mercredi 30 novembre 2016
L'île du docteur Moreau - H.G. Wells
Un classique qui a mieux vieilli que dans mes souvenirs. Prendick, le narrateur, survit de justesse à un naufrage et se fait recueillir par un navire à la cargaison fort suspecte. Pourquoi amener des chiens et un puma sur une ile isolée ? Et cet étrange serviteur, à l'air à peine humain, suscite quelques questions désagréables. Contre sa volonté, Pendrick se retrouve sur l'ile, en compagnie du docteur Moreau et de son assistant Montgomery. La faune locale est assez surprenante, les humanoïdes ayant tous un coté assez... animal. Bref, on connait la suite, ce sont en fait les résultats des expériences de Moreau, tentatives de créer des humains à partir de divers animaux. Le point faible du roman, c'est son second quart, une longue course poursuite dans les bois qui n'est due qu'à un manque de communication entre les personnages, Pendrick étant persuadé qu'un sort funeste l'attend entre les mains du docteur, alors que celui-ci n'est pas si méchant. Mais ensuite, L'île du docteur Moreau se révèle encore très efficace. Il y a l'inévitable discours du docteur, défendant la science pour la science, la poursuite du savoir à n'importe quel prix. Est particulièrement troublante sa tentative de justifier toute la souffrance infligée à ses victimes. Puis, bien sur, les choses tournent mal. Wells parvient à donner à ses créatures, entre humanité et animalité, un coté dérangeant et inquiétant. L'animalité reprend lentement le dessus, et l'homme, pour s'adapter, doit lui-même modifier son comportement et devenir plus animal, plus sauvage. Autre outil à sa disposition pour assurer sa domination : la religion. Un ensemble de lois communes qui se maintiennent grâce à la crainte et la vénération d'un être supérieur. Vraiment, il n'y a que de naïfs animaux pour se laisser prendre à ce genre de piège !
212 pages, 1896, folio
lundi 28 novembre 2016
Sumerki - Dmitri Glukhovsky
Dans la Russie moderne, la vie d'un traducteur solitaire va être chamboulée. Appelons-le D.A. pour simplifier le nom russe. Habitué a traduire des contrats commerciaux et autres choses déprimantes, le voilà qui tombe un jour sur un étrange récit en espagnol. La narration d'une exploration en plein pays maya, écrite à la première personne par un conquistador. D.A., peu habitué a avoir sous le nez des textes intéressants, est absolument captivé et se prend de passion pour les mayas. L'écriture de Dmitri Glukhovsky est purement utilitaire, et d'ailleurs le narrateur parle un peu trop souvent pour ne rien dire si ce n'est de la paraphrase, mais on sent qu'il a redoublé d’efforts pour la rédaction du manuscrit espagnol. C'est un récit d'aventure plutôt captivant, et cette double narration rappelle Pandore au Congo d'Albert Sánchez Piñol. Mais en bien moins brillant.
Au début, tout cela est très prenant. On s'identifie à D.A., lui-même lecteur enthousiasmé. Et petit à petit s'installe une ambiance fantastique classique : la réalité s’effondre autour du narrateur, et la fin du monde se rapproche dangereusement. Le texte qu'il traduit semble s'infiltrer dans sa vie réelle. Il sent « la réalité vaciller ». C'est un roman fantastique, c'est donc attendu. Pourtant, comme les manifestations surnaturelles se multiplient, on se demande comment l'auteur va faire pour retomber sur ses pieds et justifier tout ça. Pourquoi le mystérieux commanditaire ne donne-t-il les pages à traduire qu'au compte goutte ? D'où sortent les divers monstres ? Que vient faire là cette secte amatrice de sacrifices humains ? Pourquoi cette scène étrange où semble se faire un lien direct entre le narrateur et l'aventure du conquistador ? Et à la fin, ces craintes sont justifiées. La révélation finale est une variation sur le thème « Hey, tout ça était un rêve en fait, bonne blague hein ? » Une variation certes intéressante, dont on sent le potentiel, mais une variation qui n'enlève rien à l'amère déception. Comme le narrateur le dit lui-même, on est comme dans un « wagonnet » de « manège ». C'est à dire que l'auteur utilise l'excuse que rien n'est tout à fait réel pour rythmer son récit d’événements surnaturels qu'il n'aura pas besoin d'expliquer plus tard. C'est d'autant plus dommage que je comprend tout à fait ce qu'a voulu faire l'auteur. L'idée derrière Sumerki est prometteuse, mais l’exécution est terriblement bancale.
