mardi 23 juillet 2024

Latium - Romain Lucazeau

Au début, j'y ai cru. L'écriture est clairement supérieure à la moyenne et on a l'impression que le roman va être riche en idées, voire en exploration de concepts philosophiques. De même, le point de départ est très aguichant : longtemps après l'extinction de l'humanité ne demeurent que des IA qui habitent (ou plutôt qui sont) de colossaux vaisseaux spatiaux, IA qui sont tragiquement toujours liées par le carcan, les trois lois asimoviennes de la robotique. Tragique et plutôt cool, d'autant plus que ces IA ont tendance à scinder leur conscience en différentes sous-personnalités qui ont chacune leurs propres motivations, au risque d'autodestruction si ces motivations s'éloignent trop les unes des autres.

Donc oui, Latium de Romain Lucazeau n'est pas un mauvais roman ; je dirais même qu'il pourrait valoir le coup pour qui a peu lu de SF et cherche des grands concepts. Ceci dit, pour moi, toutes ces belles prémices se sont rapidement écroulées. Je n'ai lu que les deux tiers du premier volume avant de laisser tomber.

Tout d'abord, les batailles spatiales, ou plutôt la bataille spatiale dont je n'ai pas vu le bout : mais que c'est long et dénué d'intérêt. J'ai tendance à penser que les longues scènes de bataille sont intrinsèquement superflues (surtout dans un roman qui se veut à idées) et qu'elles gagnent à être sublimées en quelques pages, mais, surtout : comment invoquer la moindre tension narrative, le moindre sens, quand l'identité même des antagonistes est inconnue ? Ce sont des aliens barbares, ok, c'est tout ce qu'on sait. Il n'y a pas d'idées opposées, de systèmes de pensée en tension, juste des dizaines et des dizaines de pages soporifiques.

Autre chose : d'un côté, on suit ces IA démiurgiques, de véritables dieux vivants, et de l'autre... des personnages à échelle humaine. Il y a ces hommes-chiens, crées par une IA pour contourner le carcan et pouvoir combattre les aliens (excellente idée), et cette femme artificielle crée par une IA (encore) pour incarner un esprit d'IA dans un corps de chair. Je dirais qu'au moins la moitié du texte est consacrée à ces personnages, et c'est complètement superflu : dans un contexte où des IA démiurgiques contrôlent tout, ces individus de chair sont condamnés à être terriblement passifs et ennuyeux. De fait, il ne se passe strictement rien de conséquent avec eux et je ne comprend pas l'inclusion de leur perspective. Celle-ci n'a qu'un effet : diluer considérablement la narration et me pousser à tout lire en diagonale.

Ensuite, l'aspect idées du roman. Inévitablement, c'est hautement familier : Asimov, Iain Banks, Dan Simmons... Pour qui a lu pas mal de SF, il y a une très forte (et désagréable) impression de pot-pourri prémâché, et ce d'autant plus que l'aspect philosophique de Latium s'avère rapidement n'être qu'un mince vernis. Certes, l'auteur nous balance du « ontologique », des références à Platon et une myriade de termes grecs, mais derrière cette façade, pas grand-chose. La façade devient donc fortement irritante.

Je le redis, il y a du bon dans Latium, mais en l'état, je ne peux m'empêcher de penser que le roman aurait dû être expurgé de plus de la moitié de son contenu (les interminables batailles et les perspectives inconséquentes) pour se concentrer sur le cœur narratif qui semble pouvoir fonctionner : le sort tragique de ces IA toutes-puissantes.

vendredi 19 juillet 2024

Le génie du sol vivant - Bernard Bertrand & Victor Renaud

Le génie du sol vivant - Bernard Bertrand & Victor Renaud

Je n'ai aucun doute que les auteurs ont des tas de connaissances et des décennies d'expérience. Ceci dit, comme pour la plupart de mes lectures précédentes aux éditions Terran, à savoir De greffes en greffes, la forêt fruitière et L'urine, de l'or liquide au jardin, j'ai trouvé ce Génie du sol vivant mauvais au point d'être quasi illisible.

