mardi 28 mai 2024

Boule de foudre - Liu Cixin

Boule de foudre - Liu Cixin

Un roman qui a été écrit avant la brillante trilogie du Problème à trois corps. J'avais aussi apprécié de Liu Cixin le recueil The Wandering Earth, et je crois que j'ai gobé les 500 pages de Boule de foudre en à peu près une journée. En effet, ça se lit très bien. C'est très exactement de la science-fiction : il y a un mystère scientifique (celui des boules de foudres — voir Tintin et les 7 boules de cristal) et toute la trame est une longue poursuite de la connaissance. Nos trois protagonistes, des scientifiques (dont une scientifico-militaire qui va utiliser les boules de foudre pour créer des armes), sont eux aussi lancés à cœur perdu dans cette quête, et leur enthousiasme, pour ne pas dire leur fanatisme, est contagieux. Ça m'a fait penser aux personnages d'Ayn Rand, à la moralité discutable mais habités par une intensité communicative.

Il s'avère que Liu Cixin s'amuse à ramener la physique quantique dans le monde macroscopique, et comme par exemple dans Isolation de Greg Egan, il faut pousser assez loin la suspension d'incrédulité, mais ça fonctionne malgré tout. Il y a aussi cette idée ancienne des atomes comme des mini univers, et notre univers comme un atome d'un univers plus vaste, etc., mais Liu Cixin ne s'engage pas dans cette direction. Il se concentre plutôt vers les applications belliqueuses de la science explorée, et quoi de mieux qu'une troisième guerre mondiale entre la Chine et les US pour tester des armes bizarres ? J'ai particulièrement apprécié la fin de cet arc, où, même si les chinois font une grosse erreur et grillent toutes les puces électroniques d'un tiers de leur territoire, les US sont terrifiés et capitulent, car ce seraient les nations les plus développées, et les plus dépendantes de la technologie, qui auraient le plus à perdre d'un retour global à l'age de pierre dans le cas où cette arme serait à nouveau déployée.

En revanche, je regrette que la fin tourne un peu au mélodrame. C'est ce qui fait que je n'aime pas du tout des films de SF comme Interstellar ou Arrival : développer de gros concepts à priori sidérants, et finalement les relier bassement à du mélodrame personnel. Heureusement, Liu Cixin ne tombe pas totalement dans ce piège, mais il y a toute une partie du récit qui traite de le vie / non vie de certains humains dans un état quantique, partie du récit qui développe une chouette idée mais ne parvient pas à la développer d'une façon qui dépasse le gadget narratif, gadget utilisé un peu trop souvent et artificiellement pour essaimer du mystère. 

La quatrième de couverture mentionne un « page turner d'exception », et je trouve que c'est un terme très approprié : Boule de foudre est écrit avec la verve d'un bon thriller tout en étant aussi de la bonne SF. Peut-être pas aussi mémorable que ça aurait pu l'être, mais hautement lisible et stimulant.

vendredi 24 mai 2024

The Fungus - Harry Adam Knight

The Fungus - Harry Adam Knight

Écouté en version audiobook par ici. C'est tout bête : dans The Fungus (1985), des champignons dopés envahissent l'Angleterre — et ses habitants. Avec ce synopsis simpliste, les deux auteurs (réunis sous le pseudonyme Harry Adam Knight) signent un roman hautement divertissant et étonnamment brutal. Pour qui comme moi a un faible pour le genre, c'est un vrai petit classique du roman apocalyptique, à placer dans sa bibliothèque entre The Day of the Triffides et The Death of Grass, bien qu'il ait un aspect plus immature, ou grotesque, que ces deux-là.

Avant de rencontrer nos trois protagonistes, on passe un certain temps avec des personnages « chair à canon » pour explorer les débuts de l'épidémie et le sort de certains survivants. La patte des auteurs est frappante : c'est souvent extrêmement cru, violent, impitoyable. Les personnages sont pour la plupart des portraits acides, voire satiriques, d'êtres humains normaux et faillibles qui foncent droit vers leur perte. Par exemple, ces trois communistes réfugiés dans une grotte : les deux hommes votent de façon hautement démocratique pour mettre la femme en commun (deux voix contre une) jusqu'à ce que celle-ci en aie marre et se fasse anarchiste (ce qui choque profondément ses ex-camarades). Avec ces éclectiques et courts chapitres au ton vitriolé, ça rappelle une certaine vieille SF française à la Jacques Spitz.

