La première chose à réaliser pour comprendre Les âmes mortes, c'est que le mot "âme" n'a ici rien à voir avec le sens à connotation religieuse qui nous vient tout d'abord à l'esprit. Dans la Russie du dix-neuvième siècle, les âmes sont les paysans ou artisans de sexe masculin qui ne jouissent pas de la liberté et appartiennent à un maitre. Le personnage dont on suivra les aventures dans le roman, Tchitchikov, est un ex-fonctionnaire reconverti en escroc. Son objectif est de racheter aux propriétaires pour un prix très modique les âmes mortes récemment qui, selon les recensement officiels, sont encore vivantes. On imagine facilement les combines qui deviennent ensuite possibles. Tchitchikov, personnage qui n'a rien d'un héros classique, arrive donc dans une petite ville de province, et essaie de rouler et manipuler tout le monde. Il y arrive plutôt bien.
Les âmes mortes est un roman comique, une satire sociale, une peinture de la médiocrité humaine. Chaque rencontre est l'occasion de dresser un portrait exagéré d'une personnalité type, des portraits aux traits certes grossis mais qui sonnent pourtant terriblement authentiques. C'est l'impression que donne le roman : rien n'est sérieux, tout est exagéré, mais le tableau final n'en est que plus réaliste et percutant. Comme on en a l'habitude dans la littérature Russe, le principal sujet des critiques de l'auteur est l'administration, et la façon dont les personnages se complaisent dans leur médiocrité et leur ignorance, sans jamais voir plus loin que le bout de leur nez. L'écriture de Gogol est toujours aussi superbe, très riche et souvent pleine d'envolées lyriques, mais rien n'est sérieux, chaque phrase et chaque mot sont chargés d'un sous entendu comique. Et cela fonctionne, Les âmes mortes est un roman extrêmement drôle. On rit souvent et l'on sourit toujours, et cela malgré la tristesse de ce que dénonce Gogol. Faire passer un message puissant sur un sujet négatif à travers le rire, c'est brillant.
La première partie du roman dure 300 pages et est suivie par quelques documents et par des fragments de la seconde partie. J'ai décidé de ne pas lire cette seconde partie, parce que ce serait un peu comme fouiller dans les brouillons d'une œuvre non terminée, et aussi parce que juste avant ces fragments, il y a une lettre dans laquelle Gogol explique pourquoi il a fait disparaitre dans les flammes cette seconde partie. Et surtout, la première partie des Âmes mortes est un chef-d’œuvre qui se suffit à lui même.
300 pages pour la première partie, 1843, le livre de poche
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