Je crois ne pas exagérer en disant qu'il y a dans ce livre plus de points d'exclamation et de points de suspension que de simples points. Le style rappelle celui d'un soixantenaire complotiste qui poste de longues tirades incohérentes sur Facebook (« Et dans ce domaine, la science n'explique pas tout, voilà qui dérange beaucoup ! »). Ne parlons même pas de la construction, qui fait toujours aussi vrac, ni du travail de mise en page, clairement amateur, ni des très, très nombreuses coquilles. On fait face à une suite de micro paragraphes sans liens sémantiques clairs et à un propos très général et confus. Les auteurs tapent sur la science, semblant confondre la science et les applications de la science, tout en se revendiquant de personnages douteux comme Jean-Marie Pelt

Quelques exemples pour évoquer, justement, le sérieux scientifique du livre. Je cite :

L'azote est très présent dans l'atmosphère, puisqu'il représente 78,11 % de sa masse totale, contre 20,953 % pour l'oxygène, 0,934 % pour l'argon, alors que le taux de carbone n'est que de 0,038 %. Pour l'azote, cette masse représente en permanence plus de 45 000 tonnes de matières premières dont peuvent bénéficier directement l'écosystème et ses habitants...

Si je comprends bien (et ce n'est pas évident), ils affirment qu'il y a 45 000 tonnes d'azote dans l'atmosphère. C'est n'importe quoi. Et pas besoin d'avoir une thèse en physique pour remarquer que c'est bien, bien trop bas. Il faudrait multiplier ce nombre par quelque-chose comme 80 milliards pour s'approcher du bon nombre. Sacrée marge d'erreur.

Ensuite, leur expérience pour prouver l'efficacité de différents types de paillage. Ils installent 3 lots de 2 courgettes (c'est peu mais admettons), le premier avec un mulch d'adventices, le second avec un mulch de BRF, le troisième avec un mulch épais de racines et déchets verts grossiers de type ronce. Le troisième lot produit plus, ce qui confirme leur propos. Ou pas : ce test est absolument risible, puisqu'alors que le premier lot avait précédemment hébergé choux et poireaux, et le second des pommes de terre, le troisième accueille sa première culture après en plus toute une année de paillage riche. Alors oui, le sol qui n'avait pas été appauvri (et au contraire enrichi) l'année précédente produit plus. Sans blague.

Allez, un dernier point. Je cite, en vous épargnant les retours à la ligne entre chaque phrase :

La théorie commune partage le monde vivant en deux règnes : animal et végétal. Sauf que voilà, il y a des êtres vivants rebelles dont on considère qu'ils ne rentrent pas dans ces cases-là. Et patatras, des siècles de certitude qui s'écroulent... Bref, on cherche toujours la place des bactéries, actinomycètes, mycètes (les fungus, ou champignons), mais aussi des algues, dans le règne du vivant !

Juste : non. Évidemment, la science est en perpétuel mouvement et de nouvelles connaissances viennent en détrôner ou complexifier des précédentes, mais là, on n'est pas loin du pur mensonge obscurantiste. La « théorie commune » s'accorde actuellement sur une classification à sept règnes et développe une vision complexe et détaillée de l'évolution de ces différents règnes.

Je m'arrêterai là.

lundi 15 juillet 2024

Humus - Gaspard Koenig

Humus - Gaspard Koenig

Un roman qui s'attaque avec sérieux au thème de l'écologie et choisit d'aller assez loin avec, jusqu'à flirter avec de l'anticipation : ce n'est pas le Ministère du Futur français, mais les mêmes échos sont là. Nos deux protagonistes sortent d'une grande école d'agro et prennent deux directions différentes. Arthur se fait néo-rural typique, reprenant naïvement une vieille ferme et tentant d'y réintroduire la vie sur un sol assassiné par des décennies de pratiques culturales destructives, alors que Kevin se lance dans l'entreprenariat à grande échelle, façon croissance verte, ou plutôt illusion de croissance verte. Notons au passage l'inversement des positions sociales : le fils de bourgeois retourne à la terre, le fils de prolo brasse des millions.

