins de la moitié du recueil. Il va falloir que j'importe du Greg Egan non traduit pour assouvir mes besoins.

dimanche 3 novembre 2024

Abattre une haute haie de cyprès : Comment ? Pourquoi ?

Hop, juste une petite vidéo pour un retour d'expérience sur l'abattage de notre énorme haie de cyprès. Aussi, j'essaie de la remplacer par une haie diversifiée, c'est pas encore gagné !

dimanche 27 octobre 2024

Ils ont domestiqué plantes et animaux - Prélude à la civilisation - Jean Guilllaume

Ils ont domestiqué plantes et animaux - Prélude à la civilisation - Jean Guilllaume

Un gros pavé au sujet extrêmement large. D'un côté c'est incroyablement dense, bourré d'informations et d'anecdotes, mais d'un autre, ça parle de tant de choses variées (le néolithique, l'archéologie, la génétique, les animaux, toutes les plantes comestibles...) que la profondeur est parfois sacrifiée et j'ai souvent été frustré. Par exemple, pour les arbres fruitiers, chaque essence n'a même pas droit à une page, et certaines sont expédiées en quelques lignes. Ceci dit, c'est incontestablement une somme sur le sujet, rédigée par un passionné renseigné. Ci-dessous, quelques notes.

Malgré les progrès en génétique, il est parfois difficile de trouver les ancêtres sauvages de certaines plantes cultivées. Il est possible que celles-ci aient disparu, notamment par des causes humaines. Dans d'autre cas, la plante aujourd’hui cultivée descend d'une hybridation improbable, ou d'une poignée de plantes mutantes qui n'auraient pas pu se développer à l'état sauvage mais possédaient des caractéristiques intéressantes pour les humains.

L'auteur cite trois théories historiques pour expliquer la naissance de l'agriculture. Ces théories sont des idées intéressantes mais qui, à mon sens, sont globalement dépassées et ne prennent pas en compte le fait que l'agriculture est née en plusieurs endroits du globe à peu près au même moment, et des endroits aux conditions différentes. L'explication la plus crédible est : le hasard de la stabilité climatique hors-normes durant l'holocène a offert le cadre nécessaire à la forcément longue, aléatoire et souvent involontaire sélection génétique, et ce en même temps que des hasards évolutionnaires, géographiques, culturels, etc., permettaient aux humains d'en tirer profit.

Voici les trois autres théories historiques évoquées :

  • La vision de notamment Darwin, qui imaginait un progrès technique, notamment avec le feu et l'écriture. Avec cette théorie, la technique la sédentarité précèderait l'agriculture. C'est clairement une simplification face à une réalité plus complexe ; on sait que dans des environnements adaptés, la sédentarité est possible sans agriculture, notamment via la pêche. On peut aussi penser que l'agriculture a été la cause de l'écriture, car elle créait le besoin de prendre des notes sur des stocks, mais aussi car elle permettait une plus forte densité de population, propice au développement culturel.
  • La théorie qui imagine la religion à l'origine de l'agriculture : l'agriculture et la domestication auraient eu des fonctions avant tout symboliques. Je ne suis pas convaincu, sans pour autant nier le rôle de l'aspect symbolique.
  • La théorie qui voit dans l'augmentation démographique une cause du développement de l'agriculture. Encore une fois, sans nier que plus il a de population, plus il y a de progrès technique et plus il y a des pressions fortes qui s’exercent, je ne suis pas convaincu. Je vois plus le mouvement inverse : l'agriculture naissante permettant une démographie croissante, les proto-agriculteurs pouvant ainsi concurrencer avantageusement les nomades, qui eux sont bien plus limités par les conditions environnementales.

Sans s'en rendre compte, nos ancêtres sélectionnaient un nombre réduit de traits génétiques particuliers. Un exemple intéressant est celui-ci. Chez les fruits, l'hypertrophie des parties comestibles est sélectionnée : par exemple, chez la pomme, les individus ayant moins de graines et un plus gros péricarpe étaient sectionnés, le péricarpe étant l'enveloppe comestible. C'est exactement le même processus qui a été à l'œuvre avec la sélection des poules pondeuses, avec la sélection d'un gros albumen (le "blanc" d'œuf).

Un détail sur le chien : il ne serait pas vraiment descendant du loup, dont les tentatives modernes de domestication ont toutes échouées, mais plutôt du chacal ou du coyote, canidés qui ont naturellement tendance à s'approcher des lieux de vie humains pour y chercher de la nourriture.

Pour conclure, une théorie psychologique sur l'anxiété que j’apprécie beaucoup : l'anxiété serait causée par (entre autres choses bien sûr) la tension présente à niveau fondamental chez l'humain, et plus largement chez tout être vivant, entre la recherche de sécurité et la contrainte de diversité. Idéalement, on ne mange que des aliments qu'on connait bien et dont on sait qu'ils ne sont aucunement toxiques, mais en même temps, pour s'adapter à un milieu changeant, il faut bien tester de nouvelles choses... On voit comment cette idée peut s'appliquer à quasiment toutes les parties de l'existence.

samedi 19 octobre 2024

Petite présentation de la pépinière en vidéo

Désolé pour les 2,7 personnes qui fréquentent ce blog pour la littérature (estimation optimiste), mon attention globale, qui inclue l'aspect "loisirs", a tendance à être retenue ailleurs ces temps-ci. Donc, une brève présentation de la pépinière en vidéo. Je suis content de la luminosité !

mercredi 16 octobre 2024

Engrais vert et fertilité des sols - Joseph Pousset

Un gros bouquin assez technique. J'ai beaucoup aimé les 100 premières pages, qui traitent surtout d'agronomie à la fois générale et appliquée aux engrais verts. Par la suite, il y a quelques répétitions et ça devient un peu plus destiné aux productions sur grande culture, j'ai donc lu en sautant quelques pages. Globalement, très bon bouquin, très dense, riche en pistes et en idées. Ci-dessous, quelques notes.

Rappels sur la composition (approximative évidemment) des plantes.

  • Eau 80 %
  • Matière sèche 20 %, dont 18 % de carbone, oxygène, hydrogène, qui sont "gratuits", et 2 % d'azote, phosphore et autre nutriments en partie "gratuits" car naturellement présents.

L'idée, c'est que l'immense majorité de ce dont à besoin la plante est naturellement présent dans son environnement, et que la petite partie fournie par les amendements et engrais pourrait l'être également.

  • L'eau étant elle aussi composée d'hydrogène et d'oxygène, le trio hydrogène oxygène carbone représente 98 % du poids de la plante.
  • Viennent ensuite les éléments majeurs (azote, phosphore, calcium, potassium, souffre, magnésium) qui représentent 1,88 % du poids de la plante verte. 
  • Puis les éléments mineurs (chlore, sodium, silicium, fer, etc.) qui occupent 0,12 % du poids de la plante verte. Dans des terres équilibrées et fertiles, ils peuvent être fournis naturellement par le sol.

