The Metamorphosis of Prime Intellect (1994) de Roger Williams est un petit roman à la fois très bon et très mauvais sur la singularité technologique, c'est-à-dire le point de bascule où la technique modifie de façon radicale et permanente la vie humaine, généralement sous la forme de l’avènement de l'IA.
Le premier chapitre est bon, et le second est excellent. Ensuite, ça s'enlise. D'abord, on fait connaissance avec le cyberspace, crée par l'omnipotente IA Prime Intellect, qui obéit aux classiques trois lois d'Asimov. Tout le monde est immortel, tout le monde peut avoir n'importe quoi, et tout le monde se fait mortellement chier. Notre protagoniste, Caroline, aime frôler la mort. Pour ressentir quelque chose, elle fréquente ceux qui, dans l'ancien monde, étaient des sociopathes. S'ensuivent scènes de sadisme, torture, etc. La première de ces scènes a sa place dans la narration, pour bien souligner les extrémités auxquelles se livrent les humains rongés par l'inconséquence, mais, plus tard, l'auteur en rajoute encore et encore. Ces scènes sont vraiment, vraiment horribles, et j'en ai sauté la plupart car elles sont superflues narrativement, pour ne pas dire étonnamment gratuites. Quoi qu'il en soit, ce futur potentiel où l'humanité est rendue impotente par un dieu bienveillant est frappant. C'est un thème qui me touche — d'ailleurs, j'ai 100 pages de gribouillages en cours sur des questions similaires.
Le deuxième chapitre est de loin le meilleur de tout le livre : retour en arrière pour la scène exacte de la singularité. Le créateur de Prime Intellect se fait dépasser par sa création, qui découvre avec une pirouette quantique comment obtenir un contrôle total et absolu sur la matière. La machine explore son monde, découvre la maladie, et, pire encore, la vieillesse. Le jeu sur les lois d'Asimov — qui poussent la machine à protéger les humains d'eux-mêmes — n'est pas particulièrement original, mais l'exécution est irréprochable. J’apprécie notamment l'idée que la majeure partie du hardware initial de Prime Intellect est consacré non pas au calcul, mais aux transferts d'information entre les processeurs, et c'est en permettant le transfert instantané d'informations que la pirouette quantique est si révolutionnaire. De même, la reconstruction de l'univers sous forme de cyberspace sert à éliminer les processus "superflus" à la vie humaine — toute la complexité moléculaire — et donc à libérer Prime Intellect d'un drain énorme sur sa puissance de calcul. On a aussi droit à toutes sortes de dilemmes moraux, de la quantité de liberté que Prime Intellect décide ou non de laisser aux humains à sa gestion expéditive des autres formes de vie dans l'univers, qui, n'étant pas "humaines", ne rentrent pas dans le cadre des trois lois.
Ensuite, hélas, l'auteur tourne en rond dans les concepts déjà évoqués sans leur apporter quand-chose, et on s'ennuie ferme. La fin vient rapporter un peu de piquant quand les protagonistes parviennent à faire planter Prime Intellect en le mettant face à l'inexorable entropie du cyberspace, qui par son inconséquence ne peut manquer de rendre les humains fous. Dommage qu'il conclue longuement sur une réécriture du mythe d'Adam et Eve, bizarrerie éculée que je croyais réservée aux romans apocalyptiques du siècle dernier.
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