vendredi 30 septembre 2022

Black Wings of Cthulhu - S.T. Joshi

Black Wings of Cthulhu I - S.T. Joshi

Originellement publiée en 2010, cette anthologie de lovecrafteries a plutôt bonne réputation. L'anthologiste, S.T. Joshi, m'est connu par sa grosse biographie sur Lovecraft. Le titre initial était simplement Black Wings... mais un éditeur pragmatique a rajouté une petite suite. Pour le coup, ça ne me semble pas trop inadapté : il y a ici un parti pris de distance, les auteurs essaient de naviguer dans l'ombre de Cthulhu sans pour autant faire du Cthulhu, dans l'ombre de Lovecraft sans pour autant le pasticher bassement.

(Aussi, j'ai décidé de noter chaque nouvelle : le niveau est tellement éparse que ça permet en un coup d’œil de relever celles qui sont intéressantes.)

Pickman's Other Model - Caitlin R. Kiernan (3/5)

Et pourtant, on est déjà en plein pastiche. Variation sur Pickman's Model de Lovecraft, on retrouve les ingrédients familiers : narration éclatée, figurine d'entité inconnue, goules nécrophages, corruption du sang familial... Heureusement, c'est plutôt un bon pastiche qui se lit avec plaisir, tout ça est agréablement cuisiné et écrit avec compétence, dommage que le final fasse un peu plop, faute de vraie chute ou révélation.

Desert Dream - Donald R. Burleson (1/5)

Le narrateur a un rêve récurrent, il se rend au lieu de son rêve dans la réalité et paf, ce lieu existe. Une nouvelle franchement mauvaise, il n'y passe rien et il n'y a pas la moindre chute. J'ai écrit il y a quelques années une nouvelle sur le même sujet qui a au moins, en comparaison, le mérite de ne pas trainer en longueur.

Engravings - Joseph S. Pulver, Sr (pas fini/5)

Pas pu dépasser la première page à cause de l'écriture façon très mauvais polar de gare.

Copping Squid - Michael Shea  (4/5)

Une écriture intéressante pour changer : un peu argotique, mais surtout hautement imagée et colorée. Toutes sortes de métaphores un peu over the top mais prenantes, ça va avec l'ambiance de plongée dans la folie au cœur des mauvais quartiers. La rencontre entre le narrateur et l'inévitable entité lovecraftienne "divine" est inévitablement un peu artificielle, mais pas pour autant triviale, on garde ce caractère de distance infranchissable entre l'humain et ce qui le dépasse. Je suis un peu sceptique sur la description des entités lovecraftiennes comme des prédateurs de planètes, ça, c'est pour le coup assez trivialisant car aisément compréhensible. Néanmoins une nouvelle accrocheuse et à la plume inhabituelle, je pourrais bien aller voir ce que l'auteur a fait d'autre.

Passings Spirits - Sam Gafford (5/5)

Pas vraiment de fantastique ou de science-fictif ici. Le narrateur est un type à peu près normal, anonyme, qui est sur le point de mourir d'un cancer. Avec l'aide de sa tumeur, qui fait pression sur certaines parties de son cerveau, il vit dans un rêve éveillé, en compagnie du fantôme de Lovecraft, au milieu de visions de son œuvre et de celle de ses pairs (Hodgson, Howard, Poe...). La réalité s’effiloche rapidement, et de toutes façon il ne s'y trouvait pas grand-chose pour y retenir notre narrateur. Finalement, il est surtout question de la si puissante fascination qu’exerce Lovecraft, l'homme et son œuvre, sur une petite partie de la population. A mon sens, c'est l'improbable mélange du matérialisme, du nihilisme, avec un univers riche, vivant et chatoyant, qui malgré tout déborde de vie et de mystère. S'y trouvent conjugués une totale honnêteté par rapport à la nature de la réalité et l'amour de l'existence, de la curiosité, de l'étincelle qu'est l'esprit. Cette nouvelle déborde de références qui plairont aux connaisseurs, mais on est loin du bête fan service : le ton est triste, mélancolique, ça parvient à être touchant, et nul doute que ça parlera à certains lecteurs. Très bon texte.

