La fin du rêve ressemble à un best of de scénarios apocalyptiques. En 2030 environ, l'humanité se remet péniblement des décennies catastrophiques qui viennent de prendre fin. Les quelques survivants s'organisent et décident de rédiger une sorte de manuel d'histoire plein d'exemples à ne pas suivre pour les générations suivantes. Ce manuel, c'est le roman. En gros, on passe d'un apocalypse à un autre. Et Philip Wylie se laisse aller : l'échelle des désastres va parfois jusqu'au ridicule. Notamment ces pets toxiques, causés par une alimentation riche en addictifs artificiels, qui font littéralement exploser les gens. Ou cette rivière tellement surchargée de produits chimiques en tous genres qu'elle finit par exploser avec la puissance d'une bombe atomique. Ou cette invasion de vers carnivores venus des fonds marins qui prolifèrent parce que l’humanité, en polluant les océans, a tué tous leurs prédateurs naturels.
Si tout cela est souvent un peu gros, Philip Wylie parvient pourtant à rester efficace et pertinent. Efficace, parce que ces désastres sont bien trouvés, bien mis en scène, et se renouvèlent jusqu'au bout. Pertinent, parce que derrière ces facilités de l'écrivain qui a envie de décrire des scènes puissantes jusqu'au ridicule se cache un vrai discours engagé. Un discours pas très subtil, certes, mais toujours autant d'actualité, qui peut se résumer ainsi : pour la majorité de l'humanité, les profits immédiats font oublier toutes les conséquences futures potentiellement désastreuses. Le profit à court terme prend le pas sur la survie à long terme de l'espèce.
Philip Wylie se laisse aussi aller pendant un passage hors-sujet et d'assez mauvais goût sur, je crois, la décadence sexuelle de l'époque. Mais dans l'ensemble, cette vision de l'avenir et des cataclysmes environnementaux qui l'accompagnent est marquante. L'une des meilleurs scènes est un désastre atmosphérique à New York. Les autorités savent parfaitement bien que le danger est là, mais il ne faudrait quand même pas empêcher les citoyens de consommer dans cette période pré-noël, non ? Si on demande aux gens de ne pas venir à Manhattan, de ne pas utiliser leurs voitures pendant un moment, ce ne serait pas bon pour l'économie. Alors tant pis, advienne que pourra. Et le désastre frappe, encore une fois à une échelle un peu invraisemblable (bien que plaisante pour le lecteur), mais l'idée reste parfaitement juste : la soumission totale à la croissance économique et la pensée à court terme ne sont pas sans prix à payer.
En 1970, moins de deux Américains sur mille étaient capables de définir la "science". Elle n'est, bien sûr, que la connaissance, la pure connaissance, avec ses enseignements et les moyens d'ajouter à sa somme. Mais en cette période, presque tout le monde, et nombre de scientifique même, considéraient que la "science" étaient le résultat matériel des applications de la connaissance. Et tous ces hommes étaient formés à des fins particulières qui n'avaient que peu — ou pas — de rapport avec tout le reste de la science (ou connaissance) où on aurait découvert — ou pu découvrir — des renseignements sur les terribles conséquences dont risquaient de s'accompagner l'unique fin visée.
1972, omnibus
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