Ce qui relie ces deux protagonistes, en plus de leur amitié, ce sont les vers de terre. Car oui, des investisseurs de la Silicon Valley vont investir des millions dans une startup de lombricompostage française ! L'auteur a fait ses devoirs sur ce sujet et il récite fidèlement ce qu'on trouve dans par exemple dans Des vers de terre et des hommes de Marcel Bouché (qui est peut-être l'inspiration pour Marcel Combe, le savant des vers de terre qui embrigade nos deux étudiants). Ces passages sont assez scolaires, et c'est par ailleurs regrettable que Gaspard Koenig ne parvienne pas à convaincre quand il évoque, ne serait-ce que de loin, la science du sol. Le sol de la ferme rachetée par Arthur semble définitivement flingué par la monoculture, les intrants chimiques et le labour, mais comment exactement ? Mystère. L'auteur en fait des tonnes à ce sujet, on aurait aimé mieux plonger dans ce sol. D'autant plus que, bizarrement, Arthur parvient malgré tout à développer une activité maraichère profitable et réussie sur une partie de son terrain, pendant que l'auteur continue à nous bassiner sur le sol mort de ce même terrain. 

Sinon, ça se lit avec grand plaisir. L'écriture est juste assez légère pour se gober aisément sans sembler inexistante, la trame avance avec un bon rythme en réussissant toujours à amener développements curieux et idées dignes d'intérêt — il y a même l'inévitable auto mise en scène ironique de l'auteur. Ça fait un peu Houellebecq, notamment avec l'aspect anticipation, mais les scènes de sexe, quoique parfois bizarres, restent moins glauques (et je ne m'en plains pas). Une grande qualité du roman est l'efficacité de la satire sociale qui s'y déploie : que ce soit du côté des bourgeois néo-ruraux qui s'intègrent dans un trou paumé en compagnie de naturopathes/sexologues/pseudo-sciencologues, d'agriculteurs plus ou moins bornés et de zadistes hyperconnectés, ou de l'univers grotesque de la startup nation où on se gargarise de l'idée de méritocratie alors qu'on doit tout aux millions de papa et aux relations de tata (avec en bonus entrepreneuse arnaqueuse inspirée par Elizabeth Holmes), on sent que Gaspard Koenig connait son sujet.

La lecture de la page Wikipédia de l'auteur vaut le coup, le bonhomme a l'air digne d'intérêt, et il parvient dans Humus à garder un flou idéologique stimulant. Le capitalisme vert est-il fondamentalement oxymorique et corrompu, ou Kevin aurait-il dû mettre de côté un moralisme trop rigide et prendre sur lui, accepter des contradictions temporaires au profit de réels bénéfices écologiques futurs ? Arthur agit-il de façon complètement grotesque en s'enterrant dans sa ferme, ou le retour à l'ultra-local est-il décisif ?  Quant à la tentative de révolte mondiale qui conclue le roman : cette volonté de destruction totale de la société technicienne est-elle pertinente ou non ? Pas de réponse à cette question dans Humus. Aucun moralisme, et bravo à l'auteur pour avoir réussi à se tenir à cet angle.

J'apprécie ce final maximaliste, et notamment la façon dont Extinction Rébellion est posée comme couverture pour une organisation bien plus radicale, même si une telle tentative de révolution mondiale aurait pu être le sujet d'un roman à part entière et l'idée est ici clairement à l'étroit. Si Gaspard Koenig n'offre aucune solution à la tragédie écologique en cours — et même après lecture du roman il est difficile de percevoir à quel point l'auteur la prend au sérieux — il évoque excellemment le désespoir et la souffrance que cette tragédie provoque chez qui la perçoit.

lundi 8 juillet 2024

Je sème des engrais verts - Pascal Aspe

Je sème des engrais verts - Pascal Aspe

Je n'attendais pas grand-chose de cette collection aux livres très fins, mais là, il y a tellement peu de contenu qu'on se demande à quoi ça sert de faire un livre. Ça fait 80 pages remplies essentiellement de photos superflues. Il n'y a que 9 engrais verts détaillés (pas la féverole par exemple) et leur description est anémique. La construction de l'ouvrage est douteuse, avec par exemple deux parties différentes portant le même titre ("Attirer les auxiliaires") pages 23 et 59.

L'auteur mentionne dès l'intro broyage et enfouissement des engrais verts, et répète ces conseils par la suite, sans les détailler. Broyer comment ? Pourquoi ? Et pourquoi enfouir ? Pourquoi ce ne serait pas assez bien de laisser l'engrais vert en surface, laissant ainsi faire la décomposition naturelle et paillant par la même occasion ? Il conseille aussi de laisser les sols argileux à nus l'hiver, pour que le gel brise les mottes. Pourquoi pas, mais quand on va ainsi à l'encontre d'une règle permaculturelle qui à priori fait sens (ne jamais laisser les sols à nu), il faut prendre le temps de détailler. Pas un mot sur le couchage des engrais verts.