Le roman devient un peu plus mou dans son ventre, quand est montée l'expédition complètement foireuse pour plonger au cœur de l'infection à la recherche d'une information cruciale : un ex-mycologue devenu écrivain de pulp, une doctoresse hautement suspecte et un militaire profondément déséquilibré (les gradés qui ont validé ce groupe devraient passer en court martiale). Et ça ne manque pas : ils baisent (avec de nombreux détails superflus), s'engueulent et s'entretuent. Sinon, la plongée dans le Londres champignonné est hautement visuelle, et réserve de bons moments, avec l'allié infecté, les cultistes fongiques et une apothéose marrante.

A propos du héros écrivain : Imagine spending your time publishning childish fantasies for emotionally retarded aldults when you could be doing something useful with your time. 

lundi 20 mai 2024

Biologie de Campbell #10 - La photosynthèse

La vie sur Terre existe grâce à l'énergie solaire. Dans les végétaux, des organites appelés chloroplastes contiennent des complexes moléculaires spécialisés qui captent l'énergie lumineuse et la convertissent en énergie chimique et l'emmagasinent dans des glucides et autres molécules organiques : ce processus de conversion est la photosynthèse.

Presque tous les végétaux sont autotrophes : ils sont autosuffisants pour leur carbone organique dans la mesure où ils ne doivent pas manger d'autres organismes ni leurs substances dérivées. Pour les organismes hétérotrophes (consommateurs ou décomposeurs), ce sont les autotrophes (producteurs) qui sont l'ultime source de nutrition... et d'oxygène. Les végétaux n'ont besoin en matière de nutriments que du CO₂ de l'air, d'eau et des minéraux du sol.

LA PHOTOSYNTHÈSE CONVERTIT L'ÉNERGIE LUMINEUSE EN ÉNERGIE CHIMIQUE

Selon la théorie de l'endosymbiose, le chloroplaste était à l'origine un procaryote photosynthétique qui vivait à l'intérieur d'une cellule eucaryote ancestrale.

Toutes les parties d'une plante contiennent des chloroplastes, mais chez la plupart des végétaux les feuilles sont le principal site de la photosynthèse. On compte environ un demi-million de chloroplastes par millimètre carré de feuille. Ils abondent dans le mésophylle, le tissu interne de la feuille. Des pores minuscules appelés stomates permettent au CO₂ d'entrer dans la feuille et à l'O₂ d'en sortir. 

Chaque chloroplaste est formé de deux membranes entourant un liquide très dense, le stroma, qui renferme des molécules d'ADN circulaire, des ribosomes et un système membraneux constitué de sacs aplatis communicants, les thylakoïdes, qui forment des empilements denses appelés grana (granum au singulier).

Les membranes des thylakoïdes des chloroplastes renferment la chlorophylle, ce pigment vert qui donne leur couleur aux feuilles : c'est l'énergie lumineuse absorbée par la chlorophylle qui alimente la synthèse des molécules organiques dans le chloroplaste.

La photosynthèse peut se résumer par l'équation suivante :

6 CO₂ + 12 H₂O + énergie lumineuse → C₆H₁₂O₆ + 6 O₂ + 6 H₂O

La formule C₆H₁₂O₆ est celle du glucose, mais en réalité, le résultat direct de la photosynthèse est un sucre à trois atomes de carbone qui peut être utilisé pour synthétiser du glucose. On trouve de l'eau de chaque côté de la relation car la photosynthèse consomme 12 molécules d'eau et en produit 6. On peut donc simplifier l'équation en nous tenant à la consommation nette d'eau :

6 CO₂ + 6 H₂O + énergie lumineuse → C₆H₁₂O₆ + 6 O₂ 

Le mécanisme de la photosynthèse a commencé à être compris quand les scientifiques ont découvert que l'O₂ libéré par les stomates des végétaux dérive de l'eau (H₂O) et non du CO₂ ; en effet, les chloroplastes scindent les molécules d'eau en hydrogène (protons H⁺) et en O₂. 

