samedi 1 février 2025

The resilient farm and homestead (revised edition) - Ben Falk

Un livre que j'ai déjà lu, en version numérique, dans son édition précédente, dans lequel Ben Falk évoquait ses 10 années d'expérience de gestion d'un lieu de vie rural. Aujourd'hui, réédition fortement révisée, expurgée et développée, après 10 ans d'expériences supplémentaires. Cette fois, je me le suis procuré en version physique. Et pour moi, c'est bientôt 3 ans passés à vivre dans un cadre qui ne mérite sûrement pas les qualificatifs de farm ou même homestead, mais qui s'en rapproche.

Rappelons que c'est un bouquin long, dense, inégal, qui évoque autant une philosophie de vie que les moyens pratiques de pratiquer cette vie. L'auteur est parfois bavard, ou un peu trop flou, mais il n'empêche que qui est intéressé par ces sujets (moi par exemple) ne peut manquer d'en retirer de la substance. Mentionnons que l'auteur gagne sa vie entant que consultant en design de homestead, et que, avec sa compagne et leur fils, il produisent eux-mêmes 75% de leur nourriture. J'aurais aimé un peu plus de recul sur l'idée de résilience et la dépendance à technique : l'auteur prépare tout à fait sagement le déclin de la ressource pétrolière, par exemple, mais imagine-t-il la vie sur sa ferme sans voiture, tracteur, tronçonneuse ? A quel point serait-ce tenable ? C'est peut-être un peu hors-sujet, car prospectif, mais quitte à parler de résilience, autant aller jusqu'au bout.

Un mot sur la fameuse (ou malfamée) permaculture, terme qui est encore cher à Ben Falk : « Permaculture can be thought of as applied disturbance ecology. » Dans le sens où l'idéal du naturel n'est qu'un idéal, et que humain n'est qu'un organisme parmi tant d'autres occupé à façonner l'environnement à son avantage. L'objectif ici étant de façonner de façon durable, soutenable, plutôt que destructive et insoutenable.

Un mot sur l'idée de complexité biologique alliée à une simplicité technologique : « Resilience is greatest when living aspects of a system are complex, diverse, and connected, while the nonliving aspect of the system are simple. This is rooted in the fact that technical systems are constantly prone to entropy and are always moving towards failure, whereas living systems actually ted to build higher levels of order in time. »

Sur la gestion des herbages, et leur caractère précieux. Je retrouve des éléments que j'évoquais récemment : « You only build soil as deeply as you can get plant roots to penetrate, so the taller you let your yard or pasture grow before it's cut or grazed, the more soil you're making. » Ben Falk évoque à cette occasion les difficultés rencontrées pour créer des pâturages de qualité à partir de friches. Finalement, une solution miracle et intemporelle : le brulis, suivi d'une intervention plus moderne : le semis des espèces à fourrage désirées. D'ailleurs, à propos des semis d'engrais verts, je retiens l'idée suivante : faire des semis légers mais fréquents au lieu d'un unique semis, plus sensible aux aléas.

Toute la partie sur les swales, ou baissières en français, me laisse encore sceptique. C'est sûrement une question d'adaptation aux conditions locales. Le but est de récolter et de retenir l'eau sur le site, mais pour moi, sur mon terrain au sol pour l'essentiel lourd, argileux et hydromorphe, le défi serait plutôt d'évacuer l'eau pendant les trois quarts de l'année et de la retenir pendant seulement un quart de l'année. Pourtant, Ben Falk semble évoquer des conditions de sol proches des miennes. Ce qui ne fait en revanche guère de doute : dans ces contions de sol lourd, planter les arbres sur des buttes (buttes crées justement avec la terre sorties pour faire les baissières et placée immédiatement parallèles à elles) est pertinent afin de limiter l'asphyxie racine tout en créant une zone plus successible de garder l'humidité pour les racines (la baissière, ou fossé, justement). Donc les swales seraient-elles essentiellement utiles dans un objectif autant de plantation d'arbres (fruitiers et autres) autant que de gestion de l'eau ? C'est ce que je crois comprendre.

Ben Falk consacre quelques pages tout à fait pertinentes à l'obsession de la propreté et la perte de temps et de ressources qu'elle représente, surtout dans un contexte de travail de la terre quotidien. Fun fact : je ne me lave pas les cheveux, jamais, vraiment, et tout va bien, ils ont l'air parfaitement normaux et passent tous les examens des curieux qui viennent les regarder de près.