The Broadsword - Laird Barron (pas fini/5)

Laird Barron est un auteur américain relativement reconnu dont j'avais déjà essayé de lire un ou deux recueils de nouvelles, mais sans succès, j'ai trouvé ça très chiant. Même chose ici : c'est flou, éparpillé, bien trop long pour ce que ça raconte et franchement soporifique, j'ai lu la première moitié en diagonale et laissé tomber au milieu.

Usurped - William Browning Spencer (3/5)

Une nouvelle intrigante et plaisante à lire. Suite à un accident dans le désert, accident causé par une nuée d'insecte qui était peut-être une hallucination, le narrateur voir sa relation fusionnelle chamboulée. Il se trame quelque chose de louche dans ce désert, et on est curieux de découvrir quoi. Dommage que la fin tombe à plat en nous sortant d'absolument nulle part une monstrueuse divinité qui bouffe notre narrateur.

Denker’s Book - David J. Schow (1/5)

Un scientifique imprudent a causé l’apocalypse en utilisant un livre magique. Pompeusement écrit, flou, quasiment sans trame et certainement sans fin percutante. Très mauvais.

Inhabitants of Wraithwood - W.H. Pugmire (pas fini/5)

Un délinquant en fuite trouve refuge dans une étrange demeure peuplée d'étranges personnages, sur fond de goût pour la peinture. On a l'air d'être encore une suite à la nouvelle de Lovecraft Pickman's Model. Ce n'est pas mal écrit, mais ça tire terriblement en longueur sans sembler mener nulle part.

The Dome - Mollie L. Burleson (1/5)

Encore une fois, du très mauvais. Une vague histoire de sombre rituel dans une ville paumée du désert. L'écriture est bizarrement simpliste, le fantastique sort de nulle part, sans le moindre approfondissement ni la moindre tension narrative.

Rotterdam - Nicholas Royle (1/5)

Un écrivain se ballade à Rotterdam en cherchant des lieux où filmer une adaptation cinéma de The Hound de Lovecraft. Il se ballade donc, il se ballade encore, il rencontre un autre type, et c'est soporifique. Puis, paf, après une cuite l'autre type se retrouve mort dans la chambre d’hôtel de l'écrivain, ce dernier le découpe en morceaux, se débarrasse des morceaux, et voilà, fin. Sérieusement ? Mais qu'est-ce que c'est que cette structure narrative ? On dirait deux bouts d'histoire sans rapport collés ensemble, chacun privé de leur développement, leur tension et leur final.

Tempting Providence - Jonathan Thomas (pas fini/5)

Un photographe revient à Providence pour une expo. Il se ballade interminablement dans l'université et dans la ville, et le fantôme de Lovecraft montre parfois le bout de son nez. J'ai dû lire la moitié, c'est long, très long, il ne passe rien, il n'y a pas la moindre tension narrative. Tout est terriblement trivial, l'essentiel du texte n'a pas de raison d'exister. Le fantôme de Lovecraft est loin d'être aussi bien honoré que dans Passings Spirits.

Howling in the Dark - Darrell Schweitzer (2/5)

Celle-là, je n'ai pas compris. Le narrateur, enfant traumatisé puis plus tard adulte déshumanisé, subit le contact de je ne sais quelle sombre entité. La narration est éclatée, floue, et il n'y a pas de résolution. Je ne crois qu'il y ait grand-chose à trouver sous ce flou bien pratique, mais au moins ça éveille un peu la curiosité, et je suis prêt à accorder le bénéfice du doute.