Des fixations d'azote moins connues

On connait la fixation d'azote symbiotique (via les légumineuses notamment) mais il y a aussi une fixation d'azote non symbiotique, beaucoup moins connue. Elle est le fait de micro-organismes libres comme les azotobacters qui vivent dans les couches très aérées du sol ou les clostridium, qui vivent dans des couches moins aérées. Ces fixateurs libres, non liés à des plantes, ont besoin de nourriture sous forme de matière organique. Il existe donc une fixation d"azote naturelle à la surface du sol, qui pourrait expliquer pourquoi la si redoutée "faim d'azote" n'est pas si fréquente en présence d'un mulch très carboné laissé en surface sur une terre vivante.

L’auteur mentionne aussi « la fixation de l’azote de l’air par la cellulose » : en gros, les feuilles des arbres « fixerait » de l’azote capté dans l’air qui serait ensuite lessivé par les pluies et irait donc au sol. J’ai trouvé cette information aussi intéressante qu’étonnante, et en essayant d’en apprendre plus, j’ai eu du mal à trouver d’autres sources. Il me semble que le terme « dépôt atmosphérique » est plus employé, notamment le « dépôt sec » (opposé au « dépôt humide » qui arrive via la pluie), permis par la large surface offerte par les feuilles, les caractéristiques de la cellulose, et les bactéries qui vivent sur ces feuilles.

Les produits transitoires

Les produits transitoires sont le résultat de décomposition de tous les produits organiques laissés en surface, mais aussi de décomposition des organismes vivants qui se nourrissent de la matière organique, notamment les bactéries. Ils sont une forme transitoire entre les matières organiques fraiches et l'humus : ils subsistent peu de temps. Tous ces composés représentent une masse importante et variée d'éléments nutritifs pour les plantes. S'ils sont libérés quand le sol est nu, ils risquent d'être perdus par lixiviation ou "évaporation".

Dans un sol sans produits transitoires, les plantes doivent trouver leur nutrition dans le stock du sol. Il se trouve que la libération des produits transitoire cause, et est causée par, la vie du sol. Ils comportent aussi des substances particulières (hormones, vitamines) qui sont utiles aux plantes et peu trouvables ailleurs. On comprend dont l'intérêt de maintenir un stock permanent de produits transitoires, notamment sous forme de paillage permanent et équilibré.

L'humification est une véritable construction de molécules nouvelles et de plus en plus complexes. C'est un phénomène de polymérisation, de formation de grosses molécules par assemblage de plus petites. La formation de l'humus est plus ou moins facile en fonction de la teneur du terrain en argile. Les composés humiques sont moins polymérisés et moins stables en milieu sableux.

Les capacités des racines

La colossale masse de racines des plantes, en particulier des arbres, a un fort rôle drainant. Et dans le cadre des engrais verts : la racine peut jouer le rôle d'accumulateur de réserves nutritives. Plus encore, elle modifie son environnement : c'est la rhizosphère. Les racines diffusent ainsi dans le sol des exsudats racinaires, composés d'une grande variété de glucides, d'acides organiques, de protéines, d'enzymes, etc. Les racines les plus jeunes seraient plus actives sur ce plan que les plus âgées.

La plante, en modulant ses exsudats racinaires, peut dans une certaine mesure contrôler la composition de la rhizosphère pour la faire tendre vers ses propres besoins. Par exemple, les spores des champignons mycorhiziens germent au contact des racines, quand les conditions adéquates pour eux sont réunies... par la présence et l'action des racines.

Les caractères allélopathiques d'une plante donne une idée de ses relations avec les autres végétaux, relations probablement déterminées en partie exsudats racinaires. Ces caractères sont extrêmement complexes et encore très mal connus. Par exemple, la folle avoine a un fort effet inhibiteur envers le blé, et le liseron des champs inhibe fortement la germination et la croissance du maïs.

Engrais verts et structure du sol

Les éléments colloïdaux sont des particules qui, dans un liquide donné, ne se dissolvent pas (contrairement au sucre par exemple) et restent cohérents. Ils restent en suspension et forment une solution colloïdale (comme la gélatine). Comme ils sont porteurs de charges électriques, ils se repoussent mutuellement et égalisent leur densité dans la solution. Cette solution colloïdale peut floculer, c'est-à-dire "couler au fond" sous l'action de certaines substances qui viennent perturber cet équilibre électrique.

Dans le sol sont présents deux colloïdes essentiels : l'humus et l'argile. Ils forment tous deux une solution colloïdale, donc stable, avec l'eau. Quand cette solution colloïdale d'argile et d'humus flocule, on obtient le complexe-argilo-humique.

C'est la microstructure. La macrostructure, elle, dépend essentiellement de l'activité biologique présente dans la terre, qui aère le sol, le rend poreux et perméable. Il est important que la structure permettent la pénétration et la circulation de l'air dans le sol. Les sols les plus fertiles ont tendance à présenter une structure grumeleuse, car c'est dans ce type de structure que les organismes aérobies s'alimentent le plus aisément en air et en eau.

Dans le cadre d'un engrais vert qu'on détruit, la décomposition des racines est plus lente que celle des parties aérienne : elle prend le relai et assure une libération plus longue de produits transitoire.

L'époque de destruction de l'engrais vert est importante : jeune, il est plus fermentescible et libère ses produits transitoires rapidement, plus âgé, et donc plus lignifié, il se dégradera plus lentement. Pour éviter toute perte, de la végétation doit être présente pour récupérer les nutriments ainsi libérés.

Un petit mot "contre" le travail du sol. Quand les engrais verts sont simplement coupés et laissés sur place en mulch, la décomposition des racines va pouvoir se faire progressivement en partant du haut des racines : micro-organismes, eau et oxygène pourront suivre naturellement les racines. En revanche, si la couche supérieure du sol est travaillée mécaniquement, les parties inférieures des racines vont être plus "enterrées" et risquent plus d'être placée en conditions anaérobies.

Quelques points essentiels

  • Suppression des gaspillages (oxydation de l'humus par travail du sol, pertes et lessivages par sol laissé nu, engrais verts incorporés en conditions anaérobies, etc.)
  • Mobilisation des réserves aux moments adéquats de croissance des cultures
  • Rotation aussi continue et permanente que possible

A noter que les terrains acides mais sains s'amélioreraient d'eux-mêmes en présence de paillage organique prolongé, car la vie microbienne aérobie s'efforcerait toujours de créer un habitat qui lui est propice et notamment de ramener le pH vers la neutralité.

A noter que le livre se conclue notamment sur des pistes pour utiliser les adventices comme engrais verts, et même d'utiliser exclusivement les plantes spontanées comme amendement. Pas à la portée de toutes les plantes (courges notamment) et certainement pas faisable de façon réaliste dans la plupart des cas, mais j'apprécie l'exploration.

dimanche 13 octobre 2024

Où je me remets à la vidéo avec un focus renouvelé

J'ai donc ouvert récemment une petite pépinière d'arbres fruitiers et utiles. C'est un projet à long terme : si viabilité économique il y a, je suppose qu'il lui faudra au moins plusieurs années pour s'installer. Idéalement, je vendrais tous mes arbres sur place, de façon locale. Cependant, la pépinière à petite échelle est en plein boom, notamment dans les environs. Les confrères ne manquent pas. La vente à distance est donc un axe important.