Comme la respiration cellulaire aérobie, la photosynthèse comporte des réactions d'oxydoréduction. 

Respiration cellulaire : l'énergie est libérée du glucose quand les transporteurs acheminent vers l'O₂ les électrons associés à l'hydrogène. Il y a libération d'eau comme sous-produit. Les électrons perdent de l'énergie potentielle à mesure que l'O₂ électronégatif les attire vers le bas de la chaine de transport et les mitochondries utilisent cette énergie pour synthétiser de l'ATP.

Photosynthèse : le flux des électrons est inverse, ils sont puisés dans l'eau et, à l'aide de la lumière, la photosynthèse leur redonne une grande énergie potentielle. La molécule d'eau se scinde et les électrons sont transférés, de même que les protons, de l'eau au CO₂, ce qui réduit ce dernier en glucide. Comme les électrons doivent gagner de l'énergie potentielle en passant de l'eau au glucide, ce processus est endergonique : il nécessite un apport d'énergie, qui vient de la lumière.

(Comme dans le chapitre précédent, on commence ici à faire face à des mécanismes chimiques complexes dont je ne vais noter que des versions hautement simplifiées. Il est aussi question dans le texte de la façon dont ces mécanismes ont été compris et mesurés.)

Les deux phases de la photosynthèse sont :

  • les réactions photochimiques (incluent les étapes de la photosynthèse qui conduisent à la conversion de l'énergie solaire en énergie chimique, ATP et NADPH, porteur d'électrons), qui se produisent dans les thylakoïdes des chloroplastes
  • et le cycle de Calvin dans le stroma (il commence par l'incorporation de CO₂ atmosphérique dans les molécules organiques présentes dans le chloroplaste ; c'est la fixation du carbone. Le carbone est ensuite réduit en glucides par l'ajout d'électrons grâce à l'ATP qui provient des réactions photochimiques, et du NADPH, qui a acquis des électrons hautement énergétiques également lors des réactions photochimiques.)

L'ÉNERGIE CHIMIQUE DE l'ATP ET DU NADPH PROVIENT DE L'ÉNERGIE SOLAIRE TRANSFORMÉE PAR LES RÉACTIONS PHOTOCHIMIQUES

La lumière contient une forme d'énergie appelée énergie électromagnétique, ou rayonnement électromagnétique. Cette énergie se propage en ondes rythmiques qui sont des perturbations des champs électriques et magnétiques. Elles se déplacent à 300 000 km/s.

La distance qui sépare les crêtes de ces ondes (la longueur d'onde) est variable : de bien moins de 1 nm (rayons gamma) à plus de 1 km (certaines ondes radio). C'est le spectre électromagnétique. La lumière visible, que l'œil humain perçoit, est comprise entre 380 et 750 nm. 

La lumière se comporte parfois comme une onde, parfois comme un flot de particules possédant de l'énergie : les photons. Ce ne sont pas des objets tangibles, mais ils agissent comme tel, car ils possèdent une quantité déterminée d'énergie. La quantité d'énergie est inversement proportionnelle à la longueur d'onde la lumière : par exemple, un photon de lumière violette renferme près de 2 fois plus d'énergie qu'un photon de lumière rouge.

Le Soleil émet le spectre complet de l'énergie électromagnétique mais l'atmosphère se comporte comme un filtre : elle laisse passer la lumière visible et bloque une fraction substantielle des autres rayons. La lumière visible correspond justement au rayonnement qui alimente la photosynthèse. Les longueurs d'ondes qui correspondent à la lumière visible sont celles essentielles pour les êtres vivants, car les ondes ayant une longueur inférieure à 380 nm seraient néfastes pour la structure des molécules organiques et les ondes ayant une longueur d'onde supérieure à 750 nm seraient absorbées par l'eau, qui abonde chez les êtres vivants.

Les substances qui absorbent la lumière visible chez les organismes s'appellent pigments. Chaque pigment absorbe des longueurs d'onde déterminées de la lumière et les fait ainsi disparaitre. Si un pigment absorbe toutes les longueurs d'onde, il parait noir. Les feuilles nous semblent vertes, car elles absorbent, entre autres, la lumière rouge et la lumière bleu-violet en même temps qu'elles diffuse la lumière verte. Les algues rouges, au contraire, nous paraissent rouges, car leurs pigments absorbent avant tout la lumière verte.

