Affichage des articles dont le libellé est SAS. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est SAS. Afficher tous les articles

jeudi 29 mai 2025

Croisade à Managua (SAS #53) - Gérard de Villiers

Croisade à Managua (SAS #53) - Gérard de Villiers

Peu après la révolution au Nicaragua en 1979, qui a vu le dictateur Somoza, soutenu par les États-Unis, renversé par les sandinistes, guérilla socialiste, ma mère est allée au Nicaragua pour construire une école. Elle faisait partie de je ne sais plus quel syndicat ou parti de gauche. Née dans le prolétariat, elle a rejoint cette organisation prolétarienne tout naturellement, et finalement sans réflexion, sans engament politique réel. Dans ce petit pays d'Amérique Centrale, elle a participé à construire une école. En trajet dans un camion, des jeunes sandinistes lui ont fait tenir un AK-47. L'atmosphère révolutionnaire était enfiévrante, et le monde ne pouvait que devenir meilleur.

Ce volume de SAS se déroule juste avant la révolution, alors que la chute de Somoza est imminente. Malko y est envoyé d'abord pour enquêter sur la disparition d'une américaine, avant de se voir carrément confier la mission de renverser Somoza. Les USA ont pendant des décennies soutenu le régime des Somoza, dictatorial, violent, kleptocrate, et surtout, aux yeux des USA, anti-communiste. Mais à présent que les révolutionnaires semblent sur le point de réussir, les USA veulent se débarrasser du dictateur avant la prise de pouvoir par les sandinistes pour tenter de former un "gouvernement d'union nationale" qui au moins ne serait pas communiste. Malko est confronté à l'horreur absolue de la guerre civile et finalement échoue. Il ne parvient qu'à sauver son honneur face à une jeune sandiniste qui se croyait trahie par lui. Maigre victoire.

Encore une fois, je suis sincèrement impressionné par le bizarre talent de Gérard de Villiers. La scène d'intro, quoique formuléique, est excellente, posant dans un déchainement d'horreurs les bases des enjeux géopolitiques : les somozistes, les sandinistes, et les agent des USA en fond. Mercedes Puntas, principal personnage féminin, est une merveille d'opportunisme cynique, prête à tout par intérêt. Malko, dans le viseur des deux camps, est obligé de faire des choix impossibles. Et l'ingérance permanente des USA, installant ici ou là des dictateurs selon leur fantaisie anti-communiste, est évoquée avec clarté. Même les scènes pornos parviennent (parfois) à être narrativement fortes, comme ce moment où Mercedes joue en experte avec la libido de Malko pour s'offrir (en plus d'un gros pot-de-vin) en récompense si Malko se vend au camp présidentiel.

samedi 8 mars 2025

Mission Sarajevo (SAS 109) - Gérard de Villiers

J'avais déjà lu et (étonnamment) apprécié Berlin : Check-Point Charlie (SAS 29) de Gérard de Villiers : pour du roman souvent qualifié de gare, c'était franchement bien écrit et surtout hautement crédible et captivant sur le plan géopolitique et historique. J'avais dû essayer d'en lire au moins un autre (on en trouve aisément dans les boites à livres) mais la recette n'avait pas su me reconquérir.

Je me suis cependant lancé dans Mission Sarajevo (SAS 109) à cause de mon intérêt pour la guerre de Yougoslavie : j'avais lu quelques livres à ce sujet au cours de mes voyages en Europe de l'Est. J'ai eu l'occasion d'arpenter les rues des villes qui sont à l'honneur dans ce récit : Zagreb, Split, Mostar, et bien sûr Sarajevo, qui, quand j'y étais de passage, portait encore en abondance les cicatrices de la guerre. Nous avions également pu deviner les cicatrices culturelles, les tensions ethniques et religieuses couvant toujours dans les Balkans.

La scène d'introduction est excellente, présentant avec efficacité le contexte et la violence effroyable qui peut y régner. La trame qui se développe par la suite est fonctionnelle, mais sans grand intérêt. On y voit notre héro Malko courir à droite et à gauche à Sarajevo, aux trousses d'une douzaine de stingers américains possédés par une milice musulmane sous l'influence des iraniens. C'est surtout l'occasion de découvrir Sarajevo pendant le siège, et sur ce plan, c'est une réussite. Je cède la parole au journaliste Renaud Girard à ce propos :

« Gérard, qui avait été transporté par notre reportage, me contacta dès mon retour à Paris : "Ma prochaine histoire se passera à Sarajevo !". Et il m'emprunta toutes mes cartes d'état-major de la ville et de la région. Son ouvrage, Mission Sarajevo, le numéro 109 de la collection des SAS, demeure un livre de référence sur l'ambiance de la capitale bosniaque au début de son siège. »

Les journalistes et espions entassés à l'hotel Holyday Inn, les dangers de Sniper's Alley, les milices aux allégeances variées, les chefs de guerre improvisés, les haines ethniques, les combines pour arracher des dollars ou des munitions, la « stratégie du pire » des islamistes qui consiste à pourrir la vie de tout le monde car la misère favorise la religiosité, les contre-snipers pour lutter contre les snipers, les forces de l'ONU impuissantes, les longues escortes jusqu'à l'aéroport... Même à propos des multiples femmes qui défilent dans la chambre d'hôtel de Malko : elles s'intéressent moins à lui qu'au fait qu'il a de l'eau chaude, chose rare dans le Sarajevo assiégé, et elles viennent le voir avant tout pour se doucher !