Alors je me suis dit : pourquoi ne pas utiliser des activités que j'ai pratiquées, où que je pratique encore, pour mettre en avant la pépinière ?

Premier angle : le blog. Je passe dans tous les cas du temps à lire des livres et à écrire sur ces livres. En conséquence, j'ai créé sur le site de la pépinière un onglet blog : j'y mettrai mes comptes-rendu sur les livres qui concernent la botanique, l'agronomie, etc. Utile ? Je ne sais pas, mais pour moi c'est très peu de travail supplémentaire, alors pourquoi pas. 

Deuxième angle : la vidéo. J'ai eu plusieurs phases d'expérimentation avec la vidéo, notamment la vidéo sur les plantes sauvages. C'était une activité très plaisante, mais trop chronophage et sans vraiment de perspectives. Cependant, aujourd'hui, ça peut être une façon pertinente de promouvoir la pépinière. L'idée est que j'ai 2 hectares de terrain sous le nez, plus de 2 ans d'expérience avec ce terrain, sans compter les années d'expérience précédente avec les plantes sauvages, et la création d'une pépinière pro, plus toutes mes lectures : je commence à avoir assez confiance en mon expérience pour me dire que je pourrais la transmettre utilement à autrui. J'ai choisi un format où je parle beaucoup, pour essayer de caser autant d'infos que possible en peu de temps, avec quand même des tentatives de jolies images.

Évidemment, je n'ai aucune prétention sur la qualité où l'intérêt de ce que je fais (je dirais même : au contraire). L'idée, c'est surtout d'être proactif, faire des trucs, et essayer de les faire bien.

Première vidéo : retour d'expérience après 2 ans avec des poulettes !

Lien direct vers la page youtube.


jeudi 3 octobre 2024

Ouverture de la pépinière (année zéro)

Voici donc ce sur quoi je travaille depuis un moment déjà : une pépinière d'arbres fruitiers et utiles.

Le site est par ici.

Je l'ai bricolé moi-même en septembre ; j'ai beaucoup aimé ce processus de création.

Je ne vais pas donner trop de détails ici, je n'ai pas envie qu'une recherche google concernant la pépinière ramène sur ce petit blog.

Pour l'instant, c'est l'année zéro, c'est-à-dire que je n'ai que quelques centaines d'arbres en stock. A partir de maintenant, je passe à peu près à plein temps sur la pépinière pour avoir environ 1300 arbres en stock l'hiver prochain et les années suivantes tourner autour de 2000 au moins.

Les arbres sont vendus en racines nues, et donc seulement en hiver, quand ils sont en dormance. Ainsi, pas de pot, et des arbres qui poussent dans un véritable sol.

Me voilà entrepreneur ! Je suis en bonne partie submergé par le syndrome de l'imposteur. Rien d'anormal je suppose. Il me faut ignorer toutes les voix intérieures qui me disent que c'est ridicule, voué à l'échec, que je ne suis pas fait pour ça, que mes arbres ne sont pas assez bien, que ça se voit sur ma tête que je n'ai aucune idée de ce que je fais, etc. Parallèlement, il y a l'aspect stimulant : plein de choses à gérer, notamment la gestion d'un terrain, une nécessaire perspective à long terme, de l'apprentissage permanent, la dimension sociale... Ça me botte. Je m'amuse. Je fais ce que je veux. Ça ne ressemble pas à du travail, du moins pas encore. Et la dimension éthique : c'est une activité à peu près inattaquable éthiquement, d'autant plus avec les pratiques que je mets en place. C'est important pour moi : quelle que soit la façon dont je retourne la question, la réponse reste la même : si mon entreprise réussit, je produirai bien plus de positif que de négatif. Sans équivoque.

Je sais qu'il y a des chances pour que je me casse la gueule économiquement. Pour que, quelles que soient les raisons, ça ne fonctionne pas. Pour que personne ne veuille de mes arbres. On verra. Le chemin, la destination, etc.

vendredi 27 septembre 2024

Biologie de Campbell #15 - Les bases chromosomiques de l'hérédité

Encore une fois, c'est plus clair en schéma. Un résumé des chapitres précédents. Les métaphases et anaphases ne sont pas limpides sur le schéma, mais en gros, la métaphase et l'anaphase sont des phases de division et répartition du matériel génétique lors de la mitose et de la méiose.

La mitose conserve le même nombre de chromosomes dans les cellules filles, tandis que la méiose est spécifique à la création des gamètes, qui n'ont que la moitié du matériel génétique du parent. Pendant la méiose, ces étapes fonctionnent de manière particulière pour réduire de moitié le nombre de chromosomes. Chaque cellule fille reçoit un chromosome de chaque paire, de manière aléatoire en termes d'origine parentale, grâce à l'assortiment indépendant des chromosomes homologues. Attention : ce schéma n'inclut pas l'enjambement;

Après Mendel, Morgan ; après le pois, la mouche du vinaigre, ou drosophile, qui se nourrit des moisissures poussant sur les fruits. Un accouplement fait des centaines de descendants et il est possible d'obtenir une nouvelle génération tous les 15 jours : pratique. Cette mouche a aussi l'avantage de ne posséder que 4 paires de chromosomes.

Le phénotype le plus commun d'un caractère donné dans les populations sauvages sera appelé le phénotype sauvage. Après expérimentations, Morgan découvre une drosophile mutante, aux yeux blancs. Le symbole de l'allèle des yeux blancs est w pour white ; l'allèle sauvage est w⁺. 

Morgan a fait avec les drosophiles un peu les mêmes expériences que Mendel avec les pois : il retrouvait les mêmes proportions des caractères en génération F₂. Un point était différent : le caractère des yeux blancs n'était présent que chez les mâles. Donc, le caractère se trouvait certainement sur le chromosome Y. Les femelles ont deux chromosomes X, les hommes un X et un Y ; nous sommes vers 1910 et ce fait était découvert depuis quelques années. Le chromosome Y est beaucoup plus petit que le X.

Pour les mâles, comme il n'y a qu'un chromosome X, il n'y a pas deux allèles ; il n'y a qu'un gène pour chaque locus. Donc il suffit qu'il y ait un gène récessif sur le chromosome X pour qu'il s'exprime : il n'y a pas de chromosome homologue qui pourrait avoir un gène dominant.

LES GÈNES LIÉS AU SEXE ONT UN MODE DE TRANSMISSION HÉRÉDITAIRE QUI LEUR EST PROPRE

De courts segments à l'extrémité du chromosome Y fonctionnent comme des régions homologues au chromosome X ; ainsi, dans un testicule, pendant la méiose, ces régions homologues permettent aux deux chromosomes de s'associer et de se comporter comme une paire d'homologues.

