vendredi 5 avril 2024

Vers une vie simple - Edward Carpenter

Vers une vie simple - Edward Carpenter

Le bandeau vend un « Thoreau anglais », mais honnêtement, si on recherche du Thoreau, mieux vaut relire Walden. Ce n'est pas mauvais, pas du tout, mais l'intérêt est avant tout historique. C'est en somme un recueil de pamphlets socialistes, libertaires et vaguement chrétiens qui critiquent les mœurs de l'aristocratie de l'époque (1880 environ) et les inégalités sociales qui la servent. En prime, l'auteur promeut la révolution imminente et le monde utopique qui s'ensuivra, où chacun pourra avoir sa maison et son lopin de terre, où la propriété privée n'existera plus, où tous les logements seront possédés par l'État, où les dirigeants devront avoir une forte expérience du travail physique et concret, etc.

Tout ça n'a pas très bien vieilli. Les idées sur la vie simple sont un peu gâchées par ce très fort enrobage idéologique qui leur donne une dimension assez naïve. Ceci dit, il y a de belles pages. Le texte sur les mœurs des bourgeois de manoirs est certainement le plus réussi littérairement : Edward Carpenter dépeint avec couleur la vie paralytique et anémique de ces propriétaires et actionnaires qui s'empêtrent dans une débauche de passivité et de normes absurdes, pendant que les domestiques, eux, sont plus en contact avec la vie et en meilleure santé que leurs maitres atrophiés.

J'ai aussi apprécié le texte sur le commerce, où l'auteur, qui reprend une petite ferme, se retrouve derrière le comptoir au marché, ce qui modifie complètement sa perspective sur le rapport à la nourriture et à son prix. Le chapitre qui critique le crédit et les dividendes est également bienvenue, car il parvient à rappeler d'une façon claire cette notion classique du socialisme de l'époque : l'ouvrier, poussé par l'impossibilité d'obtenir des moyens de production (machines trop chères et terres déjà toutes possédées) n'a d'autre choix que de vendre sa force de travail et bien se faire rouler au passage, dans le sens où la majorité des gains de son travail ne lui revient pas, mais file vers les actionnaires.

Pour une perspective plus moderne et désabusée sur ces thèmes, je recommande L'année sauvage de Mark Boyle.

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