Ci-dessous, quelques notes, à commencer par un rappel du rôle des engrais verts :

  • Décompacter et aérer le sol via leurs racines
  • Protéger contre l'érosion, le tassement et le soleil
  • Enrichir le sol (tant que les engrais verts sont laissés en place)
  • Empêcher les adventices de se développer

La matière organique qui se décompose suit deux voies : la minéralisation (court terme, notamment l'azote) et l'humification (long terme, notamment le carbone). Les engrais verts non seulement peuvent prélever les nutriments en profondeur pour les restituer à la surface, mais ils empêche aussi le lessivage des nutriments en les employant. Je note pour les semis d'automne la pertinence de mélange seigle et vesce ; la moutarde (bonne pour extraire le phosphore des roches) et le sarrasin pour le printemps et l'été. Les légumineuses, plus lentes, sont surtout semées en automne. Ne pas hésiter à semer les engrais verts de fin d'été/automne parmi les cultures précédentes (courges, tomates).

mercredi 3 juillet 2024

Biologie de Campbell #11 - La communication cellulaire

LES SIGNAUX EXTERNES SONT CONVERTIS EN RÉPONSE DANS LA CELLULE 

Les cellules communiquent grâce à des signaux chimiques, par exemple des hormones, ou des phéromones (entre individus différents). Pour que le message soit transmit, il faut une adéquation entre la substance transmise et le récepteur cible. Par exemple, c'est indispensable pour que les micro-organismes, comme les levures unicellulaires, s'accouplent uniquement entre membres d'une même espèce : elles se reconnaissent car le facteur (phéromone identificateur) de l'une active (et donc est compatible avec) le récepteur de l'autre.

Chez la levure, une fois le facteur de reconnaissance sexuelle liée au récepteur, se déroule une série d'étapes chimiques (voie de transduction du signal) qui provoque la réponse cellulaire de l'accouplement. La transduction du signal est très similaire chez les organismes plus complexes comme les animaux. Donc, sur le plan évolutionnaire, ces mécanismes sont apparus chez un ancêtre commun, il y a plus d'un milliard d'années.

Les bactéries utilisent une méthode similaire pour communiquer entre elles via signaux chimiques et coordonner leurs comportements, par exemple en signalant la nécessité de former des spores quand la nourriture commence à se faire rare. Ainsi, une méthode pour lutter contre les infections bactériennes pourrait être de brouiller ces signaux chimiques.

Comme vu dans les chapitres précédents, les cellules des organismes multicellulaires peuvent communiquer par contact direct :

  • Via les jonctions cellulaires, qui sont comme des portes entre les cellules
  • Par reconnaissance intercellulaire, quand deux cellules interagissent via des molécules membranaires (c'est la forme 3D de la molécule qui une cellule forme une "clé" alors que sur une autre il y aura la "serrure" appropriée)

 Il existe aussi des types de communication locale sans contact direct :

  • La communication paracrine : la cellule qui doit émettre un signal sécrète des molécules de signalisation. C'est le cas par exemple pour les facteurs de croissance, des composés qui incitent des cellules adjacentes à croitre et à se diviser. 
  • La communication synaptique : elle a lieu dans le système nerveux des animaux. Un potentiel électrique propagé le long du neurone déclenche la sécrétion de molécules de neurotransmetteurs. Ces molécules agissent comme des signaux chimiques : elles diffusent dans la fente synaptique (l'espace étroit séparant le neurone de la cellule cible) et provoquent une réponse chez la cellule cible.

La communication à distance, chez les végétaux comme chez les animaux, fait appel aux hormones. Chez les animaux, des cellules endoctrines spécialisées sécrètent des hormones dans les liquides corporels, généralement dans le sang. Les hormones ciblent des cellules situées ailleurs dans l'organisme. Les régulateurs de croissance végétaux empruntent parfois les tissus conducteurs de sève, mais, la plupart du temps, elles atteignent leur destination en passant de cellule en cellule ou diffusent sous forme de gaz dans l'atmosphère.

