Du britannique Stephen Baxter, je n'ai lu que trois roman, mais ce fut à chaque fois une grosse claque, le genre de voyage à travers le temps et l'espace qui, une fois qu'on en a terminé, laisse rêveur. Cet auteur a le don de nous remettre à notre place, minuscule civilisation que nous sommes au milieu d'un univers aussi vaste qu’inconnu, et sur une échelle de temps ridicule. Bref, même si ses personnages et son écriture sont souvent purement utilitaires, je recommande chaudement Les vaisseaux du temps, et les deux premiers tomes de la trilogie des univers multiples, Temps et Espace. Maintenant, passons à ce numéro de Bifrost, en commençant par les nouvelles.
- Stephen Baxter était attendu au programme. L'invasion de Vénus est caractéristique d'une préoccupation centrale de l'auteur : l'univers semble finalement abriter la vie un peu partout. Un vaisseau extraterrestre se pointe dans le système solaire (chouette !), mais ignore totalement la Terre (zut) et se dirige vers Vénus. L'histoire est racontée à partir des discussions de deux terriens, et cela fonctionne très bien. Un bon texte.
- J'ai découvert Catherine Dufour avec Le Goût de l'immortalité, roman qui m'avait laissé un peu perplexe : je crois que je suis passé à coté. Ici, la nouvelle La tête raclant la Lune prend place dans un Seattle fort lointain et nous raconte une histoire de meurtres par morsures de serpent. Mais le plus intéressant dans ce récit, c'est l'inversion de la vision ... "classique", dirons nous, des rôles homme/femme. Les mondes de la police comme celui du crime sont féminins, ce sont les femmes qui ont un gout pour la violence et les hommes qui en sont le plus souvent les victimes. C'est cette originalité fort bien mise en scène qui rend le texte intéressant.
- L'action de Aleph-zéro d'Olivier Caruso se déroule uniquement dans le TGV Marseille-Paris, et met en scène les retrouvailles de deux personnages bien différents. D'ailleurs, leur relation n'est pas très crédible, d'autant plus qu'ils ne se sont "jamais adressés la parole au lycée" et que bien qu'ils ne semblent pas s’être revus depuis (c'est à dire 15 ans) ils se comportent en vieux amis. L'ensemble est en fait une histoire de mondes parallèles et de modification de la réalité. C'est parfois pas très clair et un peu confus, mais finalement, l'ensemble rend plutôt bien.
- De Xavier Mauméjean, je n'ai lu que Bloodsilver. Les Mémos Wayne se présente sous la forme d'anciens documents prouvant que Batman est en fait une création de l'URSS. Le concept est vraiment sympa, mais en quatre pages sous forme de documents, on a pas le temps d'aller bien loin. Cela reste donc juste une idée marrante.
- Par Stephen Baxter on a commencé, par Stephen Baxter on terminera. Diagrammes du vide se rattache à l'univers Xeelees, et comme je n'ai lu aucun roman en faisant partie, je ne sais pas en quoi cela influe sur la compréhension de la nouvelle. Sur un artéfact cubique de la taille d'une planète, un amnésique doit comprendre ce qui se cache sous ses pieds. C'est un récit de jeunesse de Baxter, et cela se sent : il y a moins de maitrise que dans le premier texte de ce Bifrost, et les aspects scientifiques sont un peu moins accessibles. Enfin, rien de vraiment gênant, puisque Baxter sait une fois plus charmer le lecteur avec ses thèmes favoris.
Ensuite, Stephen Baxter prend pleinement la parole à travers un article traduit sous le titre d'Enfants de la singularité urbaine. C'est plutôt original et surprenant, puisque Baxter nous parle de lui et de la SF à travers l'histoire de sa ville natale. Si au début on peut croire qu'il s'agit d'un cours d'histoire un peu vain, on comprend vite où l'auteur veut en venir, et l'évolution brutale de cette petite ville se révèle être une image de la SF, littérature du changement par excellence.
L'article suivant se consacre à l'univers des Xeelees, création majeure de Baxter qui s'étend sur 7 romans et plus d'une cinquantaine de nouvelles. Après une vue globale, l'article se concentre sur chaque roman en particulier. C'est bien foutu, et ça a renforcé mon envie de mettre à la trilogie des enfants de la destinée.
On passe à l'inévitable dossier critique des autres œuvres de Baxter. Le lecteur devrait trouver de quoi faire son choix (moi il faut que je me procure Évolution). Cependant, on a ensuite droit à 8 pages listant les romans et les 200 nouvelles de Baxter. Pourquoi pas, mais l’intérêt pour le lecteur lambda comme moi est plutôt limité. J'aurai préféré en savoir plus sur les romans de Baxter non publiés en France. De ce point de vue là on a simplement la critique d'Anti-ice, j'aurai aimé avoir des informations sur les autres. Les couvertures anglaises et quelques lignes d'explication pour chaque roman auraient suffi.
Fin du dossier. Pour conclure, la rubrique ScientiFiction s'intéresse aux menaces invisibles, à savoir les radiations, bactéries et autres virus. Intéressant tout ça, et l'article m'a bien fait sourire quand j'ai vu qu'il se terminait sur une citation de l'agent Smith dans Matrix.
Bref, si l'on s'intéresse à Stephen Baxter, il n'y a pas de raisons de se priver de ce Bifrost comme d'habitude perfectible mais très plaisant à parcourir. Les nouvelles sont globalement convaincantes, plus que dans le numéro précédent. J'aurai quand même bien voulu en savoir plus sur la partie de l’œuvre de Baxter inconnue dans nos contrées, mais en tous cas, il y a largement de quoi faire son choix parmi ses œuvres traduites. Et la couverture est magnifique, parfaitement dans le ton, Manchu assure.
185 pages, Le bélial'
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