Différentes espèces peuvent avoir différents systèmes de détermination chromosomique du sexe. Chez les humains les hommes ont 50% de chances de donner 22 chromosomes + X et 50% de chances de donner 22 chromosomes + Y, alors que les femelles ont 100% de chances de de donner 22 chromosomes + X. Chez les oiseaux, par exemple, le sexe est déterminé par le chromosome présent dans l'ovule avant sa fécondation ; c'est la femelle qui est hétérogamétique. Autre exemple : la plupart des espèces d'abeille et de fourmis n'ont pas de chromosome sexuel. Les femelles se développent à partir d'ovules fécondés et sont donc diploïdes ; les mâles se développent à partir d'ovules non fécondés, ils n'ont pas de père.

Le chromosome Y est transmis presque intact par le père à tous ses fils. Comme il y a très peu de gènes liés au chromosome Y, le père transmet très peu d'anomalies par ce chromosome.

Le sexe est déterminé par des interactions au sein d'un réseau de produits génétiques : des gènes présents sur d'autres chromosomes que X et Y sont impliqués.

Comme les hommes n'ont qu'un seul chromosome X, ils sont beaucoup plus nombreux que les femmes à souffrir de maladies héréditaires récessives liées au chromosome X, comme le daltonisme (Schéma des probabilités de transmission en fonction du génome des parents p.327) ou d'autres maladies plus graves.

LES GÈNES LIES SONT SOUVENT TRANSMIS ENSEMBLE CAR ILS SE TROUVENT PROCHES LES UNS DES AUTRES SUR LE MÊME CHROMOSOME

Chaque chromosome porte des centaines ou des milliers de gènes (sauf le Y qui en a environ 78). Les gènes liés, gènes proches des autres sur le même chromosome, ne semblent pas obéir à la loi mendélienne de l'assortiment aléatoire des caractères : certains gènes, et donc caractères, ont tendance à être transmis ensemble.

Dans le cas de deux gènes situés sur des chromosomes différents, on a bien une fréquence de recombinaison de 50% en cas de croisement. Dans le cas de deux gènes sur le même chromosome, la fréquence de recombinaison passe à environ 17%.  C'est l'enjambement qui est responsable de cette recombinaison occasionnelle (voir chapitre 13).

L'enjambement a donc rôle capital sur le plan évolutionnaire : s'assurer de la variabilité des chromosomes.

Plus les gènes sont éloignés les uns des autres sur un chromosome, plus il y a de chances qu'un enjambement survienne entre eux et par conséquence plus la probabilité qu'une recombinaison se produise est élevée. Il est donc possible de créer une carte de liaison génétique à partir des fréquences de recombinaison. Certains gènes peuvent être si éloignés l'un de l'autre sur le même chromosome que leur fréquence de recombinaison est de 50%, comme s'ils étaient sur des chromosomes différents. De plus, la fréquence des enjambements n'est pas la même tout le long du chromosome ; une carte de liaison génétique n'est pas similaire à une carte physique. L'ordre des gènes reste le même, mais pas leur distance.

LES ANOMALIES DU NOMBRE OU DE LA STRUCTURE DES CHROMOSOMES CAUSENT CERTAINES MALADIES GÉNÉTIQUES

Chez l'humain, les aberrations chromosomiques importantes provoquent souvent, mais pas toujours, l'avortement du fœtus. Les végétaux semblent mieux tolérer de telles anomalies que les animaux.

Un premier type d'aberration est le nombre anormal de chromosomes, par exemple la monosomie ou la trisomie. Ces problèmes surviennent pendant la méiose. On estime que ce sont les principales causes de fausses couches.

Chez les végétaux, l'apparition spontanée d'individus polyploïde (qui possèdent plus de deux jeux complets de chromosomes dans toutes leurs cellules somatiques) joue un rôle important, là où ce serait très handicapant pour les animaux. Par exemple, le pommier Reinette du Canada est triploïde : il a 3 copies de chaque gène au lieu de 2. La présence de gènes supplémentaires réduit la fertilité de son pollen mais contribue à créer de très gros fruits.

Un autre problème potentiel est la rupture des chromosomes, causée par exemple par les radiations. La délétion suppose la perte d'un fragment ainsi cassé ; il y a duplication si ce fragment se rattache ; et inversion s'il se rattache à son chromosome d'origine mais à l'envers ; ou translocation s'il se rattache à un chromosome non homologue. C'est pendant la méiose, lors d'un enjambement, que ces problèmes ont le plus de probabilité de se produire.

CERTAINS MODES DE TRANSMISSION HÉRÉDITAIRE FONT EXCEPTION A LA THÉORIE CLASSIQUE DE L'HÉRÉDITÉ MENDÉLIENNE 

Les exemples qui précèdent sont des exceptions anormales, mais il y en a aussi qui sont normales.

Parfois, chez les mammifères, l'expression de certains caractères dépend du sexe du parent qui transmet l'allèle : c'est l'empreinte génomique.

Les gènes des cellules eucaryotes ne sont pas tous situés sur les chromosomes du noyau ni même dans le noyau : il y a des gènes dans les organites contenus dans le cytoplasme. Ce sont des gènes extranucléaires ou cytoplasmiques. C'est le cas des mitochondries (ADNmt) et, chez les végétaux, des chloroplastes (ADNcp) et d'autres plastes. Ces organites se reproduisent et transmettent leurs gènes. La mitochondrie n'a que 37 gènes ; ils ne suivent pas le modèles mendélien de l'hérédité car ils ne sont pas transmis aux descendants selon les mêmes lois que les chromosomes nucléaires pendant la méiose. Dans la plupart des cas, ces gènes sont transmis par hérédité maternelle.

lundi 23 septembre 2024

Incandescence - Greg Egan

Incandescence - Greg Egan

Incandescence, roman non traduit en français, m'apparait comme un moment de transition dans la bibliographie de Greg Egan. Il me semble que commence là une obsession pour la description et l'exploration de situations physiques étonnantes, voire d'univers aux lois physiques différentes, au détriment de l'accessibilité narrative. Incandescence est ainsi très proche de The Clockwork Rocket, l'un des romans suivants d'Egan, qui n'avait pas su me captiver malgré de nombreuses qualités.

Incandescence est divisé en deux trames parallèles qui se croisent assez peu. Dans les deux cas, on est dans un futur extrêmement lointain où quasiment toute la galaxie est colonisée par deux civilisations, notamment l'Amalgame, dont les membres descendent de nombreuses espèces différentes, chacune issues parfois de l'ADN, mais aussi d'autres réplicateurs répandus par panspermie. Peu importe les différences évolutives entre ces êtres : au final, ils sont réunis par l'intelligence, et comme ils existent et se déplacent avant tout sous forme de données, ils peuvent être ce qu'ils veulent. Plus proche du centre galactique se trouvent les Aloofs, qui refusent tout contact. Plus tard dans le roman, après que ce même thème est exploré plus longuement, on suppose que les Aloofs sont simplement vieux, terriblement vieux, et qu'ils ne vivent plus guère que dans une sorte de dormance, en attendant qu'il se passe quelque chose de neuf. Tout ça, ça me botte.