Le spectre d'absorption (mesuré par un spectrophotomètre) des pigments du chloroplaste montre que différentes longueurs d'onde activent la photosynthèse. Le spectre d'action de la photosynthèse indique l'efficacité des différentes longueurs d'onde de la radiation alimentant le processus.

Le pigment principal est la chlorophylle a, mais il il y a aussi la chlorophylle b et les caroténoïdes, qui ont des spectres d’absorption différents et ainsi élargissent le spectre des longueurs d'onde pouvant alimenter la photosynthèse. Les caroténoïdes (qu'on voit à l'automne sur les feuilles des arbres quand les chlorophylles disparaissent) joueraient aussi un rôle de photoprotection : ils absorbent et dissipent le surplus d'énergie qui pourrait être nuisible.

Les amas de pigments situés dans la membrane des thylakoïdes absorbent des protons : les couleurs correspondant aux longueurs d'onde absorbées par la chlorophylle ou par d'autres pigments disparaissent du spectre de la lumière diffusée, mais pas leur énergie. En effet, quand une molécule absorbe un photon, un de ses électrons passe à une orbitale où il possède d'avantage d'énergie potentielle. La molécule de pigment se trouve alors à l'état excité. Inversement, lorsque l'électron se trouve dans son orbitale normale, la molécule de pigment est à l'état fondamental. Sont absorbés uniquement les photons dont l'énergie équivaut exactement à la différence d'énergie entre son état fondamental et son état excité. Cette différence varie d'un atome et d'une molécule à l'autre. Donc, un composé absorbe seulement les photons correspondant à des longueurs d'onde précises ; chaque pigment a son propre spectre d'absorption. La chlorophylle n'absorbe pas la lumière verte parce que la différence énergétique entre les deux états des électrons ne correspond pas exactement à la quantité d'énergie apportée par un photon de lumière verte.

Lorsqu'une molécule de pigment absorbe l'énergie d'un photon, un de ses électrons passe de l'état fondamental à l'état excité ; ce changement d'état représente de l'énergie potentielle. Mais l'électron ne peut se maintenir longtemps dans cet état instable : il revient généralement à l'état fondamental en 10⁻⁹ secondes et libère son excédent d'énergie sous forme de chaleur. C'est cette conversion de l'énergie lumineuse en chaleur qui rend le toit d'une voiture si chaud au soleil, et il fait moins chaud dans une voiture blanche, car sa peinture réfléchit toutes les longueurs d'onde de la lumière visible. Certains pigments pris isolément, dont la chlorophylle, émettent de la lumière en plus de la chaleur après avoir absorbé des photons. Lors de leur retour à l'état fondamental, les électrons excités émettent chacun un photon : c'est la fluorescence.

Dans la membrane des thylakoïdes, la chlorophylle s'associe à des protéines et à d'autres petites molécules organiques pour former un photosystème, qui contient souvent plusieurs types de pigments. Le transfert d'énergie de pigment en pigment aboutit à la paire de molécule de chlorophylle a du complexe du centre réactionnel : elles utilisent l'énergie de la lumière non seulement pour faire accéder un de leurs électrons à un niveau énergétique supérieur, mais aussi pour le transférer à une autre molécule : l'accepteur primaire d'électrons. Ce transfert est la première étape des réactions photochimiques, qui convertissent l'énergie lumineuse en énergie qui finira par servir à la synthèse du sucre.

Isolément, la chlorophylle est fluorescente car en l'absence d'accepteur primaire, les électrons excités par la lumière de la chlorophylle retournent spontanément à l'état fondamental ; cependant, dans l'environnement structuré d'un chloroplaste, l'énergie potentielle de l'électron excité ne se dissipe pas en lumière et en chaleur, car un accepteur d'électron est disponible.

(Il y a plusieurs pages de détails sur le transport d'électron et de comparaison avec la mitochondrie.)