The Truth about Pickman - Brian Stableford (4/5)

Encore une suite à Pickman's Model de Lovecraft. Au moins, dès la première page, on est heureux de voir le niveau remonter. C'est essentiellement un huis-clos, une discussion entre deux hommes, chacun descendant d'un personnage de la nouvelle de Lovecraft. L'auteur parvient à maintenir une vraie tension avec très peu de moyens, tout en liant l'horreur lovecraftienne avec la biologie moderne ; c'est très agréable à lire. Cependant, même en connaissant la nouvelle originelle, il est difficile de bien comprendre les tenants et les aboutissants sans avoir exactement en tête le rôle des personnages dont les deux protagonistes sont ici les descendants : je suis tout à fait contre la paraphrase de l'auteur qu'on pastiche, mais tout de même, quelques lignes de rappel auraient été les bienvenues, histoire que le lecteur n'ait pas l'impression de passer à côté de la trame. Il est aussi question de génétique, et j'ai été un peu frustré par le manque de clarté sur ce plan de l'histoire ; mais comme les nouvelles précédentes ne nécessitaient pas, disons, un niveau de concentration très élevé, je veux bien croire que c'est que c'est de ma faute, il faudrait une relecture pour le confirmer ou accuser l'auteur. Quoi qu'il en soit, c'est pas mal du tout.

Tunnels - Philip Haldeman (3/5)

De l'extrêmement classique — révélation progressive que l'humanité partage la terre avec d'horribles créatures — rendu agréable par une exécution de qualité. Le narrateur, un enfant, réalise petit à petit que les adultes qui l'entourent lui cachent quelque-chose. Et si ses rêves, où de gros vers blancs le pourchassent, n'étaient pas que des rêves ? Il y a du suspense, ça se dévore très bien, mais au fond, c'est du déjà lu.

The Correspondence of Camermon Thaddeus Nash - Ramsay Campbell (4/5)

Ramsay Campbell est un familier du pastiche lovecraftien, et j'avais notamment eut l'occasion de lire de sa plume The last revelation of Gla'aki. Ici, il s'agit de lettres fictionnelles envoyées à Lovecraft par un fan. C'est bourré de références à Lovecraft et à son œuvre, références traitées d'une façon suffisamment originales pour que l'amateur apprécie. Le fan se transforme peu à peu en narcissique délirant, qui tout d'abord essaie d'utiliser Lovecraft pour placer ses propres nouvelles, qu'il juge supérieures, avant de tout simplement se tomber dans les plus basses médisances et insultes, tout en contant ses propres plongées dans l'onirique horrifique. C'est tout à fait distrayant, souvent rigolo, et pas forcément superficiel : ce fan est presque une hypothétique version d'un Lovecraft qui se serait replié sur lui-même au lieu de rester hautement sociable et généreux à sa façon. Dommage que le final fantastique fasse un peu forcé.

Violence, Child of Trust - Michael Cisco (1/5)

Une glauque histoire de famille dégénérée qui sacrifie des femmes à je ne sais quelle entité. Inutilement alambiqué, à peine compréhensible et très pénible.

Lesser Demons - Norman Partridge (5/5)

J'ai été très sceptique pendant les premières pages : il s'agit de dézinguer du zombi démoniaque au fusil à pompe avec une écriture bizarrement détachée, bof bof. Mais ensuite, j'ai rapidement accroché. L'écriture détachée fait sens : c'est presque une nouvelle sur le détachement. Le narrateur survit dans cette apocalypse parce qu'il est froid, pragmatique, distant. A l'inverse, son compagnon se plonge dans les livres pour essayer de comprendre, et au final cette vaine tentative de compréhension le dévore et le consume. Loin du protagoniste lovecraftien classique, le narrateur parcourt cette réalité corrompue comme si c'était juste un mauvais moment un passer, qui nécessite qu'on ajuste ses habitudes et son compas moral. Au final, c'est à fond dans le thème : le réel est insoutenable, la compréhension impossible, et l'homme pragmatique triomphe. La "normalité" reviendra, et de toute façon, existe-t-il autre chose ? Une étonnante réussite.

