mardi 16 août 2016
Hermann Hesse - Le jeu des perles de verre
Dans un futur indéterminé, après une période de guerre, existe la Castalie, une petite contrée dédiée uniquement à l'éducation et au savoir. Et aussi au jeu des perles de verre, sorte d'échecs ou de go où, à la place d'un plateau et de pièces, les joueurs utilisent des éléments culturels, musicaux, littéraires... Mais il m'a semblé que le jeu en question n'était pas vraiment au cœur du roman, il se contente d’être le symbole de la Castalie : quelque chose de fort intéressant mais d’extrêmement abstrait. Le jeu des perles de verre est un roman sur les institutions, et plus particulièrement les institutions du savoir. Bon, disons qu'étant en ce moment à la fac, en master, la comparaison est inévitable. Or, une institution a pour but principal son propre maintien. Elle a besoin d'ordre, de structure, ainsi le traducteur a jugé bon de mettre une majuscule à Hiérarchie dans le roman (il me semble qu'en VO, en allemand, le mot étant un nom il doit avoir une majuscule de base) (je crois). La Castalie n'a pas pour mission de créer la culture, elle a pour mission de l'étudier et de la faire vivre. Et bien sur, l'individu doit se plier aux règles de la sainte institution.
Le roman, fausse biographie écrite par un Castalien, suit les pas de Joseph Valet, jeune élève brillant qui sera amené à l'une des plus hautes places de la Hiérarchie. Mais on se doute que si Valet est le personnage principal, c'est qu'il ne se contente pas de suivre un chemin tout tracé. En effet, Valet a des doutes. Il comprend que la Castalie est terriblement enfoncée dans l'abstraction, l'intellect aux dépens de l'autre moitié de la vie, celle où des politiciens et des paysans boivent de la bière et font des enfants (en effet, pas de femmes ni de reproduction en Castalie : tiens, de l'anti eugénisme). On retrouve ainsi une variation sur un thème cher à Hesse : l'opposition et la tentative de réconciliation entre l'esprit et le corps. Pour Valet, la Castalie, si elle reste repliée sur elle même, certaine de son immuabilité, est vouée à être détruite par les chamboulements de l'histoire qui, eux, n'ont rien d'abstrait.
Il y a une chose à savoir sur Le jeu des perles de verre : c'est un roman bavard, très bavard. Peu d’événements et beaucoup de longues phrases pour insister sur des idées qui reviennent régulièrement. Pour moi cela n'a pas été un problème, comme le livre est sensé être écrit par un Castalien c'est un style qui fait sens, et, globalement, l'écriture de Hesse est juste excellente. C'est un superbe roman sur la difficulté de l'homme d'esprit à trouver sa place. Il est à l'aise dans l'institution, il pourrait y passer sa vie aisément, mais il se sent enfermé loin du monde véritable, ses activités quotidiennes lui paraissent stériles, alors que faire ?
Après la fin de la biographie suivent trois nouvelles, sensées être écrites par Valet sous forme de fausses autobiographies. Ainsi, dans des époques et des cultures différentes, on retrouve les mêmes problématiques. L'isolement de l'intellectuel, l'hésitation entre la voie embrassant les richesses qu'offre le monde et la voie du sage, et le doute, toujours le doute. Ces nouvelles sont brillantes. M'a particulièrement touchée la seconde, dans laquelle deux fous de dieu, vénérés par leurs semblables qui accourent en masse se confesser à eux, sont eux-mêmes hantés par le doute et l'insatisfaction, et finissent par vouloir se consulter mutuellement. Ah, et juste histoire de faire une conclusion limpide : Le jeu des perles de verre est un roman fantastique. Un chef d’œuvre.
693 pages, 1943, le livre de poche
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