Petit retour sur le cycle de Calvin : du carbone entre dans le cycle de Calvin sous forme de CO₂ et en sort sous forme de glucide. L'ATP fournit l'énergie nécessaire au déroulement du cycle ; le NADPH procure des électrons riches en énergie et des protons à l'une des molécules du cycle de Calvin afin de produire un glucide.

(Ce cycle est également détaillé sur deux pages.)

LES CLIMATS CHAUDS ET ARIDES ONT FAVORISÉ L'APPARITION DE NOUVEAUX MODES DE FIXATION DU CARBONE

Les végétaux sont implantés sur la terre ferme depuis environ 475 millions d'années.

Le CO₂ nécessaire à la photosynthèse entre dans les feuilles (alors que l'O₂ qui en résulte en sort) par les stomates, les ports situés sur toute la surface des feuilles. Or, ces orifices servent aussi à la transpiration et les plantes perdent donc de l'eau par évaporation. Par une journée chaude et sèche, la plupart des plantes ferment leurs stomates, ce qui les aide à conserver leur eau, mais réduit la concentration de CO₂ ; cette réaction à la chaleur ralentit la photosynthèse car l'accès au CO₂ se trouve réduit. De plus, la concentration en O₂ (qui sort moins aisément) augmente.

Ces facteurs favorisent la photorespiration, un processus enzymatique qui permet à la plante d'utiliser dans une certaine mesure l'O₂ au lieu du CO₂ quand les stomates sont fermés. Ce processus nécessite lumière et O₂ pour produire CO₂ ; il consomme de l'ATP au lieu d'en générer et ne conduit pas à la génération de glucides. La photorespiration réduit de 50% le rendement de la photosynthèse.

La majorité des végétaux sont des plantes de type C₃ : la rubisco, l'enzyme qui ajoute un CO₂ au ribulose diphosphate, fixe le carbone au cours de la première étape du cycle de Calvin. Par exemple le riz, blé, soja... Par temps chaud et sec, quand leurs stomates se ferment partiellement, ces plantes produisent moins de nutriments, car la baisse de concentration de CO₂ dans leurs feuilles ralentit le cycle de Calvin. Ces plantes pratiquent la photorespiration, ce qui semble leur être nuisible. La photorespiration pourrait être un vestige du temps où l'atmosphère contenait plus de CO₂

Les plantes de type C₄ font précéder le cycle de Calvin d'un autre mode de fixation du carbone qui donne un composé à quatre atomes de carbone comme premier produit. On soupçonne que ce mécanisme de photosynthèse a évolué indépendamment à au moins 45 reprises et qu'il est utilisé par des milliers d'espèces végétales réparties en une vingtaine de familles. Par exemple les graminées canne à sucre, maïs, sorgho... Ces plantes contournent la photorespiration en concentrant le CO₂ dans les cellules de la graine fasciculaire, ce qui a un cout en ce qui a trait aux ATP (la photosynthèse exige beaucoup plus d'ATP chez les plantes C₄ que chez les plantes C₃). Elles maintiennent ainsi une concentration en CO₂ (un stock) qui favorise la photosynthèse au détriment de la photorespiration. Toutes choses égales par ailleurs, ces plantes seront de moins en moins efficaces pour accumuler de la matière végétale plus le taux de CO₂ augmente dans l'atmosphère.

L'augmentation rapide du taux de CO₂ dans l'atmosphère risque d'avoir des conséquences différentes sur ces deux types de plantes : elle devrait profiter aux plantes C₃, car elle entrainerait une réduction de la photorespiration. Mais, simultanément, les hausses de température ont un effet contraire : elles augmentent la photorespiration. Les plantes C₄ sont moins sensibles à ces changements.

Une deuxième adaptation photosynthétique est apparue chez les plantes succulentes (qui ont de grandes réserves d'eau dans leurs tissus charnus). Ces plantes ouvrent leurs stomates pendant la nuit et les ferment durant le jour, à l'inverse des autres plantes. La fermeture des stomates pendant le jour protège les plantes désertiques contre la déshydratation, mais elle empêche le CO₂ de pénétrer dans les feuilles ; le CO₂ doit donc être absorbé pendant la nuit. Ce sont les plantes de type CAM. Elles emmagasinent les acides organiques dans des vacuoles jusqu'au matin, moment où les stomates se ferment. Durant le jour, ce sont les acides organiques élaborés la nuit précédente qui libère le CO₂ qui sert à former des glucides dans les chloroplastes.