An Eldritch Matter - Adam Niswander (3/5)

Une transformation style Métamorphose de Kafka, sauf qu'il ne s'agit pas d'un insecte, mais d'un machin plus lovecraftien. C'est franchement marrant, notamment grâce aux réactions stupéfaites des témoins, mais très léger.

Substitution - de Michael Marshall Smith (4/5)

Ah, là, on est presque dans de la bonne littérature "classique". Le narrateur, un père de famille qui mène une vie tout à fait carrée dans un quartier résidentiel de classe moyenne, est perturbé quand il y a une erreur dans la livraison des courses commandées sur internet. Il ne se passe tellement rien dans sa vie que cet événement attise sa curiosité, voire son excitation : quelle mère de famille (c'est forcément une femme) a bien pu commander ces beaux steaks, alors que sa femme à lui n'a d'yeux que pour les smoothies et la salade ? Le voilà qui se met à filer le livreur ! La satire sociale est à la fois drôle et percutante, la morbidité de la normalité moderne est joyeusement moquée, et en plus, il y a un vrai suspense. Dommage que, comme souvent, le final typé fantastique se mélange mal au reste.

Susie - Jason Van Hollander (1/5)

Juste très mauvais, mais qui sait, c'est peut-être de ma faute : je n'avais pas compris sur le coup que la Susie éponyme est la mère de Lovecraft. La pauvre.

Les avis de Nébal et

lundi 26 septembre 2022

L'horloger aveugle - Richard Dawkins

L'horloger aveugle - Richard Dawkins

Paru originellement en 1986, soit 10 ans après Le gène égoïste, L'horloger aveugle (The Blind Watchmaker en VO) n'a pas une thèse aussi précise. C'est plutôt une explication générale de l'évolution, du darwinisme, à travers la lentille suivante : comment l'évolution est la seule perspective qui permette d'expliquer l'incroyable complexité du vivant. A priori un sujet un peu vaste, déjà lu ailleurs plus d'une fois, mais il n’empêche de Dawkins multiplie les idées et les perspectives passionnantes. Il a un style, disons, hyper-rationnel, il peut être aisé de s'égarer dans ses longues argumentations détaillées, mais au moins les réflexions sont limpides, tant qu'on absorbe ses pages de développement. Le dernier tiers, où il s'attaque à diverses positions qui prétendent remettre en cause le darwinisme, est un peu superflu pour le lecteur convaincu, mais difficile de reprocher à Dawkins de ne rien vouloir laisser de côté. 

Dawkins commence en prenant le temps d'insister sur la complexité du vivant : l’œil notamment, mais aussi le système "radar" des chauve-souris. Par exemple, ces bestioles ont besoin d'une ouïe acérée pour capter les détails des ultrasons qui leur reviennent, mais dans ce cas, comment leurs organes auditifs ne sont-ils pas endommagés par les impulsions qu'elles envoient elles-même ? Cet exact problème s'est posé aux ingénieurs qui développaient le radar. La solution est à la fois simple et incroyable quand elle est appliquée au vivant : utiliser un circuit qui désactive l'organe receveur quand l'organe émetteur s'active. C'est exactement ce système qu'a favorisé l'évolution chez les chauve-souris. De même, pour ne pas confondre les impulsions entre elles, certaines espèces utilisent des fréquences modulées, par exemple un octave de moins entre chaque impulsions, avant de remonter en fréquence. D'autres encore utilisent l'effet Doppler et interprètent les décalage de fréquence d'une onde pour percevoir leur propre vitesse par rapport à d'autres objets. Pour une chauve-souris, toutes ces informations se confondent en une représentation du monde en trois dimensions : cette représentation mentale peut donc venir de la vue, de l’ouïe, de l'odorat... pour une créature qui perçoit surtout grâce à son ouïe, ce qui correspond mentalement à une couleur peut être en "réalité" une texture.

