vendredi 25 mars 2016

Feu Pâle - Nabokov


Feu Pâle - Nabokov

Feu Pâle est un roman assez unique dans sa forme. On commence par une introduction de Kimbote, commentateur fictif du tout aussi fictif Shade, auteur du long poème Feu Pâle qui vient ensuite. Et pour finir, le gros morceau : le commentaire de Kimbote à ce poème. Enfin, appeler ça un commentaire, c'est aller un peu loin. Kimbote s'approprie totalement le poème qu'il est sensé commenter pour écrire sa propre œuvre. On alterne principalement entre trois fils narratifs : l'amitié de Kimbote et de Shade pendant les derniers mois de la vie du poète, le parcours de son assassin, et la vie d'un roi déchu de la Zambla, petit pays des Balkans. Et bien entendu, ces trois fils se mêlent progressivement.

Nobokov s'amuse. Son narrateur ne manque pas d'égo et il est difficile de discerner ce qui relève de la réalité ou de ses fantasmes. Est-il vraiment ce roi en exil ? N'exagère-t-il pas énormément son amitié avec Shade ? Il multiplie les pointes agressives envers ses confrères du petit monde de la littérature, et tout respire le conflit et la mesquinerie. L'histoire en elle-même n'est pas toujours passionnante, surtout un peu avant la fin, mais l'écriture de Nabokov fait que l'on est souvent emporté par sa fluidité. Et ce qui est une incontestable réussite, c'est, comment dire ? Le jeu littéraire. Cette parodie de commentaire où Kimbote se base sur le poème de Shade pour raconter sa vie semble faire écho à tous les commentateurs bien réels, qui peut-être ne voient dans les textes que ce qu'ils y mettent. Comme si tout commentaire potentiel ne pouvait parler que de celui qui l'écrit et pas vraiment de ce sur quoi il est écrit. Feu Pâle déborde d'habilité. Un roman presque plus impressionnant que plaisant, comme une démonstration de maitrise.

330 pages, 1961, Folio

2 commentaires:

  1. J'avais été bluffée par la maîtrise narrative de l'ouvrage, et rien que cela m'avait suffi pour passer un excellent moment !

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  2. Maîtrise, c'est le mot juste !

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