DES ADAPTATIONS STRUCTURALES, FONCTIONNELLES ET GÉNÉTIQUES CONTRIBUENT AU SUCCÈS DES PROCARYOTES
Les procaryotes ont probablement été les premiers habitants de la Terre il y a plus de 3,5 milliards d'années. Ils sont presque tous unicellulaires, mais les cellules de certaines espèces restent jointes après la division cellulaire.
La paroi cellulaire joue un rôle fondamental, notamment en empêchant l'éclatement dans un milieu hypotonique (c'est-à-dire un milieu ayant une concentration en solutés inférieure à celle du cytoplasme ; dans un environnement hypotonique, l'osmose incite l'eau à entrer dans la cellule).
Chez les eucaryotes qui en sont pourvus, comme les végétaux ou les eumycètes, la paroi est généralement constituée de cellulose ou de chitine. En revanche, la plupart des parois bactériennes contiennent une substance appelée peptidoglycane, tissu moléculaire qui entoure entièrement la bactérie et sert de point d'ancrage à d'autres molécules ; les parois cellulaires des archées ont juste divers polysaccharides et protéines.
Certaines cellules procaryotes peuvent former un biofilm lorsque plusieurs d'entre elles joignent la couche gluante appelée capsule qui les recouvre, ce qui leur permet d'adhérer à leur substrat, de prévenir la déshydratation ou de les protéger du système immunitaire de leur hôte.
En cas de difficulté, certaines bactéries produisent des structures cellulaires résistantes appelées endospores. La cellule copie son chromosome et l'entoure d'une robuste structure multicouche. L'endospore se déshydrate et son métabolisme s'arrête. La plupart des endospores peuvent résister plusieurs minutes à de l'eau bouillante par exemple ; dans des milieux moins hostiles, elles peuvent se conserver pendant des millions d'années. Elles se réhydratent quand elles perçoivent de meilleures conditions.
Certains procaryotes adhèrent entre eux ou à un substrat grâce à de courts et fin appendices, les fimbriae.
La moitié des procaryotes sont capables de déplacement, à l'aide de flagelles ou d'autres méthodes. Il semblerait que les flagelles des procaryotes, des bactéries et des archées soient apparues indépendamment ; ce sont des structures analogues, c'est un cas de convergence évolutionnaire.
Le flagelle bactérien est une structure complexe, composée de 42 types de protéines. Comme pour toutes les structures complexes, son évolution est possible car, globalement, chaque étape entre l'absence de flagelle et le flagelle actuelle ont été des pas donnant un avantage aux organismes qui les franchissaient.
LA REPRODUCTION, LES MUTATIONS FRÉQUENTES ET LES RECOMBINAISONS GÉNÉTIQUES FAVORISENT LA DIVERSITÉ GÉNÉTIQUE CHEZ LES PROCARYOTES
Les procaryotes possèdent une grande diversité et donc une grande variation génétique.
Chez les espèces à reproduction sexuée, la création d'un nouvel allèle à l'issue d'une mutation est un évènement rare ; chez ces espèces, la variation génétique découle principalement de nouvelles combinaisons d'allèles durant la méiose et la fécondation. Chez les eucaryotes, non sexués, la grande variation s'explique par des mutations et reproductions fréquentes.
Par exemple, E. coli dans l'intestin humain : la probabilité de mutation spontanée lors d'une division (= reproduction) est de 1 sur 10 millions. Mais il y a 2 x 10¹⁰ cellules d'E. coli qui naissent chaque jour dans un intestin humain ; en conséquence, en un jour, chaque gène d'E. coli aura 2000 bactéries sur lesquelles il sera mutant, et comme la bactérie a 4300 gènes, en tout plus de 8 millions de mutations par jour par intestin humain.
On comprend donc que l'évolution des procaryotes peut être extrêmement rapide.
Si les procaryotes ne pratiquent ni la méiose ni la fécondation, ils ont d'autres méthodes de recombinaison génétique (combinaison de l'ADN à partir de deux sources).
- Lors de la transformation, le génotype d'une cellule procaryote est modifié par l'incorporation d'ADN étranger. C'est un échange de segments d'ADN homologues. Oui, une bactérie peut ramasser des bouts d'ADN qui trainent dans son environnement et les incorporer à son ADN à un endroit adapté.
- Lors de la transduction, les bactériophages (virus qui infectent les bactéries) transportent des gènes procaryotes d'une cellule à une autre. C'est souvent le fruit d'incidents dans le cycle de la réplication phagique.
- La conjugaison est un processus de transfert d'ADN entre cellules procaryotes habituellement de la même espèce. Une cellule donne l'ADN et l'autre la reçoit. La bactérie donneuse étend un pilus sexuel vers la seconde, puis le pilus se rétracte, tirant les deux cellules l'une vers l'autre. Ensuite, un pont se forme, permettant le transfert de l'ADN. Par exemple, les plasmides, ces morceaux d'ADN séparés de l'ADN principal, peuvent contenir les gènes codant pour le pilus sexuel et se transférer ainsi. C'est aussi un mécanisme par lequel les bactéries peuvent échanger des gènes de résistance aux antibiotiques ou à d'autres menaces.
DE TRÈS NOMBREUSES ADAPTATIONS NUTRITIONNELLES ET MÉTABOLIQUES SONT APPARUES CHEZ LES PROCARYOTES
On peut classer les eucaryotes en fonction de leur mode de nutrition, c'est-à-dire de leur mode d'obtention de l'énergie et du carbone nécessaire à la constitution des molécules organiques qui composent les cellules. Les procaryotes possèdent plus d'adaptations métaboliques que les eucaryotes.
