lundi 31 décembre 2012
La paix des profondeurs - Aldous Huxley
Surtout connu pour Le meilleur des mondes, Aldous Huxley a aussi écrit plein d'autres livres, notamment Ile, l'année précédent sa mort, une utopie faisant la synthèse des idées développées par Huxley le long de sa vie. Cela tient presque plus de l'essai que du roman, mais j'ai été vraiment marqué par cette lecture. Et je me suis donc procuré La paix des profondeurs, trouvé par hasard sur les étals d'un bouquiniste ... et j'ai sacrément bien fait.
Il m'est difficile de parler de La paix des profondeurs. Sur ce plan, il me rappelle L'immortalité de Kundera : un roman non linéaire, frisant parfois avec l'essai, développant un grand nombre d'idées et à la trame globale très décousue. Et toujours comme dans L'immortalité, le synopsis à l'arrière du roman est très révélateur de ces particularités :
"La paix des profondeurs a été publié il y a quarante ans (1937) mais les thèmes les plus actuels y sont traités : révolte contre la société industrielle, surpopulation, pacifisme, lutte pour un socialisme «humain », souci de la fatalité totalitaire du communisme, signification de l'érotisme, avortement, homosexualité, drogue, révolution, «gourous », quête mystique, valeur et limites de la science et de l'art. Aldous Huxley n'était pas un prophète visionnaire. Mais il était de ceux qui participent, à la transformation du monde. Ses projets romanesques sont devenus les réalités d'aujourd'hui."
L'histoire s'articule autour d'Anthony Beavis et de ses nombreuses fréquentations. Anthony est sociologue, mais l'auteur nous offre des morceaux de vie s’étalant de son enfance, pendant laquelle il a perdu sa mère, à sa vie de jeune adulte puis d'homme accomplit. Cette construction non linéaire, où chaque chapitre se déroule à des dizaines d'années du précédent, est totalement réussie, d'une clarté étonnante. Le tout se déroule dans un contexte social aisé et intellectuel. D'ailleurs, il faut savoir que ce roman est presque autobiographique : ce n'est pas un hasard si Hugh, le personnage qui écrit un roman, le fait sur sa propre vie. Huxley a une culture incroyable, et cela se sent. Les références sont nombreuses, et l'on pourrait croire que les personnes ne possédant pas le bagage culturel adéquat seraient larguées, mais je pense que cet écueil est évité. Après tout, j'ai moi même plus qu’accroché sans saisir la moitié des références ou les quelques phrases en latin.
La paix des profondeurs est un roman humaniste, bourré d'idées, de réflexions. Si un bon nombre me passent un peu au dessus de la tête, nombreuses sont celles qui me touchent, et j'ai relu certains passages plusieurs fois pour essayer de m'en imprégner. Nul doute que chacun peut y trouver de quoi sortir grandit de sa lecture.
635 pages,1936, Folio.
Deux autres avis intéressants sur le livre : ici et ici.
mardi 25 décembre 2012
Le double - Dostoïevski
Le double est le second roman de Dostoïevski, et il a reçu un accueil critique plutôt défavorable à sa publication, en 1846. On y suit Goliadkine, un personnage perturbé (et pas qu'un peu) qui va se retrouver face à un double de lui même, un double peu amical ...
Goliadkine est un petit fonctionnaire. Un personnage plutôt banal empêtré dans la bureaucratie, comme en en trouve chez Kafka ou encore Gogol. Et dès le début, on fait face à ce qui est, à mon sens, le plus gros défaut du récit : tout est assez confus. On ne comprend pas vraiment tout ce qui se passe dans la tête de notre héros. Certes, il est évident que c'est un choix stylistique de l'auteur pour nous faire ressentir les tourments de son personnage, mais tout de même ... Il y a un nombre assez incroyable de répétitions, d’expressions ou de noms propres qui reviennent deux, trois, quatre fois dans une seule phrase. C'est sur, cela nous met bien dans la thématique du double, mais se taper sans arrêt des "Non, s'il vous plait, Antoine Antonovitch, je ... vous ... voyez-vous, Antoine Antonovitch, je crois, Antoine Antonovitch, que je ne me suis pas bien fait comprendre." et autres répétitions, c'est un peu lourd. Il y a même une page où le nom de ce fameux Antoine Antonovitch est cité pas moins de treize fois. Sans compter que Goliadkine ne cesse de changer d'avis, de ne pas savoir ce qu'il veut, de revenir sur ses décisions ... sa confusion déteint sur le lecteur, au détriment de la clarté de l'intrigue. Je crois que je suis passé passé un peu à coté de cet effet de style qui couvre tout le roman, il m'aurait paru plus naturel qu'il soit intégré plus progressivement, pour souligner la perte de raison de Goliadkine.
