Pour dire les choses rapidement : Cixin Liu se révèle aussi capable de déployer de la SF puissante et intelligente en nouvelles qu'en romans.
La Terre est menacée par la transformation imminente du soleil en géante rouge, plus tôt que prévu. Alors pourquoi ne pas transformer la Terre en immense vaisseau pour aller vers Proxima du Centaure ? La nouvelle est une chronique du début de ce processus. Elle fait un peu succession d’événements, on sent qu'il y aurait là de quoi faire un roman, mais l'aspect grandiose de l’odyssée décrite est bien là. On retrouve, comme régulièrement en SF, notamment chez
Arthur C. Clarke, cette idée qu'avec qu'avec une combinaison du progrès technique et d'une menace cosmique, l'humanité perdrait ses religions et ses soucis sentimentaux. Douteux.
Une rencontre avec une race alien. L'essentiel de la nouvelle est l'histoire de cette race : ils sont nés dans le cœur creux d'une planète, et leur longue odyssée pour parvenir à s'en échapper est captivante. Pour eux, l'espace est fait de roche, leur monde est un vide, et leurs vaisseaux sont simplement des morceaux de vide mobiles. Avec, en thème général, la pulsion d'exploration qui définit l'intelligence, le désir de découverte, d'aller visiter le sommet d'une montagne, simplement parce qu'elle est là.
L'épopée d'un jeune chinois des campagnes, sans éducation, qui finira par s'envoler pour l'espace. Une nouvelle qui encore un fois glorifie le désir d'exploration, le besoin d'aller de l'avant, que ce soit en quittant son village pour tenter sa chance dans le monde ou en quittant la Terre pour tenter sa chance dans l'inconnu.
- For the benefit of mankind
Une nouvelle décousue. D'un côté, la vie d'un tueur à gages confronté à un contrat inhabituel, de l'autre, une intéressante vision d'un système capitaliste poussé à son extrême logique. La concentration de la richesse suivant la courbe que l'on sait, et si 99% des richesses se retrouvaient à terme entre les mains d'un seul homme ? Autre idée, sur l'éducation : l'ingénierie génétique ou la fusion avec la machine, processus pouvant décupler l'intelligence humaine mais si chers qu'ils ne seraient accessibles qu'à quelques élus, pourraient-elles créer une caste d'oligarques dotés de capacités surhumaines ?
Une idée qui s'est retrouvée dans
The Dark Forest : un virus informatique sème la mort en manipulant une cité ultra connectée. La particularité de cette nouvelle, c'est que l'auteur se met en scène lui-même avec un collègue, en faisant preuve d'énormément d'humour et d'auto-dérision qui font mouche.
Une variante sur un classique de la SF : la réduction de l'humanité à une échelle microscopique. Cixin Liu parvient à placer cette idée dans un contexte d'extinction de masse et à l'agrémenter de beaucoup d'humour.
Un autre concept classique de la SF : une force gigantesque vient se nourrir des matières premières de la Terre, et, en conséquence, la détruire. On retrouve les bases de
The Dark Forest : l'univers comme étant un vaste champ de bataille entre civilisation concurrentes et l'humanité devant faire face à une menace bien plus puissante qu'elle en utilisant ruse et tromperie. Une nouvelle particulièrement excellente, admirablement rythmée, qui se permet de plus un large hommage à la
Machine à explorer le temps, avec la vision d'une humanité transformée en bétail consentant.
Décision éditoriale impardonnable : cette nouvelle est plus ou moins la première partie de
For the benefit of mankind, et pourtant elle est située bien après dans le recueil. Sinon, c'est encore une idée classique de la SF brillamment revisitée : la vision d'une humanité conçue par une autre race. Cette fois, les créateurs reviennent sur Terre prendre leur retraite. Cixin Liu parvient à mélanger beaucoup d'humour avec de grandes idées : le déclin naturel de toute forme de vie, de toute civilisation, de l'univers lui-même. Excellent.
La nouvelle la plus faible du lot. Pas mauvaise, mais manquant d'ampleur par rapport aux autres. Liu passe beaucoup de temps à préparer sa chute, et ce temps de préparation n'est pas très captivant.
On retourne à du monumental. Il y a tout : des enjeux géopolitiques et environnementaux, des entreprises titanesques, une longue échelle de temps qui permet de voir les événements avec du recul... Par contre, les motivations humaines manquent un peu de crédibilité. Une bande de types veut tuer le protagoniste parce qu'il est le père d'un entrepreneur qui a causé quelques désastres. Je ne sais pas, c'est comme si Greenpeance voulait tuer le père du PDG de BP après une marée noire.
447 pages, head of zeus
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