L'anthropocène : une nouvelle époque géologique causée par l'influence colossale de l'homme sur son environnement. Les auteurs ne manquent pas de rappeler les faits quelque peu attristants qui sont à l'origine de ce changement géologique, mais leur approche me semble surtout historique. Ils prennent le temps de revenir en arrière, ils défendent la thèse que l'homme a toujours été conscient de ce qu'il faisait et que la destruction de l’environnement aurait été faite les yeux grands ouverts. Ils rappellent également l'importance des guerre dans les bouleversements environnementaux ainsi que celle des diverses variantes de l'idéologie consumériste.
Une petite clarification à propos de la vision du changement climatique que l'on retrouve régulièrement dans les médias : « Le mot « crise » entretient un optimisme
trompeur : il donne à croire que nous serions simplement
confrontés à un tournant périlleux de la modernité, à une
épreuve brève dont l'issue serait imminente. Le terme de crise
désigne un état transitoire, or l'anthropocène est un point de
non-retour. Il désigne un dérèglement écologique global, une
bifurcation géologique sans retour prévisible à la « normale »
de l'holocène. » (p.39) Et, pour continuer à enfoncer le clou, un rappel des futures crises environnementales : « L'anthropocène s'annonce violent. Il pourrait s’avérer
plus conflictuel, plus insidieusement barbare que ne le furent les
guerres mondiales et les totalitarismes du XXe siècle. » (p.43)
Ici, une idée qui me plait. On pourrait penser que le chemin que l'homme parcourt vers la compréhension de monde qui l'habite le rendrait plus prudent, mais les auteurs ne sont pas de cet avis : « L'image de la Terre vue de l'espace véhicule une
interprétation radicalement simplificatrice du monde. Elle procure
un sentiment de vision d'ensemble, globale, dominatrice et
extérieure, plutôt qu'un sentiment d'appartenance humble. Elle
couronne ce que Philippe Descola a nommé le « Naturalisme »,
né en Occident, par lequel nous concevons les autres êtres de la
Terre comme partageant la même « physicalité » que nous
humains, mais comme étant d'une intériorité radicalement
différente de la notre, nous positionnant ainsi en surplomb par
rapport à la nature, dans l'extériorité stratégique de celui qui
gère et pilote le système Terre auquel il appartient. » (p.79)
Un petit passage sur Cuba qui vient en appuyer un autre de Prospérité sans croissance de Tim Jackson. Cuba, après 1992, après la chute de l'URSS, se retrouve privé du
pétrole soviétique et sous embargo américain : « Pour
économiser l'énergie, les horaires de travail dans l'industrie
furent réduits, la consommation domestique d’électricité
rationnée, l'usage de la bicyclette et de covoiturage se sont
généralisés, le système universitaire a été décentralisé, le
solaire et le biogaz ont été développés (fournissant 10% de
l'électricité). Dans le domaine agricole, le renchérissement des
pesticides et des engrais chimiques, très énergivores, a conduit
les Cubains à innover : contrôle écologique des nuisibles par
des insectes prédateurs, fertilisants organiques (utilisation de
vers de terre par exemple), périurbanisation de l'agriculture
permettant de recycler les déchets organiques ; enfin, la
nourriture a été sévèrement rationnée. Le corps des Cubains fut
profondément modifié par la période spéciale : en 1993, au
plus fort de la crise, la ration journalière descendit à 1900
kilocalories. Les cubains perdirent 5kg en moyenne, entraînant
d'ailleurs une réduction de 30% des maladies cardiovasculaires. » (p.120) Comme quoi un ralentissement du monde, même dans des conditions critiques, est loin d'avoir uniquement des effets négatifs. Et maintenant, les Cubains ont une espérance de vie supérieure à celle des Américains.
Et pour conclure, quelques mots venus d'un journal de publicitaires des années 1920 qui viennent nous rappeler une réalité tellement intégrée à notre mode de vie quotidien que l'on en vient à l'oublier : La publicité doit « rendre les masse insatisfaites de
leurs modes de vie, mécontentes de la laideur des choses qui les
entoure. Des consommateurs satisfaits ne sont pas profitables. » (p.183)
272 pages, 2013, seuil
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire