dimanche 8 septembre 2013
La cité du gouffre - Alastair Reynolds
Après L'arche de la révélation, Alastair Reynolds reste dans le même univers mais délaisse (un peu) les épopées spatiales et les extraterrestres tueurs pour concentrer son action en un lieu unique.
Tanner Mirabel est un héros à l'ancienne : musclé, déterminé, et amateur de blagues douteuses même dans les situations les plus tordues. Ainsi, après l'assassinat de son employeur et de la femme de ce dernier, il file aussitôt sur une autre planète à la poursuite du meurtrier, Reivich, pour accomplir sa vengeance, comme tout homme un tant soit peu viril ferait. Cela semble un peu étrange, d'autant plus que Reivich n'agissait que par revanche et était dans son droit, mais cette situation est clarifiée plus loin dans l'histoire. Bref, la planète sur laquelle se déroule la plus grande partie de l’action s’appelle Yellowstone, et la ville, c'est Chasm City. Et là, on touche à la grosse particularité du roman : cette ville a été sept ans auparavant totalement ravagée par la pourriture fondante, une sorte de peste bio-électronique qui s'attaque à toute machine un peu trop complexe et à tout humain possédant des implants ou des nanomachines dans son corps. Et les résultats ne sont pas beaux à voir. Ainsi, la ville est totalement transformée, à moitié détruite. Les machines sont devenues folles, les immeubles ont évolués chaotiquement comme des plantes sauvages et la technologie se fait rare. Du moins pour ceux qui vivent au sol, car dans les hauteurs nichent les riches, les puissants et les immortels qui, grâce à une mystérieuse drogue, se débrouillent pour maintenir leur santé malgré la peste.
Et, en parallèle, Tanner est étrangement victime de flashs mémoriels le mettant dans le peau de Sky Haussmann, capitaine à la réputation pour le moins douteuse de la flotte qui a apporté les humains sur la planète de Tanner 400 ans plus tôt. Tout cela fonctionne vraiment bien ensemble. La trame s'oriente petit à petit sur des questions de mémoire et d'identité, mais n'en disons pas trop. On a même droit à quelques extraterrestres, j'avoue que ça m'aurait manqué un peu.
C'est bien beau tout ça, mais malheureusement ce n'est pas sans défauts. Le principal concerne l'écriture d'Alastair Reynolds. Disons qu'il m'a souvent semblé que les personnages, dans leurs dialogues et leur comportement, manquent de crédibilité. Un petit exemple. Tanner, perdu dans la ville, recherche quelqu'un nommé Zebra. Il croise un groupe de fêtards. Voici ce qu'il se dit : "Un plan, plutôt mince, m’apparut : j'allai me mêler au groupe et essayer de découvrir si l'un d'eux connaissait Zebra". Mais ... mais ... franchement, qui agirait comme ça ? Bon, ce n'est qu'un exemple, mais il est révélateur du manque de naturel dans le comportement des personnages. De la même façon, la plongée dans la folie de Sky Haussmann n'est pas très bien rendue. Cela casse un poil l'immersion et la crédibilité de l'ensemble.
Mais à part ça, il faut bien reconnaitre que La cité du gouffre a beau être un sacré pavé, il se lit très vite et sans effort tellement l'ensemble est bien foutu. L'univers, tout d'abord, est totalement réussi. Cette cité en ruine est vraiment attachante. Et, malgré l'écriture parfois très perfectible d'Alastair Reynolds, ses occupants aux motivations douteuses aussi. Ils passent en quelques instants d'alliés a ennemis, Tanner leur tire dessus puis cinq minutes après prend un café avec eux, c'est assez marrant. Les petites escales dans le vaisseau de Sky Haussmann et dans la jungle de la planète de Tanner sont vraiment les bienvenues, elles s'intègrent parfaitement au récit. L'histoire est particulièrement centrée sur les personnages, mais n'oublie pas d'intégrer aussi des éléments qui relient le tout à une trame d'une ampleur bien plus importante. Bref, pour qui a envie de gros pavés de SF accessibles mais également riches et complexes, Alastair Reynolds semble être un très bon choix.
959 pages, 2001, Pocket
Les avis de Bifrost, sci-fi universe et Noosfere
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