D'un côté, on suit deux membres de l'Amalgame qui plongent en plein territoire Aloof pour essayer de trouver une race perdue issue de l'ADN. Ils vont la trouver : isolée en orbite autour d'une étoile à neutron, ou d'un trou noir, je ne sais plus. Une question morale se pose : les visiteurs ont-ils le droit de déranger cette race au fort potentiel d'intelligence mais si adaptée et satisfaite par la platitude répétitive du quotidien ? Twist évolutionnaire : le stress déclenche chez cette race une réaction qui active l'intelligence, disons, afin de faire face aux défis existentiels. Pas besoin de curiosité si tout va bien !

La trame parallèle se déroule de la perspective de cette même race perdue, dans un autre refuge. A moins que ce soit le même dans le futur ? J'aime beaucoup la xénobiologie que développe Egan, ici comme dans The Clockwork Rocket d'ailleurs. C'est d'autant plus impressionnant que ce n'est pas le sujet du roman, ce n'est qu'un à côté. Mention spéciale au système de reproduction de ces aliens. J'admire également la façon dont Egan parvient à créer des personnages pertinents et attachants, alors même que ces personnages sont avant tout des véhicules pour les idées. En revanche, c'est très, très difficile à suivre. L'essentiel de la trame voit ces aliens essayant de comprendre la physique de leur petit monde bizarre. Au début, ça va, notamment grâce à deux schémas très utiles pour comprendre les bases. J'aurais juste voulu qu'Egan continue à utiliser les schémas, parce que j'ai rapidement été largué. Il s'agit d'expériences assez sèches sur la gravitation, la dynamique orbitale, la relativité générale, etc., le tout dans un contexte pas évident avec des aliens qui n'utilisent pas le vocabulaire familier de notre physique. Ce qui est frustrant, c'est l'impression que si Egan avait essayé juste un peu plus, il aurait pu m'entrainer : des schémas pour illustrer chaque expérience et chaque idée aurait suffi pour que je saisisse le plus gros.

Comment souvent avec Greg Egan, on fait face à un roman qui déborde de bonnes idées stimulantes, mais les idées sont planquées dans une narration parfois impénétrable. Le roman est aussi affaibli par ces deux trames parallèles, qui pour moi ne se sont pas entremêlées d'une façon satisfaisante, et au contraire semblent chacune manquer de chair — ou alors j'étais simplement trop las à la fin pour saisir toutes les nuances.

vendredi 13 septembre 2024

Biologie de Campbell #14 - Mendel et le concept de gène

Biologie de Campbell #14 - Mendel et le concept de gène

MENDEL A DÉCOUVERT LES DEUX LOIS DE L'HÉRÉDITÉ EN UTILISANT L'APPROCHE SCIENTIFIQUE 

Mendel, le moine qui a percé les mystères de l'hérédité avec des plants de pois ! Les pois étaient idéals pour l'expérimentation car il en existait de nombreuses variétés avec des caractères différents, un cycle de reproduction court et un nombre élevé d'individus à chaque croisement. De plus, Mendel pouvait contrôler de façon absolue l'identité des plantes qu'il croisait en coupant les étamines de certaines fleurs avant leur maturité puis en fécondant l'oosphère de la fleur mutilée avec les étamines d'une fleur choisie.

Il a utilisé une variété aux fleurs blanches et une autre aux fleurs mauves. De plus, il s'est assuré qu'il s'agissait de lignées pures, stables, dont les fleurs avaient toujours la même couleur après autofécondation.

Mendel croisait donc deux variétés : c'est une hybridation. On nomme génération P (parentale) la génération des parents de lignée pure et génération F₁ (première génération filiale) celle des hybrides qui en sont issus. En permettant l'autofécondation des hybrides F₁ on obtient une génération F₂ (deuxième génération filiale).

En général, Mendel suivait les caractères sur 3 générations au moins (P, F₁, F₂). C'est justement l'analyse des générations F₂ qui a été la clé de ses découvertes.

        La loi de la ségrégation 

Après hybridation entre variété à fleur blanche et variété à fleur violette, la génération F₁ possède exclusivement des fleurs violettes, mais le caractère des fleurs blanches réapparait en génération F₂, ce qui prouvait que le facteur héréditaire n'avait pas été détruit en génération F₁ mais plutôt caché.

Mendel travaillait sur de grands échantillons : il pouvait donc avoir des données de valeur sur les proportions. Ainsi, en génération F₂, il obtenait environ 3 plantes à fleur violette pour 1 plante à fleur blanche. Selon la terminologie de Mendel, la couleur violette des fleurs est un caractère dominant, et la couleur blanche un caractère récessif

Mendel a effectué le même genre d'expérience sur d'autres caractères du pois : couleur des graines, forme des graines, couleur des gousses, forme des gousses... Il retrouvait toujours les mêmes proportions : en F₁ un caractère dominait à 100%, en F₂ l'autre caractère réémergeait à hauteur de 25%.

Pour le vocabulaire moderne, allèle sera utilisé au lieu de caractère et gène au lieu de facteur héréditaire.

  1. Les variations des caractères génétiques s'expliquent par les versions différentes que les gènes peuvent avoir. Ces deux versions possibles d'un même gène sont nommées allèles. Chaque gène est une séquence de nucléotides qui occupent un endroit précis (locus) sur un chromosome donné, les allèles en sont des variations. Dans un individu, il y a 2 allèles d'un même gène, un pour chaque chromosome homologue ; on peut aussi parler d'allèles au niveau de la population, dans ce cas il y a bien plus.
  2. Tout organisme hérite de 2 copies (allèles) d'un gène, identiques ou différentes, de chaque caractère, l'une venant du "père" et l'autre de la "mère". Mendel est arrivé à cette conclusion sans connaitre l'existence des chromosomes.
  3. Si 2 allèles d'un locus sont différents, l'un d'eux, l'allèle dominant, détermine l'apparence de l'organisme, alors que l'autre, l'allèle récessif, n'a pas d'effet notable.
  4. La quatrième partie du modèle de Mendel est celle qui porte le nom de loi mendélienne de la ségrégation. Il y a ségrégation (séparation) des 2 allèles de chaque caractère héréditaire au cours de la formation des gamètes et les 2 allèles se retrouvent dans des gamètes différents. Si un organisme possède deux allèles identiques d'un caractère donné, tous les gamètes qu'il produira posséderont l'allèle pour ce caractère ; dans ce cas, il y a donc un seul allèle pouvait être transmis aux descendants, ce qui garantit la similitude du caractère entre parents et descendant. C'est pourquoi on parle de lignée pure. Si l'organisme a deux allèles différents du caractère en question (comme c'est le cas pour les hybrides F₁, alors 50% des gamètes recevront l'allèle dominant et 50% l'allèle récessif.

Une grille de Punnett est un tableau qui permet de prédire facilement la constitution allélique (ou génotype) de la génération issue de croisements génétiques entre individus de génotype connu. Les lettres majuscules indiquent les allèles dominants et les lettres minuscules les allèles récessifs.

Point vocabulaire.