Quoi que, on est en droit de se poser la question : Goliadkine devient-il progressivement fou ou l'est-il dès le début ? Ou alors ne l'est-il pas du tout, peut-être est-ce le monde qui est fou. Car le monde ne semble pas s'émouvoir particulièrement quand le double apparait, et pourtant, il a le même nom et exactement le même physique que notre héros. Et tous trouvent ça normal, personne ne se rend compte que Goliadkine se fait littéralement pourrir la vie par son double. Donc, la question se pose : le double existe-t-il ailleurs que dans la tête de notre héros ? Le double a tout ce que Goliadkine n'a pas : l'aisance en société, un charme naturel, un incroyable talent pour lécher les bottes de ses supérieurs ... Et tous ces atouts vont croissant alors que le vrai Goliadkine chute de plus en plus rapidement : à travers son incapacité à s'exprimer, sa peur des complots et sa permanente confusion, il effectue un véritable suicide social. Et son double (lui même ?) l'enfonce toujours plus.
Au final, dans Le double, Dostoïevski adopte un style qui retranscrit à merveille la frénétique lutte intérieure de son héros. Dommage que cela nuise à la clarté du récit et au plaisir de lecture. En dehors de ça, Dostoïevski reste un auteur génial, et il nous livre ici un bon roman. Mais il fera plus tard beaucoup mieux sur le même thème (folie et suicide social) avec Le sous-sol, qui lui est bel et bien un chef d 'œuvre.
250 pages, 1846, Folio
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samedi 22 décembre 2012
Un bonheur insoutenable - Ira Levin
Ira Levin a écrit pas mal de livres qui furent adaptés en film, dont le plus célèbre est Rosemary's baby. Et une fois n'est pas coutume, en ce qui concerne Un bonheur insoutenable, je trouve que le titre du bouquin en français est plus réussit que l’orignal : This perfect Day.
Un bonheur insoutenable est donc une dystopie. Et les dystopies, j'aime ça. Commençons par le commencement : l'univers. Le monde ne forme plus qu'une seule grande nation appelée la Famille, et ses habitants ne sont plus des "citoyens" ou même des "hommes", mais des membres de la Famille. Chaque membre doit régulièrement se soumettre au traitement. Ce traitement contient divers vaccins mais surtout de nombreuses substances chimiques qui ont pour effet, entre autres, de réduire les besoins sexuels, de limiter l’agressivité, d'annihiler tout volonté d’auto-détermination, en bref, de transformer chacun en un imbécile heureux. D'où le tire original comme le titre français. De plus, les membres se ressemblent tous : non seulement ils ont presque le même physique (il y a un modèle masculin et un modèle féminin, répétés à l'infini), mais ils ont tous le même nom : il en existe quatre pour chaque sexe. Et ce ne sont même pas les parents qui décident quel nom choisir entre les quatre possible, non, c'est Uni. Uni, c'est l'ordinateur qui contrôle le monde. Il n'a pas pris le pouvoir par la force, loin de là, il a été programmé par des hommes. C'est lui qui décide par exemple que chacun doit vivre 62 ans, ni plus ni moins, pour des raisons purement pragmatiques d’efficacité.
