lundi 1 avril 2024

Biologie de Campbell #8 - Introduction au métabolisme

Biologie de Campbell #8 - Introduction au métabolisme

TRANSFORMATION DE LA MATIÈRE ET THERMODYNAMIQUE

Le métabolisme correspond à l'ensemble des réactions biochimiques d'un organisme et obéit aux règles de la thermodynamique. Une voie métabolique est une séquence d'étapes au cours desquelles une même molécule subit des modifications jusqu'à obtention d'un produit donné. Chaque étape de la voie est catalysée par une enzyme spécifique.

Molécule A → (enzyme 1 & réaction 1) → Molécule B → (enzyme 2 & réaction 2) → etc. → Produit

Les voies métaboliques peuvent être linéaires, ramifiées ou cycliques. Dans l'ensemble, le rôle du métabolisme est de gérer les ressources énergétiques et matérielles de la cellule. Certaines voies métaboliques libèrent de l'énergie en décomposant des molécules complexes en composés plus simples. Ces processus de dégradation s'appellent voies cataboliques.

La respiration cellulaire est une des principales voies cataboliques : en présence d'oxygène (O₂), la respiration cellulaire décompose le glucose et d'autres molécules organiques en molécules de dioxyde de carbone (CO₂) et en eau. L'énergie libérée peut ainsi contribuer au travail de la cellule.

Inversement, les voies anaboliques consomment de l'énergie et permettent d'élaborer des molécules complexes à partir de molécules plus simples. 

L'énergie est la capacité à causer un changement. 

  • Elle peut être associée au mouvement relatif des objets : c'est l'énergie cinétique.
  • L'énergie thermique est une énergie cinétique qui résulte du mouvement aléatoire d'atomes ou de molécules entrant en collision ; l'énergie thermique qui est transférée d'un corps à un autre est appelée chaleur.
  • La lumière, ou énergie de rayonnement, est également un type d'énergie cinétique pouvant servir à effectuer un travail comme la photosynthèse.
  • L'énergie électrique peut servir à déplacer des électrons ou d'autres particules chargées et est utilisée comme mode de communication par le système nerveux des animaux.
  • Un objet qui n'est pas en mouvement peut posséder de l'énergie potentielle, une forme d'énergie que la matière possède en raison de sa position ou de sa structure. Par exemple, l'eau retenue par un barrage car elle est plus haute que le niveau de la mer.
  • Les biologistes appellent énergie chimique l'énergie potentielle qui peut être libérée au cours d'une réaction chimique (notamment par les voies cataboliques).

La thermodynamique est l'étude des transformations d'énergie qui se produisent dans une portion de matière. Un système est une portion de matière étudiée, et l'environnement est ce qui est en dehors. Les organismes sont des systèmes ouverts : ils échangent avec l'environnement.

Selon le premier principe de la thermodynamique, la quantité d'énergie dans l'univers ou dans tout système isolé demeure constante. L'énergie peut être transférée et transformée, mais elle ne peut être ni détruite ni créée. C'est le principe de la conservation de l'énergie

A chaque transfert ou transformation d'énergie, une certaine quantité d'énergie devient inutilisable. Aucun processus énergétique n'est efficace à 100%. Dans la plupart des transformations d'énergie, les énergies sont converties en partie en énergie thermique sous forme de chaleur, qui se disperse rapidement dans l'environnement. Conséquence : chaque transfert ou transformation rend l'univers plus désordonné.

Les scientifiques utilisent une fonction appelée entropie pour mesurer ce désordre. C'est le second principe de la thermodynamique : tout échange d'énergie augmente l'entropie de l'univers.

(Une phrase qui illustre d'une façon extrêmement limpide cette loi : Tout système, si livré à lui-même, tend en moyenne vers sont état de probabilité maximale.)

Si un processus donné peut, de lui-même, entrainer une augmentation de l'entropie, cela signifie qu'il peut le faire sans apport énergétique extérieur : c'est un processus spontané, ou plutôt thermodynamiquement favorisé. Par exemple, la rouille. Un processus qui diminue l'entropie est dit non spontané : il n'a lieu que si de l'énergie s'ajoute au système.