Pour expliquer ces incroyables complexités, la mutation avec sélection. La plupart des mutations sont des désavantages. Celles qui sont des avantages ont plus de chance d'être transmises. (D'ailleurs, c'est la définition même d'avantage dans ce contexte : un trait est avantageux quand il facilite sa propre transmission.) C'est la sélection en une étape. Maintenant, ce procédé se répète à travers le temps, c'est la sélection cumulative, l'évolution. Plus petit est le saut dans l'espace génétique (la mutation), plus il est probable qu'il soit neutre voire avantageux. Les gros sauts ont plus de chances d'être désavantageux car ils ont plus de chance de perturber l'équilibre précédent.

L'évolution se fait donc par micro-sauts. Chaque mutation est sélectionnée quand elle offre un avantage. Par exemple, l’œil : l’œil ne peut pas se créer à partir de rien, mais toute mutation qui offre a son porteur la capacité de capter 1% plus de lumière augmente de 1% (sans doute moins en comptant les autres sens) la capacité du porteur à évoluer dans son environnement : c'est suffisant pour, statistiquement, augmenter ses chances de survie et donc de transmettre ce trait. Au bout de quelques dizaines de millions d'années, par ces micro-sauts, on passe de quelques cellules capables de faire la différence entre jour et nuit à un œil "moderne", parce que chaque état intermédiaire était un avantage en soi

Cette logique s'applique pour tous les organes : 10% d'un poumon, d'un cerveau, d'un foie, d'une main, etc., offre des avantages que n'offre pas 9% du même organe. Cette logique est la seule qui permette de concevoir le passage de la simplicité à la complexité.

Ce qui définie une espèce, c'est que tous leur membres ont, à quelques détails près, le même système d'adresse pour leur ADN. Tous ont le même nombre de chromosomes et chaque endroit le long de chaque chromosome à la même "adresse" que chez les autres membres de l'espèce. Chaque cellule peut être vue comme une gigantesque usine chimique. Chacune, via l'ADN, pourrait contenir en données l'équivalent du Nouveau Testament. L'usine est constituée de nombreuses machines : de molécules de protéines assemblée sous l'influence d'un morceau précis d'ADN. Ces enzymes sont des "machines" au sens qu'elles permettent chacune une particulière réaction chimique. Chacune est faite d'environ 6000 atomes et récupère d'autres éléments qui flottent dans la cellule pour ses réactions. Il y a environ un million de ces enzymes par cellules, et il y en a plus 2000 types. Ces enzymes déterminent la forme et la fonction de chaque cellule. Les cellules sont différences car elles lisent des partie différentes de l'ADN, et cette lecture est déterminée par des substances chimiques initialement présentes dans la cellule, substances déterminées par les cellules alentour. Au cours d'une division cellulaire, des substances chimiques différentes peuvent se rassembler de chaque côté de la cellule, et ainsi donner deux "enfants" différents.

Dawkins, dans Le gène égoïste, présentait l'ADN comme quasi immortelle. Par exemple, le gène qui détermine la protéine histone H4 a été répliqué probablement sur 20 milliards de générations entre l’ancêtre commun des pois et des vaches jusqu'aux vaches modernes. Ce taux de succès dans la copie est colossal. Il est causé par la sélection naturelle : les organismes ayant des copies foireuses du gène causant cette protéine vitale n'ont pas survécu, et donc n'ont pas pu transmettre leur gène mutant. Il y a peut-être eu de nombreuses erreur de copies, mais aucune n'a été sélectionnée. A titre de comparaison, le taux de mutation naturel est estimé à un peu plus de un sur un milliard. Ainsi, on peut concevoir que la sélection naturelle est plus occupée à empêcher le changement qu'à le favoriser.

L'essence de la vie est une propriété : la capacité de réplication. C'est la propriété essentielle à la sélection cumulative. Sur terre, cette propriété est celle de l'ADN. Un autre type de réplicateur, plus simple, a pu précéder l'ADN. En plus de la réplication, il y a deux autres ingrédients : des erreurs ou changements occasionnels dans l'auto-réplication, et la capacité pour au moins certains de ces réplicateurs d'avoir du pouvoir sur leur propre futur. En somme, un réplicateur doit avoir une influence sur sa probabilité d'être répliqué.