Le squelette de la trame du roman est plutôt classique. Le héros, Copeau, s'est vu attribuer ce nom officieux par son grand père, un excentrique qui a aussi planté en lui la graine du doute et de la rébellion face à l'ordre établit. On suit Copeau depuis l'enfance, pendant plusieurs dizaines d'années. Il rencontrera un petit groupe de rebelles qui l'initieront au libre arbitre et à la réflexion personnelle en parvenant à lui faire réduire sa dose de traitement. Mais il n'est pas facile de se démarquer quand le moindre petit indice d'anormalité déchaine chez tous les membres une folle envie de vous "aider", car être anormal, c'est être malade. Et en plus, il faut réussir à se cacher de son conseiller, un homme ou une femme chargé de vous surveiller et de prévenir tout risque de déviance, avec qui vous devez avoir de fréquents entretien pour lui faire part de la moindre "friction". Bref, Copeau sera tiraillé entre normalité et volonté de liberté. Un beau jour, il parviendra à s'enfuir jusqu'à une ile non contrôlée par Uni, une ile où les hommes vivent libres. Mais là non plus la vie n'est pas rose : le travail est dur, les logements chers ... Les immigrants sont très mal traités par les autochtones et ne peuvent même pas choisir leur propre nom, on leur en donne un à leur arrivée. Ainsi, c'est comme au sein de la famille : ils ont tous un nom impersonnel et imposé. Ensuite, Copeau partira à la tête d'un petit groupe à l'assaut d'Uni. La situation se révélera finalement être plus compliquée que prévue.
Ce fantasme d'un monde contrôlé par une unique source de pouvoir semble aujourd'hui bien loin de nos préoccupations. En effet, comme chez Orwell où le télécran ne pouvait pas être éteint, les personnages d'Un bonheur insoutenable doivent obligatoirement passer deux heures par jour devant la TV, histoire d’être bien uniformisées et normalisés. Peut être Orwell comme Ira Levin n'imaginaient pas que le télécran serait volontairement laissé allumé et les deux heures de TV journalières largement dépassées de façon tout à fait volontaire. Un bonheur insoutenable parait donc un peu vieillot, mais c'est dur de lui en vouloir, d'autant plus qu'il m'a tout de même énormément plu. Se plonger dans un monde dystopique est toujours riche en enseignements, et je retiendrais ici quelques idées principales. Tout d'abord, le risque de vouloir se débarrasser des tourments du libre arbitre est grand : Uni (ou Dieu, ou tel homme politique, telle grosse société ... ) ne sait-il pas ce qui est bon pour moi mieux que moi-même ? S'il possède ce pouvoir, n'est-ce pas qu'il est apte à l'exercer ? Bref, il est toujours tentant de se libérer de ses responsabilités sur des personnes "mieux qualifiées" qui ne le sont, en réalité, probablement pas. Ensuite, il existe un droit la tristesse, à l'insatisfaction. Une société idéale serait-elle celle dans lequel le bonheur est permanent ? Non. Comment un tel état de fait pourrait-il être autre chose qu'artificiel ? Comment ce bonheur pourrait-il ne pas devenir "insoutenable" ? Copeau a fait son choix : il savait qu'en recevant moins de traitement, il pourrait parvenir à des niveaux de conscience supérieurs, mais que cela s'accompagnerait de tristesse et d'insatisfaction.
Au final, même si Un bonheur insoutenable peut sembler un peu daté et propose une trame non dénuée de défauts, j'ai préféré ne pas trop m'y attarder pour évoquer le plus important : l’univers dystopique décrit, dans lequel la tyrannie repose sur un bonheur artificiel très confortable. Bref, ce n'est pas parce qu'il n'y a pas de répression visible qu'il y a pour autant liberté : il est si facile de mettre de coté son esprit critique et sa volonté propre pour se prélasser dans la norme, dans le politiquement correct. Il est bon de lire de temps en temps des romans qui nous le rappellent, et Un bonheur insoutenable est de ceux là. Une dystopie riche en idées et très accrocheuse, à lire.
372 pages, 1970, J'ai lu
samedi 15 décembre 2012
Typhon - Joseph Conrad
Typhon est mon premier contact avec Conrad. Il s'agit d'un roman très court, ou d'une grosse nouvelle (150 pages), qui, vous l'aurez deviné, nous raconte l'aventure d'un bateau perdu en pleine tempête.
Avant de nous plonger au cœur de cette aventure, Conrad nous présente ses personnages. Et vraiment, il se trouve que j'aime beaucoup son style. C'est comme s'il ne prenait pas ses personnages au sérieux, et qu'il se moquait un peu d'eux. Il faut dire qu'ils sont assez originaux, à commencer par ce capitaine compétent mais vraiment taciturne, voir totalement à l'ouest, qui fait souvent sourire. Son second ou encore le chef machiniste sont également diablement bien présentés. On a même droit à un aperçu de leur vie de famille : le capitaine écrit à une femme froide et mondaine qui se trouve très bien sans son mari, le second à un ami marin et le chef machiniste à une femme de nature joyeuse qui dévore ses lettres comme de bons romans.