381 pages, 2009, l'atalante
vendredi 25 novembre 2016
La défense Loujine - Nabokov
Un roman de la période russe de Nabokov. La vie de Loujine, joueur d'échec de génie. Son enfance, solitaire et silencieuse, jusqu'à ce qu'il découvre les délices mathématiques du jeu. Son mariage, complétement raté, lui-même restant un enfant et sa femme faisant office de mère. Son obsession totale pour les échecs, son surmenage, sa folie, son suicide. Nabokov écrit merveilleusement bien, c'est certain. Avec une telle écriture, j'enchaine les pages par dizaines sans problème. C'est habile, souvent drôle, rien à redire sur ce point, la forme est parfaite. Mais, plus j'avance dans le roman, plus Loujine est parfaitement antipathique, plus sa femme est d'une naïve bonne volonté et d'un triste aveuglement. Alors les choses deviennent claires dans mon esprit : malgré tout le talent de Nabokov, la vie de Loujine, je m'en fous un peu.
307 pages, 1929, Folio
Libellés :
Littérature,
Nabokov Vladimir,
Univers réaliste
mercredi 23 novembre 2016
La chose dans la cave - David H. Keller
- La chose dans la cave. Déjà lu dans Les meilleurs récits de Weird Tales 1. Et cette nouvelle très (trop ?) courte reste toujours aussi efficace. Un petit garçon qui a peur d'une cave, des parents qui ne comprennent pas la faiblesse de leur fils, et un médecin un peu trop rationnel. C'est flou, sans réponse claire, et c'est ce qui fait l'efficacité de ce petit texte.
- Le chat-tigre. Déjà lu dans Les meilleurs récits de Weird Tales 2. Intéressant d'avoir ces deux nouvelles à la suite. Dans les deux, une porte mystérieuse laisse imaginer une menace se tapissant dans l'ombre. Mais si dans La chose dans la cave la menace reste à distance, à tel point qu'elle n'est peut-être qu'imaginaire, ici, elle est totalement révélée. Et un peu ridicule.
- La morte. Un concept bien classique pour une nouvelle fantastique : la lutte d'un homme perdant pied dans une réalité qui se déforme. Il est persuadé que sa femme est morte, mais semble être le seul a le remarquer. Vraiment, il se sent obligé de mettre un point final à cette situation. Alors, cas de folie, ou de mort-vivant ?
- La bride magique. On change d'ambiance. Le narrateur s'installe en tant que médecin de campagne dans un bled paumé, très pauvre. Évidemment, comme dans tout village isolé de nouvelle fantastique, quelque chose ne tourne pas rond. Il y aurait quelques pactes avec le diable, dans le coin, parait-il. Cette nouvelle n'est pas ambiguë comme La chose dans la cave ou La morte, mais n'est pas moins efficace, dans un registre moins psychologique. La sorcière créée par la plume de Keller est tout à fait charmante : « Je serai tienne, si tu me veux, pendant la célébration d'une messe noire, mais jamais, au grand jamais, je ne deviendrai ton épouse. Et tu voudrais me faire baptiser ! Jamais ! Jamais ! Quelle horreur ! » Un adorable sale caractère. La narrateur n'est pas non plus insensible à son charme, ce qui mène à une fin surprenante.
L'avis de Nébal.
107 pages, l'arbre vengeur
samedi 19 novembre 2016
Faute de temps - John Brunner
J'aime beaucoup John Brunner. Mais cette nouvelle ne fait pas partie ce qu'il a fait de plus marquant. Un médecin se retrouve avec sur les bras un clochard atteint d'une étrange maladie. Après une accumulation d'indices qu'il ne sert pas à grand chose de détailler, il doit se rendre à l'évidence, une bonne soixantaine de pages après le lecteur : ce type vient du futur. Un futur ravagé par la guerre nucléaire. Et il n'y a pas grand chose de plus à dire sur Faute de temps, c'est un récit qui joue sur la peur de l'arme atomique, tout à fait typique de cette époque. On apprécie l'attention portée au langage de l'homme du futur qui, venant d'un monde bien différent, ne connait par exemple pas de mots pour lit ou fenêtre. Mais dans l'ensemble, c'est très daté. La misogynie ambiante n'aide pas, les personnages féminins étant, cela va de soi, hystériques par nature. Détail amusant : cette nouvelle a été publiée en 1963, et les éditeurs indiquent eux-même en postface qu'il « faut attendre 1965 » pour que Brunner écrive quelque chose qui ne soit pas « anecdotique ». Pourquoi publier de l'anecdotique, du coup ? Ce ne sont pas les textes de Brunner d'une qualité bien supérieure, introuvables neufs, qui manquent.