Les procaryotes ont besoin de deux choses : énergie et carbone.
Les autotrophes ont pour source de carbone le dioxyde de carbone ou autre composé inorganique. Parmi eux :
- Les photo-autotrophes, tirant leur énergie de la photosynthèse (cyanobactéries...)
- Les chimio-autotrophes, qui tirent leur énergie de substances chimiques inorganiques présentes dans leur milieu
Les hétérotrophes ont pour source de carbone au moins un composant organique, comme le glucose par exemple, pour synthétiser d'autres composés organiques. Parmi eux :
- Les photo-hétérotrophes, photosynthétiques
- Les chimio-hétérotrophes, qui tirent leur énergie (en plus de leur carbone) de substances organiques présentes dans leur milieu
Le rôle de l'oxygène (O₂) constitue une autre variable métabolique chez les procaryotes.
- Les aérobies stricts utilisent l'O₂ pour leur respiration cellulaire, ils en sont dépendants
- Les anaérobies stricts, à l'inverse, ne survivent pas en présence d'O₂. Certains survivent exclusivement grâce à la fermentation, d'autres utilisent un mécanisme appelé respiration cellulaire anaérobie.
- Les anaérobies facultatifs utilisent l'O₂ s'ils en trouvent, mais ils peuvent aussi recourir à la fermentation en milieu anaérobie
Chez tous les organismes, l'azote est essentiel à la production des acides aminés et des acides nucléiques. Les procaryotes ont de nombreuses façons d'acquérir de l'azote, par exemple la fixation de l'azote.
Certains procaryotes pratiquent la coopération métabolique. Par exemple, une même cellule ne pouvant à la fois accomplir photosynthèse et fixation d'azote, certaines cyanobactéries forment des colonies filamenteuses dans lesquelles la majeure partie des cyanobactéries sont photosynthétiques et d'autres fixent l'azote. Les jonctions intercellulaires permettent l'échange de ces nutriments. Ces colonies sont ce qu'on appelle les biofilms. Certaines bactéries peuvent aussi coopérer de façon similaire avec des archées.
LES PROCARYOTES ONT DIVERGÉ POUR FORMER UN GROUPE DE LIGNÉES DIVERSES
La diversité génétique des procaryotes est immense. On est loin d'en connaitre toutes les espèces.
De plus, grâce au transfert horizontal de gènes, d'importante parties du génome de nombreux procaryotes constituent en fait des mosaïques de gènes importés d'autres espèces — jusqu'à 75 %. Ce fait complique grandement l'établissement de l'arbre de la vie. On distingue néanmoins deux lignées distinctes, bactéries et archées.
La grande majorité des espèces de procaryotes connues sont des bactéries.
Les archées sont plus proches des eucaryotes que les bactéries ; l'ancêtre commun des archées et eucaryotes est plus récent que l'ancêtre commun des archées et des bactéries. Les archées n'ont pas d'espèces pathogènes pour les animaux.
Ils contiennent les organismes extrémophiles. Les halophiles extrêmes vivent dans les milieux très salés. Les thermophiles extrêmes prospèrent à des températures qui désactivent la plupart des enzymes.
De nombreuses espèces d'archées vivent dans des environnements moins extrêmes, notamment les méthanogènes, qui utilisent le CO₂ pour oxyder le H₂ et qui rejettent du méthane. Ce sont des anaérobies stricts.
LES PROCARYOTES REMPLISSENT DES FONCTIONS ESSENTIELLES DANS LA BIOSPHÈRE
Les procaryotes chimio-hétérotrophes agissent à titre de décomposeurs (comme les eumycètes) et sont indispensables à la vie sur Terre. Ils permettent de dégrader et recycler les éléments.
Les procaryotes transforment aussi les molécules, les rendant assimilables par d'autres organismes, comme le glucose, qui remonte en haut des chaines alimentaires. Les cyanobactéries, elles, produisent de l'oxygène. D'autres procaryotes fixent l'azote atmosphérique.
Les procaryotes peuvent aussi immobiliser les nutriments du sol en les utilisant dans leur constitution.
Les procaryotes jouent un rôle crucial dans de nombreuses interactions écologiques, notamment via la symbiose entre un hôte (l'organisme le plus gros) et son symbionte (le plus petit).
- Dans le mutualisme, un procaryote et son hôte entretiennent une relation mutuellement bénéfique.
- Dans le commensalisme, la relation est au bénéfice d'une espèce sans pour autant nuire à l'autre. Par exemple, plus 150 espèces de bactéries vivent à la surface de la peau humaine à raison de 10 millions de cellules par centimètre carré.
- Dans le parasitisme, une espèce bénéficie en nuisant à l'autre.
LES PROCARYOTES ONT SUR LES HUMAINS DES EFFETS TANT BÉNÉFIQUES QUE DÉFAVORABLES
L'intestin humain contient de 500 à 1000 espèces de bactéries dont les cellules sont plus nombreuses que la totalité des cellules du corps humain. Nombre de ces espèces sont mutualistes et participent à la digestion.
Par ailleurs, les bactéries sont à l'origine d'environ la moitié des maladies qui affectent les humains.
Certaines maladies bactériennes sont transmises par d'autres espèces, comme les puces ou les tiques. Aux USA, la maladie de Lyme contamine de 15000 à 20000 personnes chaque année.
Les procaryotes pathogènes causent en général des maladies en produisant des toxines. Les exotoxines sont des protéines sécrétées par certaines bactéries (et d'autres organismes). Les capacités évolutives rapides des bactéries font la course avec les méthodes modernes de défense humaine, comme les antibiotiques.