Ensuite, on passe aux choses sérieuses. Les vagues, les nuages, le vent, la pluie ... La tempête, le typhon. Le récit est parfois un peu dur à suivre, mais c'est normal, vu le chaos ambiant. Et aussi, je me suis senti un peu perdu sur ce bateau : on ne sait pas vraiment à quoi il ressemble, et à moins de s'y connaitre, dur de s'en faire une image mentale et donc de s'y repérer. Mais ce n'est pas vraiment grave, puisque Conrad maitrise suffisamment son sujet pour captiver même le lecteur néophyte.
Bref, vous voyez la couverture du bouquin ? C'est tout à fait ce que nous offre Conrad dans Typhon, avec en bonus des personnages bien campés et une construction pas toujours linéaire. Un bon p'tit roman, qui me donne envie d'aller découvrir les œuvres majeures de l'auteur.
150 pages, 1901, Folio. Il y à quelques remarques de l'auteur à propos de ce récit sur Wikipédia, c'est assez intéressant.
dimanche 9 décembre 2012
Yragaël - Druillet & Demuth
Yragaël est une BD franchement magnifique, et c'est là son principal intérêt. A vrai dire, c'est là son seul intérêt. Et ce n'est absolument pas un défaut.
Bon, puisqu’il faut bien parler un peu du scénario, je vais l'évoquer rapidement. La première moitié du récit nous présente l'univers dans lequel il prend place, un univers tumultueux, chaotique, habité par de nombreuses entités et d'innombrables êtres des plus divers. Dans la seconde partie, on suit Yragaël, seigneur humain, dans sa quête pour ... heu ... faire des trucs virils, combattre des dieux, sauver l'humanité et retrouver sa copine. Plus ou moins.
Voilà, j'ai parlé de l'histoire. Maintenant, je peux évoquer l'essentiel : les dessins. Et là ... c'est juste fantastique. Non, merveilleux ! Hallucinant ! Renversant ! A quoi bon un scénario quand un auteur peut faire passer autant de choses dans ses illustrations ? Et ces illustrations, elles sont démesurées, titanesques. Nombreuses sont celles qui occupent deux pages entières, mettent en image des scènes inconcevables, surréalistes, des lieux à l'architecture démente, des créatures par centaines ou par milliers, le tout dans un furieux déchainement de couleurs vives. Je vous invite à aller en regarder quelques échantillons : celui ci, ou encore celui là. Je mettrai bien des dizaines d'images pour illustrer mon petit article ... Même les textes sont ultra stylisés et ornés de magnifiques enluminures. Ici, pas de découpes des planches en petites cases, tout éclate au profit d'une imagination totalement folle et d'un univers aussi beau que tordu. D'ailleurs, je vous déconseille franchement l’édition J'ai lu BD, elle massacre la mise en page originale. Les dessins sont tellement grands que certains sont coupés en deux pour loger sur deux page doubles, entre autres choses regrettables. Yragaël est une BD visuelle, il faut donc absolument l’apprécier en grand format dans sa mise en page originale.
Bref, Yragaël est une merveille visuelle, riche d'autant de beauté que de démesure et de folie. Druillet a un style unique, qui ne peut pas plaire à tout le monde ... mais quand on accroche, on accroche vraiment.
1974, J'ai lu BD
jeudi 6 décembre 2012
Vuzz - Philippe Druillet
J'aime la BD. J'adore la BD. Mais la BD, c'est cher, même d'occasion. Alors quand je vois des formats poche pour 2 ou 3 euros, je m'y penche attentivement. Si vous ne connaissez pas Druillet, sachez cela : c'est de l'imaginaire (entre SF, fantastique et fantasy), et c'est beau. Que dis-je, c'est magnifique !
Cependant, avec Vuzz, Druillet ne nous offre pas du tout ce à quoi il m'avait habitué avec Lone Sloane. Tout d'abord, au niveau du style graphique, la différence est forte : si l'on retrouve tout de même le style de l'auteur, les couleurs vives s'effacent au profit d'un élégant noir et blanc, les vastes plans aussi fouillés que psychédéliques laissent la place à des dessins bien plus sobres. Moins de folie et de démesure donc, mais Druillet reste un maitre, et tout cela est fort joli et possède une forte identité.