En somme, plantes de type C₄ et plantes de type CAM ont développé deux solutions proches au problème de fermeture des stomates par temps chaud : dans les deux cas, le CO₂ est fixé dans des acides organiques, avant d'être ensuite transféré au cycle de Calvin. La différence est que : 

  • chez les plantes C₄, la fixation du carbone et le cycle de Calvin se déroulent dans des cellules différences
  • chez les plantes de type CAM, la fixation du carbone et le cycle de Calvin se déroulent dans les mêmes cellules, mais à des moments différents

LA VIE DÉPEND DE LA PHOTOSYNTHÈSE

En résumé :

Les réactions photochimiques captent l'énergie solaire et l'exploitent pour produire de l'ATP et pour transférer des électrons de l'eau au NADP⁺ et ainsi former du NADPH. Le cycle de Calvin utilise l'ATP et le NADPH pour élaborer un glucide à trois carbones (le PGAL) à partir de CO₂.

L'énergie incorporée dans les chloroplastes sous forme de lumière solaire se trouve emmagasinée sous forme d'énergie chimique dans des composés organiques.

Les enzymes situés dans les chloroplastes et dans le cytosol convertissent le PGAL, le produit direct du cycle de Calvin, en plusieurs autres composés organiques. En fait, les glucides formés dans les chloroplastes fournissent à la plante entière l'énergie chimique et les chaines carbonées nécessaires à la synthèse des principales molécules organiques des cellules végétales. Environ 50% de la matière organique issue de la photosynthèse sert de combustible à la respiration cellulaire au sein des mitochondries. Dans certains cas, la photorespiration "gaspille" les produits de la photosynthèse.

Techniquement, les cellules vertes sont les seules parties autotrophes d'une plante. Les autres parties se nourrissent des molécules organiques qui leur parviennent des feuilles par les nervures. Chez la plupart des végétaux, les glucides formés lors de la photosynthèse quittent les feuilles vers le reste de la plante sous forme de saccharose. Une fois que celui-ci a atteint les cellules non photosynthétiques, il est utilisé dans la respiration cellulaire et dans une multitude de voies anaboliques synthétisant des protéines, des lipides et d'autres produits.

Une quantité considérable de glucides sous la forme de molécules de glucose se lient pour former un polysaccharide appelé cellulose, particulièrement dans les cellules en cours de croissance et de maturation. La cellulose, le principal composant de la paroi cellulaire, est la molécule organique la plus abondante dans les plantes, et probablement sur la planète.

En 24 heures, la plupart des végétaux et des autres organismes photosynthétiques fabriquent plus de matière organique qu'il ne leur en faut pour la respiration et la biosynthèse. Le surplus est stocké en emmagasinant de l'amidon dans les chloroplastes eux-mêmes, ainsi que dans les racines, tubercules, graines et fruits. 

La productivité des chloroplastes en ce qui concerne l'alimentation des hétérotrophes est considérable : on estime que 1 g de matière végétale (sèche) fixe de 20 à 40 mg de CO₂ à l'heure que la photosynthèse produit environ 150 milliards de tonnes de glucides par an.

Pages 226-227 : un superbe schéma de la cellule végétale au travail.

vendredi 17 mai 2024

Sphere - Michael Crichton

Sphere - Michael Crichton

Je crois que c'est la première fois que j'écoute un roman en audiobook : c'est un enregistrement de 1987, en VO, enregistré originellement pour... cassette audio. Le narrateur est excellent et je ne sais pas si j'aurais terminé le livre si je l'avait vraiment lu, si je n'avais pas pu l'écouter en faisant autre chose. Sphere de Michael Crichton a l'air d'être de la SF, mais c'est plutôt un techno-thriller. La différence est massive : toute la trame est construite non pas pour façonner une narration cohérente et chargée d'idées, mais pour créer du suspense et donner envie de connaitre la suite.