  • Homozygote : si un organisme possède une paire d'allèles identiques d'un gène encodant un caractère donné, on dit qu'il est homozygote pour le gène déterminant ce caractère. Tous leurs gamètes contiennent donc le même allèle. Si on croise des homozygotes dominants avec des homozygotes récessifs, tous les individus de la génération suivante auront deux allèles différents, mais seul le dominant sera exprimé.
  • Hétérozygote : se dit des organismes qui possèdent deux allèles (gènes) différents d'un allèle donné. Ils produisent des gamètes avec des allèles différents, ils ne représentent donc pas une lignée pure. 

Un allèle récessif peut donc être présent sans présenter d'effet : les caractères d'un organisme ne permettent pas de révéler ses combinaisons alléliques.

  • Le phénotype est l'apparence d'un organisme, ses caractères observables
  • Le génotype est sa constitution allélique

Un croisement de contrôle sert à découvrir le génotype d'un organisme (comme un plant de pois). En le croisant avec un individu avec un homozygote récessif et en observant le comportement du caractère étudié chez la descendance, on peut déduire la constitution allélique du parent au génotype inconnu (p.299).

    La loi de l'assortiment indépendant

Mendel a découvert la loi de la ségrégation à partir d'expériences portant sur un seul caractère. Tous les descendants de la génération F₁ obtenus par ses croisements de parents de lignée pure sont dits monohybrides, ce qui signifie qu'ils sont tous hétérozygotes pour ce caractère particulier. C'est un croisement monohybride : les parents ne diffèrent que par un trait, ou du moins on ne s'intéresse qu'à un trait.

Mendel a développé sa seconde loi de l'hérédité en étudiant 2 traits à la fois : la couleur et la forme des graines. On sait que les plantes de la génération F₁ seront dihybrides, hétérozygotes pour les deux caractères suivis dans le croisement.

C'est passionnant et il me faudrait tout recopier pour l'expliquer, voici donc l'expérience schématisée :

Cette loi permet donc la création de nouveaux phénotypes par recombinaison génétique. Les gènes peuvent se retrouver groupés dans les gamètes selon n'importe quelle combinaison allélique, tant que chaque gamète reçoit un allèle de chaque gène.

Autrement dit, la transmission d'un allèle pour un gène n'influence pas la transmission des allèles d'un autre gène. Cette loi s'applique aux gènes non liés, c'est-à-dire ceux qui se trouvent sur des chromosomes différents ou loin l'un de l'autre sur le même chromosome.

LES RÈGLES DES PROBABILITÉS RÉGISSENT LES LOIS DE L'HÉRÉDITÉ DE MENDEL

Passons sur les considérations statistiques à peu près logiques pour voir comment on peut calculer la probabilité que des génotypes spécifiques apparaissent à la génération F₂ d'un croisement dihybride, en prenant pour exemple la situation décrite par la grille de Punnett à 4 côtés ci-dessus.

Probabilité de JJRR = 1/4 (probabilité de JJ) x 1/4 (probabilité de RR) = 1/16

Probabilité de JjRR = 1/2 (Jj) x 1/4 (RR) = 1/8

A cause de la ségrégation des allèles lors de la formation des gamètes, il est deux fois plus probable que l'on se retrouve avec deux allèles différents plutôt que deux mêmes allèles : si les parents sont Jj et Jj, on a 2chances sur 4 d'avoir les deux allèles différents (Jj ou jJ), 1 chance sur 4 d'avoir JJ et 1 chance sur 4 d'avoir jj, le tableau des probabilités ressemblant à ça :

JJ    Jj

jJ    jj

Voyons si on suit l'hérédité sur 3 caractères, par exemple avec le croisement VvJjRr x Vvjjrr. La première variété est hétérozygote sur les 3 gènes, alors que la seconde est hétérozygote pour le premier trait mais homozygote récessive pour les 2 autres caractères.

Quelle fraction des descendants aura des phénotypes récessifs dans le cas d'au moins 2 caractères sur les 3 ? On fait la liste des génotypes satisfaisant à cette condition et on calcule. Important : dans un croisement mettant en jeu des paires d'allèles hétérozygotes (Jj) et homozygotes récessifs (jj), soit Jj x jj, la probabilité que la génération suivante soit hétérozygote est de 1/2 et cette qu'elle soit homozygote est de 1/2.

C'est de la probabilité : les résultats en réalité ont une marge de flou mais respecteront globalement ces proportions.

CERTAINS MODÈLES D'HÉRÉDITÉ SONT PLUS COMPLEXES QUE CE QUE PRÉDIT LA GÉNÉTIQUE DE MENDEL

Les caractères des pois auxquels s'intéressait Mendel sont assez simples : chacun des caractères est déterminé par un seul gène dont il n'existe que deux allèles, l'un dominant et l'autre récessif. Dans les faits, c'est plus compliqué.

  • La gamme des relations de dominance et de récessivité 

Les allèles peuvent présenter divers degrés de dominance et de récessivité en relation les uns avec les autres. Ce qu'on a vu auparavant dans les lois mendéliennes impliquait une dominance complète ; il existe aussi la dominance incomplète. Dans ce cas, il y a probabilité de phénotype intermédiaire situé entre les phénotypes des deux variétés parentales. Par exemple, croiser fleurs rouges + fleurs blanches donnera dans un tel cas 100% de fleurs roses en génération F₁, puis en génération F₂ 50% de chance de faire des fleurs roses, 25% des rouges, 25% des blanches. Attention : ce n'est donc pas de l'hérédité par mélange ; les caractères originaux ne sont pas perdus.

Il existe aussi la codominance, situation dans laquelle les deux allèles s'expriment pleinement dans le phénotype. 

  • Les allèles multiples

La plupart des gènes présentent plus de deux formes alléliques.

  • La pléiotropie

La plupart des gènes n'ont pas qu'un seul effet phénotypique, mais des effets phénotypiques multiples, propriété appelée pléiotropie.

  • L'épistasie

Dans l'épistasie, l'expression phénotypique d'un gène occupant un locus donné peut agir sur celle d'un autre gène situé sur un autre locus.

  • L'hérédité polygénique

Mendel a étudié des caractères qui ont deux possibilités distinctes, mais de nombreux traits (couleur de peau, taille, etc.) présentent de nombreuses variations qui forment un continuum dans la population. Il s'agit de caractères quantitatifs. Les variations quantitatives sont généralement le signe d'une hérédité polygénique, où deux gènes ou plus exercent un effet cumulatif sur un même phénotype. En ce sens, c'est un peu le miroir de la pléiotropie. Par exemple, pour la taille humaine, on a pu observer qu'elle était influencée par plus de 700 variations génétiques associées à plus de 180 gènes. Voir p. 307 pour un exemple détaillé sur la couleur de peau.

  •  L'environnement

Le phénotype dépend du génotype mais aussi du milieu, qui va changer les façons dont va pouvoir se manifester le génotype.