Ainsi les organismes peuvent accroitre leur ordre, pourvu que l'ordre de leur environnement diminue, avec pour résultat une augmentation globale de l'entropie de l'univers. Car même si un organisme est hautement complexe, pour atteindre cette complexité, il doit transformer beaucoup de matière en matières plus simples dans sa quête d'énergie, et il libère beaucoup de chaleur au passage. Les organismes sont des îlots de faible entropie dans un univers de plus en plus désordonné.

VARIATIONS DE L'ÉNERGIE LIBRE

G correspond à l'énergie libre d'un système (hors environnement). L'énergie libre d'un système est la portion de l'énergie de ce système qui peut produire du travail à une température et à une pression constantes, comme c'est le cas dans une cellule. 

H est l'énergie totale (enthalpie) et S l'énergie non utilisable. Sachant que T est la température en degrés Kelvin, leur relation est :

H = G + TS

énergie totale = énergie libre + (température x énergie non utilisable)

La variation de l'énergie libre, au cours d'une réaction chimique par exemple, se note ∆G (delta G), où delta désigne la variation d'une valeur, et se calcule ainsi :

∆G = ∆H - T∆S

Seuls les processus où la valeur ∆G est négative surviennent spontanément. Dit autrement, tout processus spontané réduit l'énergie libre du système. La valeur de ∆G ne peut être négative que lorsque le processus comporte une perte d'énergie libre en passant des réactifs aux produits. Moins d'énergie libre signifie aussi plus de stabilité.

Une autre façon de noter cette relation :

∆G = G (des produits) - G (des réactifs)

On peut considérer l'énergie libre comme la mesure de l'instabilité d'un système, c'est-à-dire sa tendance à évoluer vers un état plus stable. Les systèmes instables (valeur de G élevée) tendent à évoluer vers un état plus stable (valeur de G plus faible). Par exemple, une molécule de glucose est moins stable (plus susceptible de se dégrader) que les molécules plus simples qui résultent de sa dégradation.

Le terme équilibre exprime un état de stabilité maximal. L'énergie libre du mélange de réactifs et de produits diminue lorsque la réaction tend vers l'équilibre, et inversement elle augmente lorsque la réaction s'éloigne de son point d'équilibre. Dans une réaction en équilibre, la valeur de ∆G est à son minimum pour le système. Le moindre changement par rapport à l'équilibre correspond à une valeur de ∆G positive et à un changement non spontané. C'est pourquoi les systèmes ne s'éloignent jamais spontanément de leur point d'équilibre. Comme il ne peut pas changer spontanément, un système en équilibre ne peut pas produire de travail. Seul un processus qui se dirige vers son point d'équilibre est spontané et peut effectuer du travail.

  • Une réaction exergonique s'accompagne d'un dégagement net d'énergie libre.

Comme le mélange chimique perd de l'énergie libre, la valeur de ∆G est négative : les réactions exergoniques se produisent spontanément, c'est-à-dire qu'elles sont thermodynamiquement favorisées. Plus la perte d'énergie libre est forte, plus la quantité de travail possible est élevée. Exemple de la respiration cellulaire aérobie :

C₆H₁₂O₆ + 6 O₂ → 6 CO₂ + 6 H₂O 

∆G = -2870 kj/mol

Donc, dans chaque mole de glucose (180g) décomposée par la respiration (en conditions "normales"), 2870 kj sont libérés pour produire du travail. (Il n'est ici pas question du calcul.)

Le bris de liaisons ne libère pas nécessairement de l'énergie : au contraire, il en exige. L'expression "l'énergie stockée dans les liaisons" est un raccourci : il s'agit en fait de l'énergie potentielle qui peut être libérée quand de nouvelles liaisons se forment après bris des liaisons, et ce, à condition que l'énergie libre des produits soit moins élevée que celle des réactifs.

  • Une réaction endergonique absorbe l'énergie libre de son environnement.
∆G est donc positif. Elle n'est pas spontanée et ∆G correspond à la quantité minimale d'énergie requise par la réaction. Si elle est exergonique dans un sens, la réaction chimique est obligatoirement endergonique dans le sens inverse.

Comme les systèmes à l'état d'équilibre sont au minimum de G et ne peuvent produire aucun travail, une cellule qui atteindrait l'équilibre métabolique mourrait. 

