jeudi 9 juin 2022

The Clockwork Rocket - Greg Egan

The Clockwork Rocket - Greg Egan

Je commence à avoir bien exploré les romans de Greg Egan, avec Schild's Ladder, Isolation, La cité des permutants, L'énigme de l'univers et Diaspora. Il me semble qu'au cours des quinze dernières années, Greg Egan s'est lassé de la physique de notre étroite réalité et a décidé d'explorer des univers aux lois différentes. C'est le cas avec la trilogie Orthogonal (dont The Clockwork Rocket est le premier volume) puis avec Dichronauts (2017) et The Book of All Skies (2021). 

C'est assez frustrant : The Clockwork Rocket contient à la fois le meilleur et le pire de Greg Egan. D'un côté, l'auteur, cette fois, maitrise étonnamment l'aspect humain de sa narration, ce qui est paradoxal car les protagonistes ne sont pas des humains. Il s'agit de créatures intelligentes qui vivent dans un univers où les différentes longueurs d'onde de la lumière ne se déplacent pas à la même vitesse. Egan est étonnamment gentil avec son lecteur : le roman commence à peu près "normalement", c'est-à-dire sans dissertation universitaire sur la physique quantique, mais en mode récit initiatique pour notre protagoniste Yalda. Et ça fonctionne très bien : on est doucement introduit à cet univers, à ses règles physiques, biologiques et sociales, via un cadre narratif accueillant et intriguant. Ces créatures ont notamment la capacité de modifier à volonté leur propre corps : ainsi, par exemple, elles écrivent en créant des rides sur leur propre peau, et pour imprimer, il leur suffit d'appliquer un support sur leur peau recouverte d'encre. Le trait le plus singulier est sans doute celui-ci : il n'y a pas de reproduction sexuée (pas étonnant de trouver ça chez Egan), les mères se divisent simplement en quatre, comme des cellules, pour donner naissance. Problème : elles meurent inévitablement au cours du processus. Ainsi aucune mère ne peut connaitre ses enfants, et la pression sociale pour trouver un mâle qui les élèvera est colossale. En ville, il existe bien une drogue qui permet d’inhiber ce processus, mais ne pas avoir de partenaire est très mal vu. Cet aspect du roman, orienté xénobiologie, ou xéno-fiction, si j'ose dire, est passionnant, mais Egan reste plus intéressé par la physique.

Dans les romans de Greg Egan, j'ai l'habitude de ne pas complètement saisir les aspects scientifiques, et particulièrement ce qui touche aux mathématiques et à la physique. Mon degré de perplexité a varié d'un livre à l'autre, mais je n'ai jamais trouvé que mes limitations personnelles m'empêchaient de saisir le propos d'Egan ou d’apprécier sa vision. Ici, en revanche, c'est plus problématique. C'est comme si Egan n'essayait même plus de mélanger science et narration : les exposés scientifiques, certes réalisés à travers les personnages, sortent de la narration comme l'huile de l'eau. Le procédé est toujours le même : tout d'un coup, Yalda commence à monologuer sur des questions de physique et les pages se retrouvent envahies de nombreux schémas. Puis, plus tard, la narration reprend. Pas très fluide, d'autant plus que la physique explorée ici est presque totalement fictive, ce qui la rend encore plus difficile à saisir pour un simple amateur. Pour la première fois, j'ai été lire quelques explications détaillées sur le site de Greg Egan. Il faut bien le reconnaitre, il a un vrai talent de vulgarisateur, et comme souvent j'ai été envahi d'une profonde amertume envers le système éducatif qui essaie de faire gober les maths aux gamins sans à aucun moment prendre la pleine de leur expliquer le rapport pourtant si stupéfiant entre les maths et la réalité. Mais bref, le fait est que dans le dernier quart du roman, je me suis mis à sauter ces passages d'exposition scientifique.

Il est aussi regrettable que l’intérêt retombe dès que nos protagonistes embarquent dans leur vaisseau, à la recherche des mystères de la physique. En effet, en quittant la planète, on perd une bonne partie de la richesse culturelle et sociétale qui rendait passionnante la découverte de cet univers. Il y a aussi quelque-chose d'étrange à voir Egan écrire un vaisseau aussi farfelu : une montagne entière projetée dans l'espace à coup d'explosifs. Une vraie montagne, comme le mont Blanc. Non seulement ça n'a aucun rapport avec la couverture de cette édition, mais ça tranche franchement avec les leçons de physique hyper sérieuses.

Bref, il y a là de très bonnes choses, une profonde originalité, une richesse scientifique peut-être inégalée et un don pour attiser la curiosité, mais aussi suffisamment de problèmes pour ne pas vraiment me donner envie de lire la suite.

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