Mon exemplaire a été imprimé en janvier 1993. Sachant que le siège de Sarajevo a commencé en avril 1992, c'est un délai incroyablement faible entre le début d'un évènement historique et la publication d'un roman qui l'évoque d'une façon crédible et renseignée. Un mot rapide sur les femmes dans ce/ces romans : elles sont bien entendu 100% objectifiées et sexualisées, au service du plaisir de Malko (et d'une partie du lectorat), mais en même temps, ce sont des électrons libres qui font ce qui leur chante et ne manquent pas de compétence, presque des modèles de « femmes fortes » selon une certaine perspective moderne.

samedi 22 avril 2023

Berlin : Check-Point Charlie (SAS 29) - Gérard de Villiers

Berlin : Check Point Charlie (SAS 29) - Gérard de Villiers

Je suis parti quelques jours en vadrouille avec un peu de lecture dans mon sac, à savoir Le Mythe de Sisyphe de Camus et L'Existentialisme est-il un humanisme ? de Sartre. J'avais déjà souvent au fil des années essayé de lire les essais de Camus, celui-là et L'Homme révolté, mais à chaque fois ça... m'énervait, honnêtement, tellement la prose et le propos de Camus me sortait par les yeux. Cette fois, je m'étais dit que j'allais m'y coller avec sérieux, mais rien à faire : au bout d'une vingtaine de pages, je trouve ça toujours aussi illisible. C'est du blabla flou, vague, pénible ; même les phrases me semblent n'avoir qu'un lien sémantique ténu entre elles ; et ce que je perçois de sa philosophie me donne envie d'aller simplement relire quelques sentences de Marc Aurèle. Bref, les essais de Camus, je laisse tomber.

J'aurais pu enchaîner avec Sartre, mais j'avais plutôt envie d'autre chose. C'est alors que j'ai trouvé dans une boite à livres The Martian d'Andy Weir. J'avais vu le film de Ridley Scott — d'ailleurs, un mot sur Ridley Scott. Fantastique réalisateur (Alien, Blade Runner, Gladiator), il est aujourd'hui tout vieux (85 ans) mais, entre quelques horreurs, il parvient toujours à sortir des films très haut de gamme, à savoir The Martian, mais aussi, très récemment, deux qui sont à tort passé presque inaperçus : The Last Duel et House of Gucci. Bref, revenons au livre : je suis dans ce village médiéval et j'en lis une quinzaine de pages. C'est... OK. Lisible. Mais je m'en fous. L'écriture banale et familière ne touche aucune corde en moi et je vois à l'avance le trame se dérouler. Je repose le livre dans la boite à livres où je l'ai pris.

Un peu plus tard, nouvelle boite à livres : j'y trouve plusieurs volumes de SAS, série déjà croisée de nombreuses fois auparavant. (200 volumes et 150 millions d'exemplaire vendus, dingue, non ?) Ayant été parfois surpris par ces séries pulp à rallonge, notamment James Bond et Doc Savage, je feuillette un volume. La prose m'étonne par sa qualité. Allez, j'en empoche un, mais juste un. Berlin : Check Point Charlie publié originellement en 1973. Et je commence à le lire. Eh bien, ce n'est pas mal, pas mal du tout. Le premier chapitre pose le ton et les enjeux tout en présentant d'une façon crédible le Berlin terriblement séparé en deux à travers la perspective d'un personnage piégé qui n'aspire qu'à fuir à tout prix ce système écrasant. Par la suite, les poncifs apparaissent, essentiellement en ce qui concerne le héros beau gosse, riche, courageux, invincible et terriblement charmeur. De même pour les personnages féminins, tous très sexualisés et se jetant dans les bras virils de notre héros. Mais à part ça, le niveau est plus que respectable. Il n'y a pas de scènes d'action à rallonge, au contraire, le ton est étonnamment sobre, malgré les scènes érotiques gratuites. L'auteur développe progressivement sa trame et le terrain de jeu qu'est le Berlin de la Guerre Froide jusqu’à un final explosif, efficace et bien amené par tout ce qui a précédé.

Évidemment, c'est un peu inconvenant sur les questions de genre et d’ethnicité, mais en même temps, on ne peut pas reprocher à l'auteur de manquer, disons, d'inclusivité ! Origines ethniques et orientations sexuelles, c'est varié. De même pour l'écriture des personnages féminins, tous objectifiés et sexualisés : certaines sont clairement rabaissées, mais en même temps d'autres jouissent d'une très forte indépendance sexuelle et psychologique, sans compter la principale "héroïne" qui est flamboyante dans tous les sens du terme, fait preuve d'une résilience à toute épreuve et d'une remarquable force de caractère.

Bref, il me semblait inévitable d'évoquer ces choses-là, mais ce qui importe vraiment, c'est sans doute le talent avec lequel l'auteur développe clairement et progressivement sa trame et son contexte géopolitique. Le fait est qu'on s'y croit, à Berlin : l'horreur du mur, le désir de fuite de ceux de l'Est, le fanatisme des convaincus, la colère de ceux de l'Ouest, la violence répressive et l'inefficacité de la dictature communiste... Sous le vernis à paillettes du pulp, il y a une véritable conscience des horreurs de cette réalité géopolitique et une honnête tentative de les dépeindre sérieusement.

En somme, j'ai été impressionné. Certes, relativement impressionné : ça reste assez léger, bourré de clichés et de poncifs, et je ne doute pas qu'en lisant quelques autres tomes la recette deviendra bourrative. Néanmoins, dire que ce gars a écrit quatre de ces romans par an pendant des décennies et parvenait à un niveau aussi respectable... Je suis impressionné par son talent d'écrivain.