En conséquence, ça fait très... artificiel. Il y a une bonne histoire qui se cache là-dedans, et quelques bons moments, notamment la paranoïa entre les trois derniers survivants, mais la majorité du roman donne une impression de remplissage. La formule est claire : amener de façon régulière révélations et péripéties, avec un mystère plus global pour appâter : la nature de la mystérieuse sphère retrouvée dans ce vaisseau spatial venu du futur et échoué au fond de l'océan. Eh oui, ça parle de voyage temporel, mais l'auteur ne s'y attarde pas trop et préfère raconter des attaques de poulpe géant. Ça parle aussi de pouvoirs démiurgiques : nos trois personnages, y compris notre narrateur, obtiennent ces pouvoirs considérables, ce qui devient franchement invraisemblable à la fin : tous les trois ont littéralement la capacité de modifier le réel par la pensée, mais ils n'en font pas usage pour que l'auteur puisse sa écrire sa (longue) course contre la montre qui fait office d'apex du roman. Entre ça et les problèmes inhérents au voyage temporel, on a juste l'impression que l'auteur n'a qu'une seule priorité : la construction pratique de son techno-thriller, au détriment de la cohérence interne.

Ça rappelle Rama et ce sous-genre de la SF qui se spécialise dans l'exploration de structures venues d'ailleurs, ou encore Solaris par le thème du premier contact avec une entité incompréhensible qui peut faire apparaitre des êtres vivants, mais ici ces idées et d'autres ne sont pas vraiment explorées. Il y a plein de choses évoquées, les personnages papotent entre eux de nombreux sujets, mais au final ça ne mène nulle part : on n'aura le fin mot de rien du tout et, dans les dernières pages, tout le monde oublie tout. Le lecteur aussi.

lundi 13 mai 2024

Le soulèvement des pigeons - Jesse Miller

Le soulèvement des pigeons - Jesse Miller

Une dystopie classique, dans la veine du Meilleur des mondes et d'Un bonheur insoutenable : tout le monde a ce qu'il faut pour vivre bien, mais la vie est très chiante sans liberté. Dans un Harlem futuriste, la population noire est parquée et traitée fort humainement, en un sens — mais bel et bien parquée. C'est très bref, ça fait moins de 100 pages, et l'auteur n'a pas le temps de prendre son temps : une petite émeute lancée par un pas content, et voilà nos quelques protagonistes projetés de l'autre côté du miroir.

Je m'interroge quand je lis, notamment en quatrième de couverture, que ce texte parlerait de « racisme systémique », puisque si l'oppression est bien racialisée, si je comprends bien — ce que je ne garantis pas car le texte manque de clarté sur le fond de l'affaire — il n'y pas de blancs qui oppressent des noirs, ou inversement : c'est juste que dans cette société de l'abondance, il n'y a quasiment plus besoin de travailler, alors des systèmes d'organisation sociale arbitrairement rigoureux ont été mis en place pour compenser cette destructuration du tissu social causée par la technique. Il y a des communautés blanches qui vivent exactement la même oppression artificielle que les noirs de Harlem, mais eux, blancs, artificiellement oppressés par des noirs. Pourquoi cette organisation est-elle arbitrairement racialisée ? Mystère. En fait, l'histoire marcherait exactement de la même façon s'il n'était pas question de couleur de peau : le racisme est un simple thème et non un pivot narratif.

De l'autre côté du miroir, il y a les rebelles créatifs, qui, ne pouvant se satisfaire de la passivité offerte par la fausse utopie, sont convertis et employés à être les cadres et gardiens du système — c'est un job stimulant. C'est un twist familier dont j'apprécie néanmoins le fond nihiliste : il n'y pas de méchant leader ni même de véritable système tout-puissant : l'oppressé devient l'oppresseur, avec le sourire et sans transition, parce qu'il n'y a rien de mieux à faire. Et la vie de l'oppresseur n'a pas non plus l'air de faire rêver, mais difficile à dire tant le récit est expéditif. C'est un texte trop bref et elliptique pour son propre bien, à la narration basique, mais il y a quand même suffisamment de chair pour y planter ses dents.

jeudi 9 mai 2024

La Légion de l'espace - Jack Williamson

La Légion de l'espace - Jack Williamson

La Légion de l'espace de Jack Williamson, un vieux classique, à priori, paru en 1937. Vieux plus que classique, peut-être : j'ai eu l'impression de faire de l'archéologie littéraire tant c'est incroyablement archaïque et désuet.