Le fait que le métabolisme dans son ensemble ne soit jamais en équilibre est l'une des caractéristiques de la vie.
 
Pour vivre dans une absence permanente d'équilibre, les organismes doivent nécessairement être des systèmes ouverts. La respiration cellulaire consomme du glucose et de l'O₂, riches en énergie libre, et libère du CO₂ et de l'eau, pauvres en énergie libre. La respiration cellulaire est donc un processus spontané et exergonique.

L'ATP ET LE TRAVAIL CELLULAIRE

Une cellule produit principalement trois types de travail : travail chimique (déclenchement de réactions endergoniques), travail de transport, travail mécanique. Le couplage énergétique est un processus qui consiste à employer l'énergie dégagée par une réaction exergonique pour déclencher une réaction endergonique, en grande partie grâce à l'ATP.

Rappel visuel de ce qu'est l'ATP et de son fonctionnement (cliquer pour agrandir) :

L'hydrolyse de l'ATP dégage 30,5 kJ d'énergie par mole d'ATP hydrolysée.

Quand on hydrolyse de l'ATP dans une éprouvette, le dégagement d'énergie libre qui en résulte ne fait que réchauffer l'eau du contenant. Dans l'organisme, la production de chaleur peut être un but recherché, mais le plus souvent, c'est pour accomplir un des trois types de travail cellulaire. L'énergie sert à des réactions chimiques qui, en elles-mêmes, sont endergoniques.

Si la valeur ∆G d'une réaction endergonique est inférieure à la quantité d'énergie dégagée par l'hydrolyse de l'ATP, les deux réactions pourront être couplées, de sorte qu'au total les réactions couplées sont exergoniques. Ce couplage suppose habituellement une phosphorylation, c'est-à-dire le transfert d'un groupement phosphate de l'ATP à une autre molécule, comme le réactif. La molécule qui reçoit le groupement phosphate lié à lui par covalence s'appelle alors intermédiaire phosphorylé. Cet intermédiaire plus réactif que la molécule originale non phosphorylé est la clé du couplage des réactions endergoniques et exergoniques. C'est le travail chimique. Pour le travail de transport et le travail mécanique, l'hydrolyse de l'ATP modifie la forme et les affinités de liaison des protéines.

Pour renouveler l'ATP, il faut rajouter un phosphate à l'ADP. Dans les cellules, c'est l'énergie dégagée par les réactions de dégradation (catabolisme) qui sert à la phosphorylation de l'ADT, c'est-à-dire la régénération de l'ATP. C'est un processus nécessairement endergonique, puisque qu'un processus réversible ne peut libérer de l'énergie dans les deux sens. Cette énergie vient de la respiration cellulaire et de la photosynthèse pour les végétaux.

L'ACCÉLÉRATION DES RÉACTIONS MÉTABOLIQUES PAR LES ENZYMES

Une réaction spontanée se produit sans apport d'énergie extérieur, mais les lois de la thermodynamique ne nous renseignent pas sur sa vitesse. L'hydrolyse du saccharose en glucose et fructose peut naturellement prendre des années, alors que l'ajout d'une enzyme la réalisera en quelques secondes.

Une enzyme est une macromolécule qui agit comme catalyseur, soit un agent chimique qui augmente drastiquement la vitesse d'une réaction sans être lui-même modifié au cours de cette réaction. Il sera ici question des enzymes protéiniques (il en existe d'autres types).

Pour atteindre l'état déformé où les liaisons peuvent changer (donc pour faire une réaction chimique), les molécules de réactifs doivent absorber de l'énergie de leur environnement. Quand les nouvelles liaisons des molécules de produits se forment, l'énergie est libérée sous forme de chaleur et les molécules reprennent une forme stable, moins riche en énergie que dans l'état déformé. L'énergie requise pour déclencher une réaction, c'est-à-dire pour déformer les molécules de réactifs de façon que les liaisons se rompent, s'appelle énergie d'activation : c'est l'énergie requise pour amener les réactifs au-delà d'une barrière (ou seuil énergétique) à partir de laquelle la réaction pourra démarrer.