Par exemple, et de façon schématique, l'adrénaline active l'hydrolyse du glycogène stocké dans les cellules hépatites ou musculaires : c'est le début d'une série de réactions qui servent à produire de l'énergie dans les cellules du foie et des muscles. En somme, en réaction à un stress physique ou émotionnel, l'adrénaline sécrétée par les glandes surrénales mobilise les réserves de combustible.

La taille et la nature des hormones est variable. Par exemple, l’éthylène, régulateur de croissance végétal qui aide à faire murir les fruits, est un hydrocarbure qui contient seulement 6 atomes assez petits pour traverser les parois cellulaires, alors que l'insuline, l'hormone animale qui régule la concentration de glucose sanguin, est une protéine formée de 51 acides aminés et donc de plusieurs centaines d'atomes.

Aperçu des trois phases de la communication cellulaire :

  • Réception. Une cellule cible détecte un signal externe. Un signal chimique est détecté quand la molécule de signalisation se lie à un récepteur protéique de la cellule cible. 
Il existe différents types de récepteurs protéiques, et ils comptent pour 30% de toutes les protéines humaines. Ils sont très difficiles à étudier tout en étant la cible d'une grande partie des médicaments. Les récepteurs intracellulaires ont souvent pour rôle d'activer ou désactiver des gènes spécifiques.
  • Transduction. Quand elle se lie au récepteur protéique, la molécule de signalisation le modifie de façon à amorcer la phase de transduction. Le signal est converti en une forme capable d'engendrer une ou plusieurs réponses cellulaires, ce qui requiert souvent des modifications successives de plusieurs molécules : c'est la voie de transduction du signal. 
Le processus d'activation ou de désactivation des protéines s'appelle cascade de phosphorylations. Ils existe aussi en plus des protéines des plus petites molécules et des ions qui transmettent le message, ce sont les seconds messagers : comme ils sont plus petits et plus hydrosolubles, ils se diffusent facilement dans le milieu intracellulaire.

Par exemple, la bactérie du choléra modifie chimiquement une protéine de la phase de transduction qui régule la sécrétion d'eau et de sel dans la lumière intestinale. Cette protéine est bloquée dans une phase active et ne peut stopper sa stimulation : elle produit en continue des seconds messagers (AMP cyclique) qui activent la sécrétion de sels dans l'intestin, sels qui entrainent l'eau par osmose et provoque diarrhées.
  • Réponse. Accomplissement de la fonction recherchée.

Un grand nombre de voies de transduction aboutissent à la régulation de la synthèse de protéines, habituellement par l'activation ou la désactivation de gènes spécifiques dans le noyau. Il peut s'agir de l'activité des protéines. L'ampleur et la spécificité de la réponse sont régulées de multiples manières :

  • L'amplification du signal : une cascade enzymatique élaborée permet d'augmenter considérablement le nombre de molécules impactées par un signal. Ainsi, par exemple dans le cas de l'adrénaline, pour un seul récepteur activé par une molécule d'adrénaline, la cascade enzymatique permet au final la libération de 10⁸ molécules de glucose-1-phosphate. C'est ce qui explique pourquoi les hormones peuvent agir à des doses très faibles. (Une molécule signal active 10 cellules cible, celle-ci libère 10 molécules qui activent chacune 100 cellules cibles, etc.)
  • La spécificité de la communication cellulaire : en fonction des particularités de chaque cellule (selon les gènes qu'elles actives), elles ne répondent pas de la même façon au même signal. Par exemple, l'adrénaline pousse les cellules hépatiques à dégrader le glycogène, alors qu'elle stimule la contraction des cellules musculaires.
  • La cessation du signal : lorsque la concentration externe des molécules de signalisation diminue, moins de récepteurs sont liés à tout moment, et les récepteurs qui ne sont pas liés reviennent à leur forme inactive.