Selon l'auteur, un rapport sensé et soutenable avec l'environnement n'est possible que dans un cadre de « responsabilité directe » où chacun a directement à subir les conséquences de ses actions. C'est limpide : si survie et bien-être dépendent directement des actes accomplis au quotidien dans l'environnement, alors non seulement il serait insensé d'avoir un rapport destructeur avec cet environnement, mais en un sens, et c'est moi qui l'ajoute, ce serait impossible. Enfin, dans l'idéal : l'Histoire ne manque pas d'exemples de civilisations plus ou moins grandes épuisant les ressources qui leur permettent d'exister. Néanmoins, sont désirable connexion intime et long-termiste avec un lieu.

La partie consacrée à l'élevage et l'éducation d'enfants dans ce contexte de homestead est également hautement pertinente. Ne pas supposer qu'un enfant ne peut pas faire telle ou telle chose, mais l'accompagner dans ses envies naturelles, vers l'expérimentation et donc, nécessairement, l'échec. Accepter une part de risque, car ce n'est qu'en sortant de sa zone de confort qu'on apprend, tout en offrant support permanent. Savoir renoncer à une part de contrôle. Montrer plutôt que simplement expliquer. J'apprécie la longue liste fournie de savoirs concrets, du genre qu'on apprend pas à l'école et que je suis encore très loin de maitriser, alors qu'un enfant élevé dans un contexte comme celui de Ben Falk pourrait les maitriser avant l'adolescence.

Je vais terminer sur la longue liste d'éléments que Ben Falk évoque afin de maintenir et promouvoir la santé. Encore une fois, c'est pertinent. Sans détailler ses arguments, je vais voir comment je m'en sort.

  • Temps libre et spontanéité. Oui, c'est pour moi une priorité depuis longtemps, et j'y suis plutôt parvenu. Globalement, je fais ce que veux. Du moins, je jouis d'un niveau de liberté que suppose supérieur à celui de la grande majorité de la population.
  • Mouvement. Oui, je suis très actif physiquement. Je travaille beaucoup en extérieur, avec des plantes, avec mes muscles et mon agilité autant (ou presque) qu'avec mon esprit et mon raisonnement. C'est bien.
  • Hygiène du sommeil. Je m'en sors bien. Je m'endors très facilement, je fais régulièrement des nuits complètes, même si je souffre parfois d'insomnies. J'écris par exemple ce compte-rendu après une nuit de 3 heures. C'est un problème sur lequel je travaille activement ces temps-ci.
  • Temps en extérieur. Oui, beaucoup. 
  • Manger modérément / jeûner. J'ai commencé à m'intéresser à la nutrition il y a peut-être 10 ans et j'ai beaucoup travaillé à améliorer mon hygiène alimentaire et à dépasser mes addictions. Je reconnais les vertus du jeune intermittent, ou occasionnel, mais au contraire j'ai tendance à manger un peu trop et selon un rythme qui ne me convient pas toujours. La raison est sociale : on vit à quatre. Je vais travailler à me réapproprier mes rythmes alimentaires, qui incluent aisément le jeune intermittent.
  • Amour, connexion, beauté. Oui. Le social, c'est peut-être le plus important, difficile et délicat de tous ces éléments !
  • Exposition au soleil. Oui, et je reconnais son importance. Travailler plus souvent dehors en sous-vêtement, peut-être ?
  • Calme, réflexion, gratitude. Oui. Je m'en sort bien sur ce plan-là, d'une façon assez innée.
  • Créativité et travail manuel. Oui. Le projet de pépinière fruitière est justement une façon de marier ces deux éléments.
  • Temps personnel. Oui, même en vivant à quatre. J'ai tendance à en vouloir encore plus, mais je connais mes prédispositions et je préfère lutter un peu contre celles-ci.
  • Partage et entraide. Oui, à mon sens. Je suppose que certains pourraient me qualifier d'égoiste, mais mon approche du partage est peut-être la suivante : un regroupement d'égoistes épanouis dont les aspirations convergent et s'entremêlent.
  • Non addiction aux médias. Voilà bien un point auquel je ne peux répondre oui. Je suis accro à la stimulation, et bien que je passe l'essentiel de mon temps dehors, je suis surconnecté. Il y a des inconvénients, mais aussi des avantages.
  • Détox tous les jours. A partir de ce point, et pour les suivants que je ne vais pas évoquer, Ben Falk parle de notions de santé plus générales et envers lesquelles j'émets parfois des doutes (par exemple cette idée de détox utilisée à tort et à travers). Ceci dit, l'essentiel est juste : esquiver autant que formes les diverses formes de pollution inventées par la modernité (sans renier les miracles techniques et médicaux de cette même modernité) tout en privilégiant le contact permanent avec la nature et le naturel, pour des raisons de santé autant physiques que mentale.

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