Vuzz est un héros bien loin du très sérieux Lone Sloane. C'est un être stupide, dégénéré, qui ne pense qu'a deux choses : manger et baiser. Bref, le ton est très décalé. Ce personnage n’obéissant qu'à ses désirs les plus primaires se jette sur la moindre femelle qui croise sa route et massacre toute créature hostile se mettant en travers de son chemin pour ensuite en manger la chair avec un grand sourire niais. Mais parfois, il lui arrive des choses plus étranges ... Il rencontre des lapins explosifs vivant dans d’éphémères champignons en forme de phallus, se fait prendre au piège par des morts un peu trop vivants, explore un étrange village peuplé de corps sans vie, se fait agresser par un magicien qui tombe amoureux de lui ... Malgré sa profonde stupidité, Vuzz s'avère bien sympathique. Et marrant.
En raison de sa quasi absence de dialogues et ses dessins épurés, Vuzz se lit très vite, mais avec un plaisir certain. Druillet m'avait bien plus marqué avec Lone Sloane, mais on a tout de même là un bon album, réussit esthétiquement et totalement barré.
155 pages, 1974, J'ai lu BD
mardi 4 décembre 2012
Le chemin de l'espace - Robert Silverberg
Le chemin de l'espace ne fait pas partie des romans les plus connus de Silverberg : il a été écrit en 1967, juste avant la période la plus faste de la carrière de l'auteur, je ne savais donc pas vraiment à quoi m'attendre. Et au passage, je signale le titre original : To open the sky. C'est quand même plus classe.
Si je me suis procuré ce roman, c'est certes parce que j'adore Silverberg, mais aussi parce que son thème m'attirait particulièrement : la religion. Le récit se découpe en plusieurs parties, chacune suivant différents personnages que l'on retrouve cependant par la suite avec quelques années en plus. Il y a parfois au début de ces gros chapitres un tout petit résumé des événements précédents (peut être que le roman est paru en épisodes dans un magazine), mais c'est suffisamment discret pour ne pas être gênant. Le récit débute en 2077, alors que la Terre, surpeuplée et plongée dans une certaine confusion, voit apparaitre une nouvelle religion : les Vorster, du nom de leur messie, Vorst. Et ils sont en pleine expansion. Les religions classiques déclinent, n'étant plus adaptées à l'état du monde, et les Vorster ne commettent pas les mêmes erreurs qu'elles. Leur culte est basé sur deux projets clairs, pragmatiques et scientifiques : donner à l'humanité l'immortalité et la conquête spatiale. C'est là une force du récit : on est plongé au cœur du mouvement, et si les millions puis les milliards de fidèles de base sont emplis d'une puissante ferveur religieuse, ceux qui se hissent au sommet le sont beaucoup moins. Pourtant, ces personnalités dirigeantes sont loin d’être mauvaises, et Silverberg se place loin de tout jugement. Ces leaders croient sincèrement en leur cause, car elle unifie l'humanité vers un but commun que l'on peut objectivement qualifier de bon. Et si pour cela la masse a besoin de rituels, de litanies, de symboles à vénérer, de prêtres à écouter et d'un chef suprême à vénérer, qu'il en soit ainsi. Quoi que, les leaders aussi sont sensibles à ces rassurantes habitudes que leur donne leur religion.
Le roman s'étale sur près de 100 ans, ce qui non seulement offre une vision d'ensemble et sur le long terme du mouvement Vorster, mais permet aussi à l’auteur de proposer de nombreuses situations et ainsi de maintenir l’attention du lecteur à plus court terme. Que l'on suive un diplomate devant escorter un ambassadeur martien sur Terre, un jeune acolyte devenu espion à la solde d'un mouvement hérétique ou encore un missionnaire chargé de convertir les très hostiles colons de Vénus, les situations sont variées et contribuent chacune à donner vie à un univers cohérent tout en développant sa toile de fond.
Le chemin de l'espace ne fait certainement pas partie des chefs-d’œuvre de Silverberg, il n'a ni la force ni la profondeur des Monades urbaines, par exemple, ce qui ne l’empêche pas d’être un fort bon roman tout à fait recommandable. Et l'air de rien, cette vision du futur de la religion est toujours assez actuelle ... Si le sujet vous plait, Le chemin de l'espace ne peut qu’être une lecture plaisante et intéressante.
245 pages, 1967, J'ai lu
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Silverberg Robert
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