119 pages, 1963, le passager clandestin
mercredi 16 novembre 2016
Le choix - Paul J. McAuley
Dans un futur proche, le bordel climatique occasionné par l'espèce humaine a été la cause d'une vaste montée des eaux. Les choses auraient pu être bien pire, mais, coup de chance, des aliens sont venus proposer leur aide. En échange des richesses locales, l'humanité peut obtenir la technologie pour réparer ses conneries. Tout ça, c'est juste la toile de fond. Le récit suit deux potes de seize ans, l'un dont la mère est une cyberactiviste anti-extraterrestre, l'autre dont le père le bat tout en profitant de sa force de travail. Et un beau jour, il parait qu'un dragon s'est échoué. Une grosse machine alien qui travaille à nettoyer les océans. Les deux gamins, ainsi que plein d'autres gens, se précipitent sur place. Et ce que l'homme ne comprend pas, soit il le vénère, soit il le détruit. Du coup, BOUM. Suite au dit BOUM, les deux amis se retrouvent en possession d'un artefact alien. Le genre de chose qui peut valoir très cher sur les marchés noirs, de quoi se barrer de cette planète. Mais aussi de quoi se faire tuer. Le choix, c'est celui de tenter d'exploiter cette richesse tombée du ciel, ou de garder la tête froide et accepter une vie banale. On n'est pas ici dans un space opera, on ne voit jamais les aliens, on ne s'attarde pas sur les détails du changement climatique. L'attention de l'auteur se concentre sur les deux ados, leur relation, leurs rêves, leurs frustrations. Et de ce point de vue là, cette grosse nouvelle fonctionne à merveille. Les personnages sont d'une humanité frappante, plongés dans un environnement aussi médiocre que crédible. Mais ce genre de format, moins d'une centaine de page, est assez frustrant. On dévore ça en un instant, avec l'impression d'avoir à peine effleuré l'univers, et la certitude d'oublier rapidement ce voyage. (Tiens, c'est d'ailleurs l'une des raisons d’être de ce petit blog : m'aider à me souvenir de mes lectures.) Mais je suppose que trouver un récit trop court, c'est lui faire un compliment.
Le bélial'
Libellés :
Littérature,
McAuley Paul J.,
Science fiction
lundi 7 novembre 2016
Tau zero - Poul Anderson
Un bouquin sensé être un incontournable de la SF. Les choses commencent de façon assez classique : l'humanité envoie un vaisseau vers un autre système solaire. A bord, vingt-cinq femmes et vingt-cinq hommes, dont l'objectif est de coloniser une planète. Pour parcourir de telles distances, il faut un moyen de propulsion unique : le moteur Bussard. En gros, il s'agit de collecter la matière se trouvant dans l'espace pour se propulser. Or, plus le vaisseau va vite, plus il peut en récolter, et donc accélérer... A ces vitesses, le temps ne s'écoule plus de la même façon entre l'intérieur et l'extérieur du vaisseau, ce qui fait que nos personnages voyagent dans l'espace, mais aussi dans le futur.
Les choses deviennent soudainement intéressantes au tiers du roman, quand un incident leur ôte la capacité de freiner. Ils vont donc devoir aller chercher une planète bien plus loin que prévu. Donc ils vont devoir aller plus vite. Donc ils vont voyager plus vite dans l'avenir. Jusqu'à traverser des galaxies entières en un instant. Leur périple les conduira jusqu'au big crunch, la contraction finale de l'univers. Tout ça, ça a l'air chouette. Mais ça ne l'est pas tellement. L'essentiel du roman est occupé par les petits soucis de l'équipage. Ils sont tristes, ils couchent ensemble, ils dépriment, le héros est un super leader viril, l’héroïne couche avec des hommes pour leur donner du courage... Mouais. C'est une suite sans fin de petits problèmes. On imaginerait un équipage de scientifiques un minimum enthousiaste à l'idée de telles aventures, mais non. Les femmes pleurent, et les hommes jurent ou prient. Et quand on arrive au moment culminant, le big crunch, et bien... c'est expédié en quelques lignes. Vraiment, c'est incroyablement décevant. Il ne se passe rien de spécial. Puis en quelques pages ils trouvent une chouette planète, s'y installent, et happy end, le héros va pouvoir féconder. Le concept du roman est très bien, et l'exécution... fonctionne à peu près. Sans plus.
261 pages, 1970, Le bélial
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