Ces petits livres (Une année avec la terre, Redonner vie à la terre, Mon potager), publiés à partir de 2020 sont aussi mignons qu’instructifs. Samuel Lewis, jardinier autodidacte ayant beaucoup appris des anciens de sa région (la Bretagne), vit avec sa famille d’une façon quasi médiévale. On entend souvent le mot d’autonomie, la plupart du temps à tort selon moi, mais dans ce cas, je veux bien l’accorder à Samuel Lewis. De la production de nourriture à la construction de bâtiments en passant par la fabrication d’objets du quotidien et la simplicité des besoins, il se rapproche de cet idéal.
Quoi qu’on pense de l’idée d’autonomie, il est indéniable que toutes les idées et compétences que l’auteur parvient à transmettre sont captivantes et utiles. D’autant plus que la forme est remarquable : ces dessins simples mais expressifs, accompagnés parfois de quelques mots, sont plus denses, plaisants, expressifs et didactiques que bien des pavés de texte.
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Une année avec la terre
La première chose à noter concernant les quelques hectares de Samuel Lewis, c’est qu’ils sont divisés en micro bocages. Il a séparé les terres en petits champs, qui font entre 300m² et 1100m². Ces champs sont séparés par des buttes accompagnées de haies composées d’arbres utiles et fruitiers, qui servent aussi bien de source de nourriture que de bois d’œuvre et de chauffe. De plus, elles hébergent toute une biodiversité utile.
Il y a donc plus d’une vingtaine de ces petites parcelles. Une ou deux servent de potager, une ou deux servent à cultiver des céréales, etc, mais le plus frappant, c’est que la plupart des parcelles servent à produire du foin. Ce foin sert à pailler et amender les parcelles cultivées, qui ne représentent donc qu’une part minime de la surface totale. Dans cette répartition, la majorité des terres ont donc un rôle de soutien et de fournisseuses de biomasse pour une minorité productive. C’est ce choix qui permet d’atteindre l’autofertilité : le compost et le paillage sont produits sur place. Les prairies sont évidemment fauchées à la faux. A noter que même les parcelles qui produisent du blé sont paillées : évidemment, le modèle n’est pas transposable à plus grande échelle.
Samuel Lewis montre aussi comment construire un abri avec charpente faite maison et toit en chaume, un tour à bois, un panier en osier, comment faire son pain, ses cornichons, sa choucroute, etc. J’ai été frappé par sa pile de fagots, trois fois plus haute que lui. En effet, même s’il a une tronçonneuse, il est traditionnellement beaucoup plus aisé de récolter des petites branches en quantité (notamment en tenant les arbres en trogne) que des buches. Même chose pour les traditionnelles meules de foin.
Redonner vie à la terre
Comme il n’y a que peu de texte, ce n’est pas 100% clair, mais je crois que ce livre-là raconte comment un hectare autrefois cultivé en grande culture classique été racheté et transformé. La première étape a été de créer les talus et haies bocagères, pour limiter l’érosion éolienne comme hydrique et ramener de la biodiversité. Ils servent aussi de réservoir à biomasse pour le compost.
De plus, les talus servent à faire de légères terrasses sur la pente (la terre pour faire le talus est prise de façon à aplanir la parcelle sous le talus) et à jouer le rôle de baissières, ou swales : l’eau ne peut plus dévaler librement la pente et les racines des arbres qui poussent sur les talus l’aident à s’infiltrer. C’est selon moi une méthode à manier avec prudence : on ne sait pas quel est le sol de l’auteur, comment sont placés les talus par rapport aux courbes de niveau, etc. Je sais que chez moi, une telle pratique devrait laisser un passage permanent pour l’écoulement de l’eau afin que le terrain ne se transforme pas en marécage en hiver.
Les talus sont plantés en bonne partie avec des arbres champêtres locaux, simplement en récupérant les graines et jeunes pousses sauvages : chênes, châtaigniers, noisetiers, frênes… Bien sûr, comme les parcelles sont petites et les haies bocagères nombreuses, il faut entretenir ces arbres sur le long terme afin qu’ils n’ombragent pas trop les parcelles. La cépée et la trogne jouent ici un rôle capital. De plus, cet « entretien » est à usage multiple, puisqu’il fournit aussi bois de chauffe et d’œuvre, sans compter qu’un ensoleillement renouvelé favorise la fructification de ces mêmes arbres. Par exemple, Samuel Lewis recommande un cycle de 9 ans pour la cépée des noisetiers.
J’ai été étonné par sa façon d’entretenir les chênes en coupant toutes les branches, ne laissant que le tronc et une houppette. Pour le frêne et le châtaigner, c’est un cycle de 25 ans qui est recommandé, avec sélection des rejets de la cépée et ébranchage.
Est aussi décrit la construction d’une maison à partir d’une ruine trouvée sous les ronces, avec pierres du terrain, charpente maison (c’est le cas de le dire), fabrication du foyer de la cheminée, etc. Les ardoises et le bois plus fin viennent d’ailleurs.
On en apprend plus sur le paillage des champs : le paillage se fait en été, mais comme j’ai pu en faire l’expérience, pailler avec du foin c’est bien, mais plein de choses passent à travers. L’auteur effectue donc une intervention en hiver, où il dépaille, désherbe, et paille à nouveau par-dessus les adventices déracinées. Le dépaillage final se fait au printemps avant le passage à la houe. Du moins, c’est pour les cultures d’été.
Il raconte une année difficile, très pluvieuse, où il a néanmoins eu du succès avec le seigle. Enfin, on a des chiffres : 65kg de seigle sur 400m², soit 1085 kcal par jour et par an pour une personne. Disons 1000 kcal car il faut garder des semences pour l’année prochaine. Récolte remarquable ou ridicule ? C’est débattable. En tous cas, Samuel Lewis a l’air heureux.
Mon potager
Je serai plus bref sur ce livre-là, car il s’agit avant tout de conseils de culture au potager, qui sont aussi plaisants à parcourir qu’étonnamment denses, mais je vais pas les retranscrire ici. Notons que Samuel Lewis ne s’arrête pas à la production légumière, il s’intéresse aussi à la production de graines et à la conservation de la récolte.
Pour les fèves, que je sème en automne, il faut que je me souvienne la prochaine fois de refaire un semis au même endroit au printemps, pour voir si ça étend la période de récolte sans nuire à la production des plants plus avancés. Pour le maïs doux, ne pas avoir peur de planter les grains à 10cm de profondeur. Quant aux courges, les faire un peu sécher au soleil avant de les stocker.
J’ai apprécié les quelques pages qui évoquent les expérimentations plus ou moins ratées de Samuel et de son père en potager moderne, c’est-à-dire avec serre bâchée, pots en plastique, carrés de culture bien propres, etc. C’est un beau contraste avec le riche talus qui entoure leur potager d’aujourd’hui : chênes, noisetiers, pommiers, pruniers, groseilliers, cassis, aromatiques…
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