Le héros, tout beau tout parfait, se trouve quelques comparses pour sauver le monde, flinguer les aliens, combattre les vils traitres, et, bien sûr, choper la princesse en détresse, seule femme du récit. Ici, on juge avec justesse le caractère moral des personnages au premier coup d'œil, via leur physique, et leurs personnalités pourrait difficilement être plus caricaturales. Les incohérences et les facilités narratives rempliraient une liste plus longue que le roman lui-même, qui d'ailleurs est peut-être composé à 10% des pénibles complaintes du perso qui sert théoriquement de touche comique. Nos héros font absolument n'importe quoi, il n'ont aucune notion d'auto-préservation et ils auraient dû mourir 100 fois.

Malgré tout ça je me suis enfilé les 300 pages sans trop me forcer (mais en sautant régulièrement des lignes). Il faut dire que c'est assez marrant tant c'est ridicule, et que l'aspect science-fictif parvient à vaguement intéresser une fois qu'on rencontre les aliens et, surtout, leur planète. Ces derniers font vraiment penser aux Anciens des Montagnes hallucinées de Lovecraft, paru quelques années auparavant : ce sont des gros machins qui volent et ont des tentacules, ils sont bien plus vieux que l'humanité et possèdent une science supérieure, ils vivent dans une cité démesurée à l'architecture hostile... J'ai du mal à croire à une simple coïncidence. J'ai bien aimé aussi que le grand méchant ne soit pas si simpliste (il change de côté au fil du récit) et le fait que Jack Williamson n'hésite pas à faire du maximalisme : l'humanité prend cher et les morts horribles se comptent par milliards. C'est un bon point ça. En somme, ça enrichit ma culture SF je suppose.

dimanche 5 mai 2024

Montée des Eaux - Pierre Lieutaghi

Montée des Eaux - Pierre Lieutaghi

Montée des Eaux de Pierre Lieutaghi, publié quelques mois avant la mort de l'auteur, dont j'avais lu, dans un autre genre, La Plante compagne. C'est un roman post-apocalyptique tout ce qu'il y a de plus classique dans son essence, mais avec un ton très optimiste, qu'on pourrait même qualifier d'utopique (la vie est quand même plus sympa après l'apocalypse et les enfants ne s'emmerdent plus à l'école). C'est bien écrit et c'est loin d'être bête, mais le fait est que je me suis très vite ennuyé, et ennuyé fort. J'ai scanné les pages, lisant un mot sur dix, tant ça m'a semblé vide et verbeux.

Les eaux montent et le village des Serres se retrouve isolé avec ses 200 habitants et quelques randonneurs. On s'organise, on met en commun, on résiste à une attaque de pillards, il y a un viol, et un vieux qui a du diabète. On ramasse des champignons, on retape le moulin et on va à la néo-messe. Il ne se pas grand-chose de plus, vraiment. Bien sûr, ce n'est pas un mal en soi, et je comptais sur les talents de l'auteur en botanique pour venir épicer tout ça. Hélas, cet aspect du roman est extrêmement décevant.

L'un des deux narrateurs est herboriste, et il ramasse quelques plantes, fait des tisanes, des pommades et des teintures-mères. Même un peu d'homéopathie, je vous jure. Il donne quelques conseils sur l'alimentation : ramasser les glands, les cynorrhodons, etc. On ne va pas plus loin. L'auteur évoque le début d'une réappropriation paysanne du territoire, il mentionne des semis de céréales, les élevages, mais ça ne dépasse pas le stade de l'évocation. C'est d'autant plus frappant que le roman ne dure que trois mois ! On ne voit même pas le village traverser l'hiver : tout l'aspect survie de la communauté semble beaucoup trop facile et sans aucune profondeur, et l'aspect paysannerie à long terme, qui aurait donné au roman un angle unique, est globalement absent. Au lieu de tels développements on a droit aux bavardages incessants et insignifiants de nos deux narrateurs, qui occupent l'essentiel du texte.