dimanche 15 décembre 2024

Expiration - Ted Chiang

Expiration - Ted Chiang

Le marchand et la porte de l'alchimiste (4/5)

Du voyage temporel dans une ambiance de conte oriental, avec récits insérés dans le récit, à l'ancienne. Évidemment, Ted Chiang n'a certainement pas su me convaincre par rapport aux paradoxes inhérents aux récits sur le voyage temporel. En revanche, c'est sûrement l'une des meilleures histoires à ce sujet qu'il m'ait été donné de lire. Tout conte a une morale, ici quelque-chose sur l'acceptation, l'impossibilité de changer les évènements, etc., franchement rien d'extraordinaire, mais la narration est une totale réussite, avec ces divers personnages qui utilisent le voyage temporel avec sagesse ou déraison, et un final simple mais touchant.

Expiration (5/5)

On croirait lire Greg Egan. Une civilisation d'humanoïdes mécaniques s'apprête à découvrir l'entropie. Tout d'abord, notre narrateur, au cours d'une scène particulièrement excellente, effectue sur lui-même une opération chirurgicale pour examiner son propre cerveau de près. Il découvre ainsi que les rouages de la pensée ne sont rien d'autre que des mouvements d'air dans un complexe assemblage de feuilles d'or, ce qui en soi est un chamboulement philosophique total. De plus, au cours de leur utilisation de l'air comme "combustible", ces humanoïdes dépressurisent l'air pressurisée qui les nourrit, contribuant ainsi à une égalisation de la pression totale de l'air, ce qui à terme empêchera les mouvements d'air qui créent leur pensée, car ces mouvements sont causés par un différentiel de pression. La parabole est efficace à plusieurs niveaux. Excellent.

Ce qu'on attend de nous (3,5/5)

Micro-fiction de quelques pages sur l'absence de libre arbitre, absence qui, une fois prouvée empiriquement, rend fou. Pas mal 

Le cycle de vie des objets logiciels (2/5)

De loin la nouvelle la plus longue du recueil et de loin la moins bonne jusque-là. Je l'ai terminée en lisant en diagonale. Il y est question des digimos (et pas des Digimons), des sortes d'IA façonnées à base d'ADN pour servir d'animaux de compagnie intelligents dans les mondes virtuels. Un petit de groupe se prend d'affection pour eux et refuse de les laisser tomber quand ils sont passés de mode. Le récit se déroule sur des années et on suit les difficultés que rencontre ce groupe qui tente de s'occuper des digimos comme s'ils étaient des petits humains. Déjà, je n'ai ressenti aucun attachement pour les personnages. Les digimos parlent constamment en mode enfantin ("moi aimer toi, moi vouloir manger"), ce qui, en plus d'être extrêmement irritant, enlève toute impression de progrès de leur part, alors que le récit se déroule sur un temps long. Quant aux humains, il n'existent qu'à travers leur relation avec les digimos, et ils m'ont fait penser à des vieux gâteux obsédés par leurs caniches. Surtout, c'est beaucoup trop long, il ne se passe rien de grand intérêt et on tourne très rapidement en rond.

La Nurse automatique brevetée de Dacey (2,5/5)

Un concept très sympa : et si, au début du vingtième siècle, on avait essayé d'élever les nourrissons avec des automates ? S'ensuit un attachement émotionnel non aux traits humains, mais aux machines. L'exécution pèche par manque de développement et d'intérêt narratif.

La vérité du fait, la vérité de l'émotion (2/5)

Sur le principe, j'apprécie ce que tente cette nouvelle, mais l'exécution est pénible. Le propos est simple : la façon donc fonctionne notre mémoire, faillible et subjective, est en tension avec les techniques que sont l'écriture et la vidéo, qui permettent théoriquement de fixer le réel. L'auteur en fait non pas une, mais deux trames parallèles, non liées, l'une située dans le passé (concernant l'écriture) et une autre dans le futur (à propos de la vidéo). C'est trop, surtout que c'est narrativement paresseux. Il y a beaucoup trop d'explications, et au lieu de sublimer l'idée dans la narration, l'auteur fait de la dissertation sentencieuse.

Le grand silence (1/5)

Quelques pages où un perroquet dit des banalités sur le paradoxe de Fermi et l'injustice de la destruction de la faune sauvage. Sans intérêt et pontifiant.

Omphalos (4,5/5)

Excellent point de départ, et cette fois bien traité. La doctrine créationniste est réelle : le monde a été créé il y a 8000 ans, et tous les faits archéologiques le prouvent. Les fossiles d'arbres ce cette époque n'ont plus de cernes en leur centre, les coquillages n'ont plus de couches de croissance, les momies n'ont pas de nombrils... La science est le plus authentique soutien rationnel de la foi. C'est très fun. Une découverte astronomique vient cependant chambouler cette foi : il se trouve que le centre de l'univers est... une autre planète. Quoi, cette Terre-là ne serait qu'un brouillon ?! Franchement, brillant. Dommage que la conclusion, où la narratrice prétend combattre l'absurde par le libre arbitre, soit narrativement et philosophiquement maladroite .

L'angoisse est le vertige de la liberté (pas fini/5)

Un peu la même idée que dans Signal to Noise d'Alastair Reynolds, nouvelle lue récemment : il existe un objet qui permet de lier deux univers parallèles et de communiquer entre eux. Cet objet est accessible au grand public et plein de gens l'achètent pour papoter avec leur version parallèle. Il est évident que c'est une mauvaise idée : c'est la version ultime de la comparaison perpétuelle à autrui, en pire. C'est très long, presque 100 pages, et la narration est assez lente et peu captivante. Comme souvent, je me suis rapidement mis à lire en diagonale, sans avoir l'impression de rien rater.

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