Dans l'environnement, l'énergie d'activation est souvent fournie par la chaleur sous forme d'énergie thermique, qui augmente la vitesse moléculaire des réactifs, et donc augmente la vitesse et la force des collisions moléculaires. De plus, l'agitation thermique des atomes dans les molécules facilite la rupture des liaisons.

Même pour les réactions exergoniques (qui se produisent spontanément), l'énergie d'activation détermine la vitesse de la réaction : les réactifs doivent absorber suffisamment d'énergie pour franchir cette barrière d'activation. Souvent, cette barrière de transition est si élevée que la réaction ne peut pas s'amorcer.

Cette barrière créée par l'énergie d'activation empêche les protéines, l'ADN et les autres molécules cellulaires riches en énergie libre de se décomposer spontanément. Cependant, il est indispensable pour les organismes d'avoir des processus de dégradation sélectifs, ce que la chaleur n'est pas. C'est là qu'intervient la catalyse, processus par lequel un catalyseur (un enzyme notamment) accélère sélectivement une réaction sans être lui-même modifié.

Une enzyme catalyse une réaction en abaissant l'énergie d'activation et n'influe pas ∆G.
 
On appelle substrat le réactif sur lequel une enzyme agit. L'enzyme se lit à son substrat et forme le complexe enzyme-substrat. Ensuite, il reste l'enzyme et le produit. La plupart des noms d'enzyme se terminent par -ase

Les enzymes savent reconnaitre très précisément leur substrat, de façon à ce que l'organisme puisse accomplir des réactions chimiques très spécifiques. C'est la forme tridimensionnelle des enzymes qui détermine leur spécificité. Une seule partie de la molécule d'enzyme se lie au substrat : c'est le site actif. La forme du site d'une enzyme est exactement complémentaire à celle de son substrat. L'enzyme agit ainsi :
  • L'enzyme rapproche les substrats entre eux.
  • L'enzyme modifie la forme des molécules de substrat : elle les rapproche de leur état de transition et réduit la quantité d'énergie libre qui doit être absorbée pour atteindre l'état de transition.
  • Le site actif peut aussi offrir un environnement plus propice à un type de réaction.
  • Les acides aminés du site actif peuvent parfois faire activement partie de la réaction.
Une molécule d'enzyme transforme habituellement 1000 molécules de substrat par seconde. Il suffit donc de très petites quantités d'enzyme pour avoir de forts impacts sur le métabolisme. 

Les enzymes sont sensibles aux conditions de chaleur et de pH. La chaleur augmente la vitesse d'effet des enzymes jusqu'à un certain point, où la chaleur perturbe les liaisons entre les atomes qui constituent l'enzyme. Les organismes peuvent d'ailleurs générer des isoenzymes, spécialisées pour certaines conditions. Les enzymes ont divers auxiliaires, appelés cofacteurs, et aussi divers inhibiteurs, qui peuvent se lier au site actif et le bloquer. Des pesticides ou des médicaments peuvent être des inhibiteurs d'enzymes.

LA RÉGULATION DU MÉTABOLISME PAR LES ENZYMES

La cellule détermine le moment et l'endroit où ses différentes enzymes sont actives. Souvent, les molécules qui régulent l'activité enzymatique dans une cellule agissent comme des inhibiteurs non compétitifs réversibles. Dans la régulation allostérique, la fonction d'un des sites d'une protéine est modifiée par la liaison d'une molécule régulatrice à un autre site, ce qui peut inhiber ou stimuler, et donc gérer, l'activité enzymatique.

C'est encore une fois une question de forme tridimensionnelle : un activateur allostérique stabilise l'enzyme dans sa forme active en s'insérant dans un site de régulation et en "bloquant" ainsi la forme de l'enzyme. De la même façon, un inhibiteur allostérique "bloque" l'enzyme dans sa forme inactive.

Dans un autre processus, appelé coopérativité, une molécule de substrat liée à un des sites actifs d'une enzyme "bloque" l'enzyme dans sa forme active, et donc les autres sites dans leur forme active : ceux-ci accepterons plus facilement des molécules de substrat.

La rétro-inhibition est un des principaux mécanismes de régulation métabolique : elle consiste à ralentir ou fermer une voie métabolique grâce à l'intervention de son produit final, qui inhibe une enzyme de cette voie.

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