D'ailleurs, j'ai enfin clairement compris ce qu'était l'ARN : des copies de travail de l'ADN qui se baladent dans les cellules et transmettent les "plans" de l'ADN aux machines de la cellule. Page 193, Dawkins décrit comment des changements chimiques cellulaire altèrent le cerveau et donc le comportement d'un organisme.

Les atomes de carbone ont la capacité de facilement s'assembler pour former des molécules plus complexes, mais on peut imaginer des réplicateurs non organiques (silice). Dawkins emprunte à un autre auteur (Cainrs-Smith) cette hypothèse et la développe de façon étonnante, imaginant page 218 et suivantes une "boue" cristalline aux capacités auto-réplicantes, et dont les réplicateurs auraient un pouvoir sur leur probabilité de réplication. Par exemple, une boue pourrait avoir la capacité d’assécher des points d'eau, puis, une fois sèche, pourrait être transmise par le vent sous forme de poussière et concurrencer d'autres boues dans d'autres points d'eau... Ces réplicateurs originels auraient pu évoluer une autre substance auto-répliquante qui les auraient supplanté et serait devenue l'ADN.

Pour un gène, la partie de son environnement la plus importante est constituée des autres gènes qu'il "rencontre" dans les cellules des organismes successifs qu'il habite. Un gène à "succès" sera un gène qui se débrouille bien, qui collabore bien, avec les autres gènes qu'il est susceptible de rencontrer dans ces organismes successifs. Donc les gènes n'évoluent pas tant en relation avec l'environnement humain (forêts, plaines, etc.) mais en relation avec leur propre environnement génétique. Une fois qu'un groupe de gènes domine, il a un avantage certain de part sa capacité à travailler en groupe. Un autre groupe pourrait même faire le travail mieux du point de vue de l'organisme, mais il part avec un désavantage par rapport à une équipe déjà présente. Il y a donc une inertie qui favorise les gènes déjà établis.

Un point concernant la sélection sexuelle : les gènes pour les préférences des femelles ne s'expriment que dans le comportement des femelles, mais ils sont aussi présents dans les corps des mâles. De la même façon, les gènes pour les traits masculins que préfèrent les femelles sont présents dans les corps des femelles. Si je suis un mâle avec un trait aimé des femelles (longues plumes), mon père partageait sans doute ce trait, et ma mère préférait sans doute ce trait, donc j'ai aussi probablement hérité des gènes qui poussent les femelles à préférer ce trait. Même raisonnement pour les plumes courtes. Donc, chaque individu contient probablement à la fois les gènes pour un certain trait et les gènes qui poussent à la préférence de ce trait chez le sexe opposé. Les traits préférés par le sexe opposé doivent en même temps faire un compromis avec l'environnement : si les femelles préfèrent des plumes de 60cm mais que les plumes idéales dans tel environnement sont de 20cm, la pression évolutionnaire pourra favoriser un équilibre de 40cm.

dimanche 11 septembre 2022

Les ombres d'Azouville - Scénario pour L'Appel de Cthulhu

Suite à un récent regain d'intérêt pour le jeu de rôle L'Appel de Cthulhu, j'ai déterré de mes cartons virtuels ce petit scénario que j'avais écrit, je crois, en 2017. Il m'a semblé pertinent de lui accorder une petite relecture et de le poster ici plutôt que de le laisser croupir tristement. Il s'agit d'un scénario pour l'époque années 20, qui se déroule dans un village de Normandie, village plus qu'inspiré par celui où ma famille possédait une maison dans laquelle, enfant, j'ai passé bien des étés. C'est un petit scénario sans prétention qui peut aisément être étoffé par un MJ (« Gardien » dans Cthulhu) plus ambitieux. Le scénario de jeu de rôle est un procédé de narration et d'écriture particulier, très intéressant à explorer.

Lien vers le PDF du scénario.