DE NOMBREUX CARACTÈRES HUMAINS SUIVENT LES MODÈLES MENDÉLIENS DE L'HÉRÉDITÉ

La visualisation schématique des lignages est très évocatrice de la façon dont les traits sont transmis :

Dans le cas des maladies génétiques dites récessives, on comprend pourquoi on peut être un porteur sain : si on a un allèle dominant "normal" et un allèle récessif "malade", alors on est porteur sain, mais si on a un enfant avec quelqu'un qui a aussi ces deux allèles, les enfants ont les probabilités génétiques suivantes : 1/4 d'avoir deux allèles "normal" (AA), 2/4 d'être "porteur sain" (Aa) et 1/4 d'avoir les deux allèles récessifs malades (aa) et donc d'activer la maladie.

On comprend qu'il est plus probable que deux parents possèdent les mêmes gènes "malades" récessifs s'ils sont proches génétiquement : c'est la consanguinité.

Dans certains cas, par exemple avec l'anémie à hématies falciformes, très présente en Afrique, la présence d'un allèle peu avoir des effets bénéfiques (résistance au paludisme), ce qui explique sa fréquence d'un point de vue évolutionnaire, bien que la présence de deux allèles cause l'anémie. Cet allèle est donc avantageux pour les homozygotes et désavantageux pour les hétérozygotes.

Il y a aussi de nombreuses maladies humaines causées par des allèles dominants. Elles peuvent être néanmoins rares car l'allèle récessif peut être beaucoup plus fréquent que le dominant.

Ces exemples sont des maladies mendéliennes simples, car elles sont causées par un ou deux allèles sur un seul locus. La plupart des afflictions ont cependant des causes multifactorielles. Dans de tels cas, l'influence héréditaire est polygénique.

mardi 10 septembre 2024

Biologie de Campbell #13 - La méiose et les cycles de développement sexués

Biologie de Campbell #13 - La méiose et les cylces de développement sexués

Les enfants reçoivent de leurs parents une information codée contenue dans des unités héréditaires appelés gènes. Chez les animaux, les gènes sont transmis d'une génération à l'autre par des cellules reproductrices appelées gamètes. Dans une cellule eucaryote, l'ADN est presque entièrement contenu à l'intérieur du noyau, à l'exception de petites quantités d'ADN dans les mitochondries et les chloroplastes. L'emplacement exact d'un gène sur un chromosome est appelé locus.

Certains organismes qui pratiquent la reproduction asexuée peuvent se reproduire par simple mitose. C'est le cas d'organismes unicellulaires mais aussi des végétaux qui se reproduisent par stolons ou rhizomes. Des changements dans l'ADN peuvent néanmoins se produire par mutation.

LA FÉCONDATION, LA MITOSE ET LA MÉIOSE SE COMPLÈTENT DANS LE CYCLE DE REPRODUCTION SEXUÉE

La suite d'étapes entre la conception d'un organisme et la conception de ses descendants est nommée le cycle de développement.

Pour chaque chromosome il existe en fait une paire de chromosomes homologues : l'un vient de la mère, l'autre du père. (Ce sont les cellules diploïdes : qui ont des paires de chromosomes.) Ils ont la même taille, la même forme, mais pas forcément les mêmes versions de chaque gène. Une exception concerne la paire de chromosomes sexuels : chez les femmes, les chromosomes sexuels sont homologues (XX), tandis que chez les hommes, ils sont légèrement différents (XY), donc pas totalement homologues.

On représente souvent les chromosomes, sous forme de caryotype, comme deux barres plus ou moins parallèles : | | ou ) (. Ces deux barres sont les deux chromosomes homologues : l'un d'origine mâle, l'autre d'origine femelle. En réalité, dans la cellule, ils ne se présentent pas parallèles. Lors de la réplication de l'ADN, chacun de ces deux chromosomes forme deux chromatides sœurs, ce qui pourrait ressembler à ça : || || ou )) ((.

  • Les chromosomes homologues sont deux chromosomes distincts, un de chaque parent : ) (
  • Les chromatides sœurs sont les deux copies identiques d'un même chromosome après la réplication de l'ADN : )) et (( sont deux paires de chromatides sœurs

Les chromatides sœurs sont les deux copies identiques d'un chromosome, formées par la réplication de l'ADN, qui sont reliées entre elles par une région appelée centromère. Chaque chromosome se réplique avant la division cellulaire, produisant ainsi deux chromatides sœurs. Elles contiennent une séquence d'ADN identique, étant des copies exactes l'une de l'autre.

Contrairement aux cellules somatiques, les gamètes n'ont qu'un jeu de chromosomes : ce sont des cellules haploïdes. Le jeu de 23 chromosomes comprend 22 autosomes (chromosomes non sexuels) et 1 chromosome sexuel. Dans un ovule non fécondé, ce chromosome sexuel est un chromosome X, mais dans un spermatozoïde, il peut s'agir d'un chromosome X ou Y.

Le nombre diploïde est abrégé en 2n, et le nombre haploïde est n. Ainsi, chez les humains, 2n=46 et n=23.

Le nombre de chromosomes chez une espèce n'est globalement pas lié à la taille ou à la complexité du génome ; il reflète uniquement le nombre de fragments linéaires d'ADN composant le génome, ce qui dépend de l'histoire évolutive de l'espèce.

Le cycle de développement humain commence quand un spermatozoïde (haploïde) venant du père fusionne avec un ovule (haploïde) de la mère. Cette union des gamètes, qui aboutit à la fusion des noyaux, se nomme fécondation. L'ovule fécondé qui en résulte, le zygote, est diploïde parce qu'il contient deux jeux haploïdes de chromosomes.

Chez l'être humain, les gamètes sont les seules cellules qui ne sont pas produites par mitose. Elles se développent à partir de cellules spécialisées, les cellules germinales, qui se trouvent dans les gonades (ovaires) et les testicules, via la méiose, processus qui réduit de 2 à 1 le nombre de jeux de chromosomes des gamètes, ce qui compense le doublement qui a lieu à la fécondation. La méiose et la fécondation caractérisent la reproduction sexuée des animaux, des végétaux, des eumycètes et des protistes.

Il y a des variations dans les étapes de ces processus selon les organismes, notamment les végétaux, décrites pages 281-282. Tous ces processus ont néanmoins une même conséquence : une variation génétique à la génération suivante.

La méiose est décrite précisément pages 283-285. Je passe sur ces détails et sur la comparaison avec la mitose. Le schéma ci-dessous évoque clairement l'essentiel, les couleurs différentes représentant l'origine paternelle ou maternelle d'un chromosome :


L'ÉVOLUTION RÉSULTE DE LA VARIATION GÉNÉTIQUE QUI PREND SA SOURCE DANS LA REPRODUCTION SEXUÉE

La mutation constitue la source première de la diversité génétique. Ces modifications de l'ADN d'un organisme créent différentes versions des gènes appelées allèles. Une fois ces différences apparues, la redistribution des allèles pendant la reproduction sexuée produit la variation qui permet des combinaisons uniques de caractères pour chaque membre d'une population à reproduction sexuée.