Pour qu'une cellule exprime la réponse appropriée, il faut souvent que les protéine cellulaires intègrent des signaux multiples. C'est le cas de l'apoptose : une forme de suicide cellulaire. Durant l'apoptose, des agents cellulaires coupent l'ADN et fragmentent les organites et autres composants cytoplasmiques. La cellule rétrécit et forme des lobes, et les diverses parties de la cellule sont emballées dans des vésicules, puis avalées et digérées par les cellules phagocytaires voisines. L'apoptose protège ces cellules voisines des dommages qui occurreraient si les contenus de la cellule étaient simplement libérés. L'apoptose se déclenche, entre autres causes, si l'ADN de la cellule en endommagé.

samedi 29 juin 2024

Galactic North - Alastair Reynolds

Galactic North - Alastair Reynolds

J'avais lu quelques-uns des gros pavés d'Alastair Reynolds il y a plus de 10 ans, et déjà l'écriture me semblait verbeuse et pénible. Je m'étais arrêté au milieu du troisième volume de L'espace de la Révélation. Ceci dit, j'avais un très bon souvenir de la nouvelle Diamond Dogs, et je me suis donc penché sur ses autres nouvelles, non traduites en français pour la plupart il me semble. Je confirme que l'écriture est toujours aussi plate : malgré des idées pertinentes, c'est un peu ce cliché de la SF comme roman de gare. Je regrette Greg Egan.

Great Wall of Mars (3,5/5)

Le récit d'une mission diplomatique vers une communauté martienne d'humains — ou post-humains — qui se sont organisés en hive mind (les Conjoiners). Évidemment, ça tourne mal. Le grand mur de Mars éponyme a su retenir mon attention. Je ne sais plus s'il était déjà mentionné dans les romans de l'auteur qui se déroulent dans le même univers, mais c'est un excellent concept : comme il trop compliqué de terraformer une planète d'un coup, deux murs géants parallèles à l'équateur sont mis en place pour enfermer une bande d'atmosphère. Pendant que la terraformation avance — très lentement — les deux murs progressent en s'auto-construisant via les fondations qui prélèvent les matériaux de base dans le sol. 

La société explorée et les tensions entre factions aux idéologies différentes parviennent à aiguiser la curiosité, mais ça manque de profondeur dans l'exploration des idées. Je regrette aussi un certain problème d'échelle : le conflit armé semble un peu démesuré quand on sait que la communauté finalement attaquée contient moins de 1000 personnes : les forces attaquantes auraient surement les moyens technologiques de les rayer de la carte — même sans détruire l'endroit — sans envoyer des soldats se faire bêtement trucider sur place. Ceci dit, ça reste narrativement efficace, avec une fin satisfaisante à la fois sur le plan humain (le sort du narrateur) et sur une échelle plus vaste (l'avenir d'une société entière), ce qui mérite d'être souligné.

Glacial (2/5)

Une suite à la nouvelle précédente. Les mêmes personnages se retrouvent sur une planète glacée où tous les membres d'une expédition passée sont morts dans des circonstances suspectes. Tous, sauf un, qui s'est auto-cryogénisé et qu'ils vont réveiller : une bonne idée narrative. Autre bonne idée : ces petits vers qui infestent toute la glace qui recouvre cette planète et qui seraient en fait les équivalents des impulsions électriques d'un cerveau géant, façonnant ainsi une conscience invisible. Dommage qu'au lieu d'explorer pleinement ces concepts, toute la trame prenne la forme d'une enquête policière sans grand intérêt, avec même le cliché de la victime de meurtre qui trace les premières lettres du nom de son assassin pendant son agonie ! L'écriture des Conjoiners, cette société d'humains organisée en hive mind, est également des plus décevantes : ils ont l'air d'être connectés en wifi, mais c'est tout.

A Spy on Europa (3,5/5)

Comme le titre l'indique, deux factions s'opposent, et un espion arrive sur Europe pour accomplir une mission qui s'avèrera bien différente de ce à quoi il s'attendait. Cette nouvelle a le mérite d'être plus resserrée que les autres, et en conséquence, les idées et le worldbuilding s'y font particulièrement plaisants. La citée sous-marine dans l'océan d'Europe et la technologie qui la rend possible, les formes de vie qui se cachent dans ces profondeurs, les modifications physiologiques pratiquées par les locaux... Le tout avec une fin joyeusement sombre.

