mardi 7 février 2017

Le grand secret - Barjavel


Le grand secret - Barjavel

Il y a pas mal d'années, j'avais découvert Barjavel avec Ravage et La nuit des temps. Il m'est resté en mémoire que je n'aime pas Barjavel, pas du tout. Dans mes souvenirs, il avait tendance à s'embourber dans quelques marécages idéologiques. Ayant trouvé Le grand secret dans une boite à livre (comme une bonne partie des mes lectures ces derniers temps d'ailleurs), je m'y replonge avec curiosité, pour voir si c'était juste une question d'age.

Il semble que non.

Commençons par le positif, parce que dans l'ensemble, je ne me suis pas forcé à lire Le grand secret. Le secret en question, c'est celui de l'immortalité. L'immortalité est réelle, et elle est contagieuse : les contaminés sont donc reclus sur une ile surprotégée pendant que quelques leaders mondiaux luttent dans l'ombre pour gérer le problème. J'ai bien aimé cette dimension géopolitique. Les intrigues plus ou moins complotistes, qui réécrivent l'histoire officielle, sont assez plaisantes. Autre qualité, l'étude des problèmes soulevés par l'immortalité. Déjà, tous les insectes de l'ile deviennent immortels aussi, ce qui représente une énorme menace. Les plantes aussi sont touchées, et du coup se figent à l'état de fleur, ce qui fait que les immortels ne peuvent se nourrir des plantes contaminées. Bref, il y a clairement du bon dans ce roman.

Mais l'écriture de Barjavel est... Disons qu'il essaie tellement d’être poétique, avec la subtilité d'un rhinocéros, que c'en est est assez pitoyable. Dès qu'il parle d'amour, de sexe, de sa petite utopie ou des femmes en général, je suis absolument consterné. Déjà, tout le monde est beau. Pour décrire ses personnages, Barjavel commence toujours par « il était très beau » ou « elle était très belle ». J'ai sélectionné quelques extraits. Par exemple, une scène de sexe : « Il était la Tour, il était l'Arc de triomphe, elle était la ville écartelée de joie sous la pluie. » C'est juste... insupportable. Et ça continue comme ça sur des pages et des pages. Barjavel a encore l'air de fantasmer sur la figure du patriarche, qui lui aussi est « beau », mais heureusement c'est un peu moins grotesque que dans Ravage. Les hommes ont la fâcheuse habitude de droguer les femmes, pour leur bien, pour les calmer. Ça arrive pas moins de trois fois dans le récit, et c'est bien souligné. En parlant des femmes... Toute la tension dramatique du personnage principal concerne le fait que comme son copain a eu la jeunesse éternelle vingt ans avant elle, et bien elle fait vingt ans de plus. Alors est triste. Désespérée. Pourquoi pas, certes, mais en faire la principale caractéristique de son principal personnage, c'est un peu... lourd. La petite utopie de l'ile ne manque pas de ridicule. C'est une sorte de jardin d'éden dans lequel les oiseaux vienne faire cuicui en se posant sur les humains, et les enfants courent nus entre deux jeux sexuels. A la fin, les enfants massacrent les adultes parce que les petites filles veulent avoir des bébés, et que les adultes désapprouvent. En gros, c'est un massacre causé par l’instinct maternel... Sérieusement ?! Oui, sérieusement : « la femme, quels que soient ses amours, son indépendance, son intelligence, sa beauté, n'est rien d'autre qu'une fantastique machine à faire des vivants ». Ouille, mes yeux piquent. Encore une fois, pourquoi pas : il ne fait aucun doute que pour certaines personnes l'impossibilité d'avoir des enfants sera une souffrance (sujet fort bien traité dans Futu.re). Mais en faire une telle généralité... Pire, c'est la cause d'un énorme massacre. Qui est ridicule, parce que uniquement causé par l'absence totale d’éducation des enfants de l'ile. Je veux dire, ils sont immortels, ils sont un danger pour le monde, la surpopulation est un danger pour eux, ça serait bien de leur enseigner tout ça au lieu de les laisser passer leur temps à baiser dans les fourrés non ? Du coup, on a juste l'impression que tout le monde est stupide.

Et je n'ai même pas abordé la construction du récit. Disons que Barjavel passe 150 pages a tourner à vide en disant au lecteur : « haha, il y a un grand secret, mais vous ne le saurez pas, lisez la suite, héhé, quel suspense ». C'est le genre de chose qui passe quand la narration suit des personnages qui sont eux aussi dans l’ignorance, mais pas quand l'auteur zappe volontairement des dialogues pour ne pas révéler l'info au lecteur. Pendant 150 pages, c'est juste grossier. En plus, il est du coup obligé de réécrire plus tard les mêmes scènes pour cette fois dévoiler l'information. Bref, je m’arrête là.

366 pages, 1973, pocket

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