- Phèdre
Quelle vivacité ! Phèdre est amoureuse d'Hippolyte, fils d'un mariage précédent de son mari Thésée. Évidemment, tout le monde va mourir et beaucoup souffrir. La trame est fort simple, mais fluide et limpide. Catharsis du lecteur face à l'hubris des personnages, forcément. Ce qui fait que c'est excellent, c'est l'écriture de Sénèque. Il y a de nombreux passages que j'ai voulu déclamer à haute voix, des passages tragiques, ou d'autres plus, disons, philosophiques. Ce sont des idées simples, sur l'injustice de l'existence, l'absurdité de toutes choses, le réconfort que procure la nature, etc., mais évoquées avec une élégance et une puissance intemporelles. Je pense notamment à cette longue tirade d'Hippolyte sur la nécessité de fuir les villes et les puissants :
Là-bas dans les montagnes vivent les Purs
Libres de la rage de posséder
Libres de la rage de gouverner
Les peuples versatiles et les foules infidèles
Insensibles à la jalousie mortelle
Aux succès éphémères
Ils n'obéissent ni aux caprices du tyran
Ni à la tyrannie de leurs ambitions
Ils regardent indifférents
Les drames du pouvoir et la puissance qui passe de mains en mains
Je ne cite que le début, ce sont de belles pages, où on retrouve d'ailleurs le mythe d'une humanité déchue, qui aurait quitté un état primitif mais qualitativement supérieur. Et Phèdre, femme tragique dans la lignée de Médée, n'est pas sans sa flamme étincelante, une puissante énergie vitale, une énergie qui inévitablement la condamne :
Fini la tapisserie !
Les fils s'échappent de mes mains.
J'ai perdu le goût de la religion.
Assez de prières, d'offrandes, de processions !
Je n'irai plus avec les matrones vénérer la déesse du pays
je n'agiterai plus les torches des mystères
Pitié, pureté, chasteté, assez !
Pour conclure, je cite le chœur :
Le désordre et le hasard ordonnent aux affaires humaines
Ils ont lancé en aveugle les maux et les biens
- Thyeste
La pire des vengeances, le pire des crimes : faire manger ses fils à un père. J'ai quelques doutes sur l'intérêt du début avec le fantôme de Tantale, mais encore une fois, cette histoire classique est sublimée par l'écriture de Sénèque. Il y a quelques pointes philosophiques, je pense notamment au second chœur :
La mort n'est pénible
Que pour un homme illustre
Tous les gens le connaissent
Mais lui, le jour de sa mort
Ne se connait pas lui-même
On retrouve aussi l'image récurrente de la roue de Fortune, qui rappelle aux hommes que leur sort est le fruit du chaos. Quant à l'horreur du crime décrit, Sénèque s'attarde plaisamment sur les descriptions. Je retiens l'image du feu qui se détourne du crime qu'Atrée lui fait commettre :
Le feu tente d'éviter ces nourritures posées sur lui
Le feu sort hors du foyer
Deux fois, trois fois
Atrée le remet en place
Malgré lui il brule
Et les lamentations ultimes de Thyeste :
Toi, la Terre
Tu acceptes que depuis ton sol
On attente à l'ordre du monde
Toi la Terre
Tu ne t'es pas effondrée dans les profondeurs infernales du Styx
Pour nous y engloutir avec toi
A ce pays et à son prince
Tu n'ouvres pas une voie royale
Jusqu'au Néant abyssal
- Les Troyennes
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