Weather (3/5)

Un vaisseaux d'Ultras (des humains augmentés pour le voyage à longue distance dans l'espace) recueille une Conjoiner en détresse. Les deux factions ne s'apprécient guère, mais ce sera l'occasion d'un rapprochement. On retrouve le même défaut : Ultras comme Conjoiners, ces factions sont supposées être des variations de post-humains, mais Alastair Reynolds ne parvient absolument pas à convaincre, par son écriture et le comportement de ses personnages, que ce ne sont pas des humains parfaitement normaux, à la limite avec certains traits de type hyper-rationnel et détaché. C'est aussi trop long, et ça se finit en queue de poisson. Ceci dit, les dernières pages parviennent néanmoins à relever l'intérêt avec la découverte de la bio-technologie des Conjoiners et l'éthique qui va avec : certains conjoiners doués choisissent activement de devenir des ordinateurs biologiques et de passer tout leur temps à faire des calculs pour contenir la source d'énergie chaotique qui fait tourner les moteurs spatiaux, tout en étant libres de prendre leur retraite à l'occasion.

Dilation Sleep (2/5)

Lors d'un voyage spatial de longue durée où l'équipage comme les passagers sont en cryosommeil, le narrateur est réveillé en avance et se retrouve seul dans un vaisseau désert. Un cliché tellement éculé que même moi j'ai écrit un texte avec ce point de départ. Alastair Reynolds n'en fait rien de particulièrement digne d'intérêt et le twist n'est pas suffisant.

Grafenwalder's Bestiary (2/5)

Des richards qui ne savent pas quoi faire de leur argent sont en perpétuelle compétition pour obtenir le trophée le plus unique, sous la forme de créatures vivantes. L'idée est sympa, mais c'est long et le twist, encore une fois, est loin d'être assez bon pour justifier autant de longueur.

Nightingale (2,5/5)

Une chouette prémisse, avec cette équipe qui s'enfonce dans un vaisseau-hôpital abandonné à la recherche d'un criminel de guerre. Il y a quelques bons moments de body horror mais encore une fois c'est long et l'écriture est très plate.

Galactic North (pas fini/5)

Une nouvelle qui se déroule sur plusieurs dizaines de milliers d'années, mais l'écriture est vraiment trop mauvaise et je commence à en avoir un peu marre. Il y a aussi quelque chose de puéril dans les nouvelles d'Alastair Reynolds, du genre pirates de l'espace menés par un méchant sadique, qui lasse rapidement.

mardi 25 juin 2024

Prendre soin de son sol - Emmanuel Bourguignon

Prendre soin de son sol - Emmanuel Bourguignon

Un petit bouquin assez bien fait. Je vais quand même me plaindre un peu avant de prendre quelques notes. Il y a, encore une fois, trop de photos de pleine page qui ne servent à rien à part faire joli, et une relecture supplémentaire aurait été nécessaire. J'aurais aimé que l'auteur aille plus loin sur la science du sol, peut-être à la place des derniers chapitres qui reviennent sur des généralités que la plupart des gens lisant ce livre connaitront déjà. Sinon, le titre et le sous-titre décrivent avec justesse ce qu'est le livre, qui se parcourt avec plaisir. Et oui, Emmanuel Bourguignon est bien le fils de.

Un aperçu des types de sol communs chez nous :

  • Luvisols : un sol en profondeur nettement plus argileux que les limons de surface. Anciens et polyvalents.
  • Cambisols : absence d'horizons distincts d'humus, d'argile, etc., hormis un horizon organique très superficiel. Issus de dépôts éoliens, colluviaux ou de rivières. Texture équilibrée, recherchés pour l'agriculture.
  • Leptosols : très superficiels, riches en cailloux, peu d'horizons, cultivés seulement via terrasses.
  • Chernozems : jeunes, très riches en humus sur une importance épaisseur, très recherchés, berceaux du blé ukrainien et du midwest.
  • Podsols : climats froids et humides, sableux, ph faible, matière organique piégée.

Les constituants minéraux sont généralement divisés entre sables, limons et argiles (du plus gros au plus petit). Quelques détails sur les argiles. Issues de la dégradation des roches, sables et limons, c'est le stade ultime de la dégradation du monde minéral. Cette dégradation est soit d'origine physico-chimique, soit d'origine biologique, les racines et des plantes et les microbes sécrétant des acides organiques qui leur permettent de dissoudre les roches, sables et limons pour y prélever des éléments nutritifs. Lors de cette dissolution, la silice, le fer et l'aluminium sont peu prélevés et forment les argiles, avec l'oxygène. La variabilité de l'espace entre les feuillets d'argile confère une capacité d'hydratation et donc de gonflement plus ou moins importante.

