lundi 22 août 2016

Il est difficile d'être un dieu - Arkadi & Boris Strougatski


Il est difficile d'être un dieu - Arkadi & Boris Strougatski

Un roman qui fait beaucoup penser à la Culture de Iain M. Banks. Sur une planète moyenâgeuse, les terriens ont, comme sur bien d'autres mondes du même genre, quelques centaines d'observateurs planqués un peu partout dans la société. Ces quelques personnes semblent vivre le rêve de tout historien : assister au déroulement de l'Histoire en direct, pouvoir en faire partie, la comprendre et la documenter de l'intérieur. Mais, loin de la sécurité des livres, ces historiens doivent faire face à la dure réalité d'une civilisation qui leur semble ne même pas pouvoir porter ce nom, peuplée de brutes ignorantes, égoïstes et violentes. Et pas question d’interférer dans l'Histoire locale, les conséquences d'un tel idéalisme pourraient se révéler bien pires que le déroulement naturel des choses. Et pourtant, c'est tentant ! Roumata, faux noble à la cour d'un souverain obscurantiste, se sent si puissant. Avec tout l'héritage d'un millier d'années de progrès supplémentaires, il est comme un dieu. Il serait si facile d'annihiler les leaders, de prendre leur place et de lancer ce monde sur la brillante voie du savoir et de la justice...

Il est difficile d'être un dieu est une exploration de ce concept. C'est un roman très sombre, dans lequel toute la bonne volonté imaginable semble impuissante face à l'inertie des peuples. On y perçoit le temps d'une façon particulièrement intense, avec une certaine fatalité. Le progrès ne peut pas être injecté de l'extérieur, mais doit venir d'une lente maturation intérieure. Les Strougatski ne tiennent pas leur lecteur par la main, les choses ne sont pas expliquées clairement, et c'est petit à petit que l'on comprend la situation (sauf si le lecteur en question vient de lire la quatrième de couverture...). L’utopie terrestre restera ainsi dans l'ombre, seuls certains indices lui donnent un visage à tendance communiste. Le tout ne manque pas de rythme ni d'humour, et les quelques personnages frustres mais bienveillants auquel Roumata s'attache en sont souvent la cause, précurseurs maladroits d'un potentiel futur moins sauvage. Un livre étonnant qui, en s'intéressant au futur à travers un monde venu du passé, a merveilleusement bien passé l'épreuve du temps.

290 pages, 1964, folio sf

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