lundi 28 mars 2016
La Machine s'arrête - E.M. Forster
Cette nouvelle publiée en 1909 semble d'une modernité frappante. On y croise tous les codes de la dystopie. Une société homogène où l'Homme est servi par la Machine. Plus besoin de quitter son petit cocon souterrain, la Machine apporte tout ce qu'il faut : nourriture, soins, musique... Les hommes sont donc isolés physiquement mais communiquent en permanence grâce à quelque chose qui ressemble fort à... internet. Parler instantanément à n'importe qui, donner des conférences virtuelles suscitant (ou non) des applaudissements qui ressemblent à des like, on est en territoire familier. Et quand une conférence donnée ne récolte pas assez d'applaudissements/like, le désir de mort se présente calmement. La même obsession d’approbation sociale qui frappe certains utilisateurs de réseaux sociaux. Puis, venant ruiner ce confortable état des choses, un personnage ressent l'appel du corps, de la vie ancienne, à l'air libre. S'ensuit donc une petite aventure à la surface, qui n'est bien vue par la Machine et ses serviteurs, non, pardon, ses créateurs. Et pour finir, tout s’effondre, la Machine s’éteint et avec elle la société qui se reposait sur elle.
La Machine s'arrête est un petit texte fort intéressant. Sans la fin apocalyptique, on pourrait croire à une préquelle de Matrix. Cette question de l'humanité maitrisant la technique mais perdant du même coup sa force vitale est un problème qui revient souvent dans la fiction du dernier siècle. Wall-E, Idiocracy ou Le Congrès sont quelques exemples récents qui me viennent en tête. Forster est aussi préoccupé par le vieux problème chrétien, la séparation du corps et de l'esprit. Ainsi les personnages de ce récit sont obsédés par l'abstraction, les "idées" au détriment du corps, allant jusqu'à, à l'inverse des antiques spartiates, éliminer les bébés présentant des signes de développement physique trop important. Il n'est pas question non plus de regarder la réalité avec ses yeux, les sens ne peuvent etre consacrés qu'aux arts et pas à l’appréciation de ce qui est bas.
Mais comme souvent dans ce genre de récit, tout espoir n'est pas perdu. Il se pourrait qu'à l’extérieur, attendant patiemment la fin de la Machine, des hommes vivant à l'ancienne attendent leur heure. Foulant la terre, bronzant au soleil, travaillant de leurs mains. Quels barbares !
A noter la très pertinente postface, qui pose le contexte du récit puis explique et développe clairement ses thèmes.
J'entends une chose qui vous ressemble dans ce téléphone, mais je ne vous entends pas vous. C'est pourquoi je veux que vous veniez. Rendez-moi visite, afin que nous puissions nous voir face à face, et parler des espoirs qui occupent mon esprit.
110 pages, 1909, le pas de coté
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