mercredi 15 janvier 2014
Une journée d'Ivan Denissovitch - Soljenitsyne
Ivan Denissovitch Choukov est interné depuis huit ans dans un camp de travail, pour une raison fantaisiste, comme la plupart de ses compagnons. Et ce roman est le récit de l'une de ses journées, du réveil au coucher. Soljenitsyne sait de quoi il parle puisqu'il a lui même passé huit années dans un camp de travail pour avoir critiqué le pouvoir dans une lettre interceptée par la censure.
Choukov est un homme simple et débrouillard. Il ne se pose pas beaucoup de questions mais a d'indéniables qualités pratiques qui font de lui un homme respecté. D'autres moins forts que lui ne verront pas la fin de leur peine. Pour survivre au travail éreintant dans un froid terrible, se contenter des rachitiques rations officielles est difficile. Il faut penser en permanence à diverses combines pour grappiller un peu plus de soupe ou se faire offrir un biscuit par l'un des chanceux qui reçoivent des colis de l'extérieur. A la moindre entorse au règlement, c'est dix jours en cellule avec presque rien à manger, ce qui réduit drastiquement l'espérance de vie à long terme. Les hommes ne s'appartiennent plus, leurs pensées sont tournées vers la survie au quotidien. La nourriture. Le froid. Faire sécher ses bottes. Trouver la force de travailler. Se faire offrir un mégot. Avoir une portion de soupe pas trop claire. Ne pas se faire chaparder sa truelle favorite. Mettre en sureté un morceau de pain pour plus tard. Obéir au chef de brigade. Punir les flemmards. Trouver du bois pour se chauffer.
Et dans un tel environnement, Choukov a ses petites joies. Il transcende sa condition par l'ardeur au travail. Quoi de plus beau et de plus satisfaisant que de construire un mur parfaitement droit ? Aligner un parpaing, étaler le ciment, conseiller les camarades, calculer la progression ... Les repas sont les moments les plus sacrés. Trouver pour sa brigade des gamelles, des places ou s'assoir, le tout sans rien se faire voler est un combat. Le plaisir de sentir la soupe tiède couler dans sa gorge, la satisfaction de s’être procuré une ration supplémentaire ...
Une journée d'Ivan Denissovitch est à la fois un document passionnant et un récit très puissant. On vit avec Choukov, on partage ses joies et ses peines, ses espoirs et ses déceptions. On observe tristement l'aliénation provoquée par la vie au camp tout en étant impressionné par le courage de certains condamnés, leur ardeur à la lutte pour la survie. Mais d'autres n'ont pas cette ardeur et dépérissent lentement. Aliénation, c'est vraiment le mot qui reste quand Choukov est finalement satisfait de sa journée. Dans une horreur banalisée quelques rations supplémentaires rendent un homme heureux.
192 pages, 1962, 10/18
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
Un livre indispensable.
RépondreSupprimerle prix d'un livre comme celui-ci est ?
RépondreSupprimerQuelques euros d'occasion, pas beaucoup plus neuf. Comme tous les livres en fait ;)
RépondreSupprimer