Trois phénomènes contribuent à la diversité génétique des organismes sexués :

  • L'assortiment indépendant des chromosomes. En gros, chaque cellule fille de la méiose contient une combinaison particulière et aléatoire des différents chromosomes maternels et paternels. C'est dû à l'orientation aléatoire des chromosomes au début de la méiose. Chez l'humain, les gamètes ont 23 chromosomes, et chaque chromosome a 2 orientations possibles, le nombre de combinaisons possible est donc d'environ 2²³, soit 8,4 millions.
  • L'enjambement. Ce mécanisme produit des chromosomes recombinés, c'est-à-dire qu'ils portent des gènes provenant de chacun des deux parents. Chez l'humain, à la méiose, on compte en moyenne un à trois enjambements par paire de chromosomes. L'enjambement produit des chromosomes nouveaux, contenant de nouvelles combinaisons d'allèles maternels et paternels.
  • La fécondation aléatoire. Ce point-là, c'est facile à comprendre.

Le lien avec l'évolution est évident : il arrive que des combinaisons d'allèles récentes et différentes s'avèrent plus avantageuses que celles qui existaient auparavant. La reproduction sexuée est presque universelle chez les animaux car la diversité est avantageuse pour s'adapter à un environnement changeant. A noter que c'est la diversité génétique qui est avantageuse et que la reproduction sexuée est un moyen vers cette diversité.

vendredi 6 septembre 2024

Biologie de Campbell #12 - Le cycle cellulaire

La division cellulaire peut avoir des fonctions diverses :

  • Reproduction asexuée, comme pour les organismes eucaryotes unicellulaires
  • Croissance et développement, comme pour un embryon
  • Régénération des tissus, comme pour la moelle osseuse

Le cycle cellulaire est la suite ordonnée d'évènements qui marquent la vie d'une cellule depuis le moment où elle est formée à partir de la cellule mère jusqu'à sa propre division en deux cellules filles. Une des fonctions capitales de la division cellulaire est de transmettre un matériel génétique identique aux cellules filles.

La division cellulaire par mitose distribue un matériel génétique identique aux deux cellules filles. (A l'inverse de la méiose, le type de division cellulaire qui sert à produire spermatozoïdes et ovules.)

L'ADN d'une cellule humaine typique mesure environ 2 mètres, et tout cet ADN doit être copié. C'est possible car les molécules d'ADN forment des chromosomes. Chaque chromosome eucaryote consiste en une très longue molécule d'ADN associée à de nombreuses protéines et divisée en des centaines ou des milliers de gènes, le gène étant l'unité d'information qui détermine un caractère d'un organisme. On appelle chromatine le complexe d'ADN et de protéines régulent et structurent l'ADN.

Toute espèce eucaryote possède dans le noyau de ses cellules un nombre caractéristique de chromosomes. Ainsi, chez l'humain, les cellules somatiques (toutes les cellules sauf les cellules reproductrices) ont 46 chromosomes répartis en 2 jeux de 23, chacun provenant d'un des deux parents. Le nombre de chromosomes dans les cellules varie fortement en fonction des espèces.

En somme, dans la cellule, l'ADN n'est pas un long filament ininterrompu : c'est au contraire un filament découpé, chaque morceau étant plus ou moins enroulé sur lui-même pour former des chromosomes. Cette division du matériel génétique permet une gestion et une lecture plus efficace de l'ADN. La forme chromosomique est plus pratique pour la copie du matériel génétique avant la division ; alors que la forme non enroulée est plus pratique pour la lecture.

Les phases de la mitose dans une cellule animale sont décrites en détail pages 260-261. Je ne vais pas évoquer ici tous les détails de cette complexe danse microscopique, bien que ce soit le cœur de ce chapitre. Je saute aussi quelques pages qui rentrent encore plus dans les détails de certaines phases de la mitose.

Dans le cycle cellulaire, la mitose elle-même ne présente qu'une petite partie du temps et du travail : la plus grande partie du temps est consacré à la croissance de la cellule, puis à la synthèse de l'ADN à copier, puis à nouveau une phase de croissance. Puis vient la mitose elle-même, c'est-à-dire la division cellulaire à proprement parler.

Notons que la division cellulaire se déroule différemment selon les règnes ou groupes d'organismes. Par exemple, là où la cellule animale se "tranche" en deux, chez les végétaux, après la copie du matériel génétique, celui-ci se répartit de chaque côté de la cellule, et c'est l'apparition par sécrétion intérieure d'une nouvelle paroi cellulaire qui vient diviser la cellule.

UN MÉCANISME DE RÉGULATION CELLULAIRE GOUVERNE LE CYCLE CELLULAIRE DES EUCARYOTES

Il va de soi que la fréquence de division des cellules varie au sein d'un même organisme. Par exemple, chez un arbre, les cellules à l'extrémité d'un rameau se divisent plus. Ou chez l'humain, les cellules de la peau. D'ailleurs, chez l'humain 25 millions de cellules se diviseraient chaque seconde.

En effet, le cycle cellulaire est contrôlé par diverses protéines qui activent ou non le processus à certains "points de contrôle". Par exemple, le point de contrôle G₁ : il est capital puisque c'est là que, si des anomalies sont détectées, la cellule n'est pas autorisée à poursuivre son cycle. Lorsque l'ADN est endommagé, une protéine, la p53 (codée par un gène dont l'altération est souvent mise en cause dans la formation des tumeurs), peut déclencher des processus de réparation ou d'autodestruction. Si la cellule n'a pas le feu vert, elle reste en "état de repos", état dans lequel se trouvent la plupart des cellules du corps. Chez certaines cellules, des stimulus extérieurs peuvent enclencher la division, par exemple pour réparer une lésion.

Il existe par exemple une inhibition de contact : la liaison d'une protéine de surface avec sa contrepartie sur une cellule adjacente transmet aux deux cellules un message inhibiteur, dont le but est de stopper la division quand la place libre manque, ou quand une membrane est inaltérée. Les cellules d'une membrane n'ont pas besoin de se multiplier plus une fois que la membrane est complète ; elles se multiplient quand la membrane est altérée.

La plupart des cellules animales en division ont aussi besoin d'un point d'ancrage : pour se diviser, elles doivent adhérer à un substrat, comme la matrice extracellulaire d'un tissu.

Les cellules tumorales échappent à ces régulations du cycle cellulaire. De plus, quand elles arrêtent leur division, les cellules tumorales le font à n'importe quel moment du cycle, et pas juste aux points de contrôle normaux.

Une tumeur bénigne concerne des cellules cancéreuses qui restent dans leur lieu d'origine, faute d'être adaptées à d'autres zones ou capable de les envahir. Les tumeurs malignes concernent des cellules cancéreuses envahissantes. Quand les cellules cancéreuses se déplacent via les vaisseaux sanguins pour former un nouveau foyer ailleurs, c'est une métastase.

La radiothérapie endommage l'ADN des cellules cancéreuses beaucoup plus que celle des cellules normales, probablement parce que les cellules cancéreuses ont perdu leur capacité de réparer ce genre de dégâts. La chimiothérapie est l'introduction dans le système circulatoire de médicaments toxiques pour les cellules en division active. D'où les effets secondaires sur les cellules non cancéreuses.