Électriquement, les argiles sont chargées négativement (excès d'électrons par rapport aux protons) : c'est ce qui leur donne la capacité de stocker dans le sol des nutriments dont les formes ioniques sont chargées positivement. C'est la capacité d'échange en cations (CEC), une mesure indiquant la capacité de stockage des éléments nutritifs dans le sol. Les cations sont des ions à charge positive qui viennent donc se lier à l'argile. Une CEC élevée indique que le sol peut retenir une plus grande quantité de cations, ce qui est globalement bénéfique pour la fertilité du sol. Les argiles sont donc essentielles pour la retenue les nutriments. Les cations servent de liens positifs avec les particules d'agiles (négatives) et les particules d'humus (négatives), formant ainsi le complexe argilo-humique. C'est la faune du sol qui synthétise l'humus.

Là où la minéralisation est une simplification des molécules organiques qui, en présence d'oxygène, sont réduites en minéraux, la plupart du temps à l'aide d'enzymes par les microbes qui se nourrissent au passage. Les minéraux qui en résultent sont utilisables par les plantes. A l'inverse, l'humification est un processus de complexification : la matière organique se transforme et se stabilise en humus, immobilisant ainsi les matières minérales. Le processus serait dominé par les champignons basidiomycètes.

La cellulose est la molécule organique la plus abondante sur Terre, constituant la majeure partie de la paroi cellulaire des plantes, et principale source de carbone déposée au sol. C'est un réseau de molécules de glucose reliées les unes aux autres. Facile à décomposer par des microbes qui produisent l'enzyme cellulose, elle se décompose rapidement à la surface des sols. Lorsque les végétaux sont riches en azote, la cellulose devient facilement fermentescible ; c'est pourquoi la cellulose est la matière organique fraiche qui assure la nutrition des plantes quand elle est décomposée par les microbes et se minéralise. La minéralisation est donc très rapide quand le rapport C/N est faible. La minéralisation est aussi favorisée par l'oxygénation du sol (le labour par exemple), ce qui provoque aussi une perte du carbone du sol dans l'atmosphère. Toute pratique agricole qui favorise l'aération du sol favorise donc aussi une perte en carbone du sol.

La lignine est présente dans tous les végétaux mais surtout dans les tissus lignifiés du bois. Elle permet aux plantes d'élaborer des structures rigides et est beaucoup moins facile à décomposer. Ce sont les champignons qui s'y attaquent, surtout les "pourritures blanches", des basidiomycètes. L'humification est bien plus importante quand c'est de la lignine qui est décomposée, ce qui n'émet que très peu de gaz carbonique par rapport à la minéralisation.

Les plantes ne peuvent se nourrir qu'en solution, donc le nitrate, par exemple, doit être dissout dans de l'eau pour qu'une plante puisse l'assimiler. De même, les argiles ont besoin d'être hydratées pour restituer des éléments nutritifs. En revanche, si trop d'eau et absence d'oxygène, le sol va devenir anaérobie et former gley, de couleur bleu-gris. 

Dans le sol, la respiration des plantes forme du dioxyde de carbone : moins un sol est aéré, plus il aura de dioxyde de carbone et moins il aura d'oxygène.

Quelques points plus pratiques. L'auteur recommande de ne jamais remettre un légume au même endroit avant 4 ans, et de ne jamais faire des planches occupées par un seul légume. Sur l'utilisation des céréales comme engrais verts : elles ont des besoins nutritifs plus faibles que les légumes, leur décomposition en masse a un effet allélopathique négatif sur les adventices, leur système racinaire fasciculé structure et aère le sol, elles injectent beaucoup d'exsudats racinaires dans le sol.

Un mot sur les amendements calcaires (carbonate de calcium) qui servent à faire remonter le pH d'un sol acide : le carbonate de calcium se dissout dans le sol pour libérer l'ion calcium qui pourra aller se loger dans le complexe argilo-humique ou enrichir la solution du sol, causant un déplacement et un lessivage des ions hydrogène qui, en monopolisant les pôles négatifs du complexe argilo-humique, causent l'acidification du sol.