vendredi 31 octobre 2025

Biologie de Campbell #32 - La diversité des animaux : un aperçu

Un point commun entre tous les animaux : ils consomment d'autres organismes.

LES ANIMAUX SONT DES ORGANISMES EUCARYOTES MULTICELLULAIRES ET HÉTÉROTROPHES DONT LES TISSUS SE DÉVELOPPENT A PARTIR DE FEUILLETS EMBRYONNAIRES

Il n'est pas évident d'énumérer les caractéristiques communes aux animaux car on rencontre presque toujours des exceptions. Mais, dans l'ensemble :

1. Le mode de nutrition 

  • Les végétaux sont autotrophes, c'est-à-dire capables de produire des molécules organiques au moyen de la photosynthèse. 
  • Les eumycètes sont hétérotrophes, ils croissent sur ou à proximité de leurs nutriments et s'en nourrissent par absorption, souvent après sécrétion d'enzymes.
  • Les animaux sont également hétérotrophes et consomment des matières organiques. Ils se distinguent des eumycètes car ils utilisent des enzymes pour digérer leurs aliments après les avoir ingérés. 

2. La structure et la spécialisation des cellules

Les animaux sont des eucaryotes multicellulaires, comme les végétaux et la plupart des eumycètes. Mais contrairement à ces derniers, les cellules des animaux ne s'entourent pas d'une paroi renforçant la structure de l'organisme. Le corps des animaux doit plutôt sa cohésion à des protéines externes à la membrane cellulaire qui unissent les cellules entre elles. La plus abondante de ces protéines est le collagène.

Chez la plupart des animaux, les cellules forment des tissus, c'est-à-dire qu'elles forment des groupes de cellules similaires qui partagent une fonction commune (tissus musculaires, nerveux, etc.).

3. La reproduction et le développement

La plupart des animaux se reproduisent de façon sexuée, et c'est habituellement le stade diploïde qui domine au cours de leur cycle de développement. Il y a une séquence précise des premiers stades du développement embryonnaire : le zygote se segmente, un stade multicellulaire appelé blastula se forme, puis vient la gastrulation... Certains animaux passent par un stade larvaire, une forme sexuellement immature. La larve subit finalement une métamorphose qui transforme l'animal en un juvénile, une forme qui ressemble à l'adulte mais sans maturité sexuelle. Tous les animaux possèdent de nombreux gènes communs qui régulent leur développement. 

L'HISTOIRE DES ANIMAUX COUVRE PLUS D'UN DEMI-MILLIARD D'ANNÉES  

A ce jour, 1,3 millions d'espèces d'animaux ont été identifiées, mais le nombre véritable pourrait être bien plus élevé. Les éponges, par exemple, seraient apparues il y a 700 MA. Ces résultats proviennent d'études de fossiles et d'analyses moléculaires. 

On peut différencier différentes ères :

  • L'ère néoprotérozoïque (1 MdA - 541 MA). Les premiers animaux seraient des eucaryotes multicellulaires à corps mou. Certains sont classés dans les mollusques, les éponges, les cnidaires (anémones et apparentées). D'autres sont plus difficiles à placer car ils ne semblent pas présenter de liens évolutifs avec d'autres groupes d'animaux vivants. On trouve dès cette époque des signes de prédation.
  • L'ère paléozoïque (541 MA - 252 MA). C'est au début de cette période que s'est déroulée la fameuse "explosion du Cambrien". On y retrouve déjà la moitié des embranchements modernes. Les prédateurs auraient acquis de nouvelles formes de locomotion, et les proies de nouveaux moyens de défense. Une autre hypothèse concerne l'augmentation de la concentration en oxygène de l'atmosphère. Il y a diverses extinctions massives et les vertébrés deviennent les principaux prédateurs. On a même trouvé des fossiles de la gale de la fougère datant d'il y a 300 MA. 
  • L'ère mésozoïque (252 MA - 66 MA). Dans les océans, les premiers récifs de corail se sont formés. Sur terre, les organes de vol sont apparus ailleurs que chez les insectes. Les premiers mammifères, de minuscules insectivores, sont présents. Les plantes à fleur apparaissent et les insectes ont connu une énorme diversification.
  • L'ère cénozoïque (66 MA à nos jours). Les grands mammifères herbivores et leurs prédateurs eux aussi mammifères profitent de l'extinction des dinosaures. Certains primates s'adaptent aux prairies.

LES ANIMAUX PEUVENT ÊTRE CLASSÉS SELON LEURS "PLANS D'ORGANISATION CORPORELLE" 

Des morphologies semblables peuvent avoir évolué de façon indépendante dans des lignées différentes.

La symétrie (ou son absence) est une caractéristique fondamentale du corps des animaux. Les deux types de symétrie suivants existeraient depuis 500 MA :

  • La symétrie radiaire, comme les anémones. Il y a un dessus et un dessous, mais pas de côtés particuliers. Dans les faits, ce n'est pas vraiment exacte si on prend en compte toutes les structures intérieures. De nombreux radiaires sont sessiles (fixés à leur lieu de vie) ou planctoniques (dérivant ou nageant faiblement, comme les méduses).
  • La symétrie bilatérale, comme pour les écureuils. Haut et bas, devant et derrière, gauche et droite. Le système nerveux permet de coordonner des mouvements complexes.

La structure des tissus définit aussi les plans d'organisation corporelle. Les éponges et quelques autres groupes en sont dépourvus. Tous les bilatériens produisent un feuillet embryonnaire spécifique, le mésoderme, qui donne naissance aux muscles. On sépare les diploblastiques, qui n'ont que deux feuillets embryonnaires, et les triploblastiques, qui en ont le mésoderme en plus de ces deux-là. 

La plupart des animaux triploblastiques possèdent une cavité corporelle, un espace rempli de liquide qui sert notamment à protéger les organes et amortir les chocs, mais aussi à permettre la croissance des organes internes (le tube digestif par exemple).

Se rajoutent à tout ça les modes de développement : protostomien ou deutérostomien. Je ne rentre pas dans les détails, mais, en gros, c'est la façon dont les cellules se divisent pour former l'organisme, en spirale et déterminée pour les premiers, radiaire et indéterminée pour les seconds.

Quelques points pour conclure :

  • Tous les animaux ont en commun le même ancêtre.
  • Les éponges sont le groupe frère de tous les autres groupes d'animaux (le groupe qui a divergé du reste le premier). 
  • Les eumétazoaires ("vrais animaux") forment un clade d'animaux possédant des tissus. Par exemple les tissus musculaires et nerveux. Ce qui inclut tous les animaux à l'exception des éponges et de quelques autres.
  • La plupart des embranchements d'animaux appartiennent au clade des bilatériens.
  • Il existe trois principaux clades d'animaux bilatériens : les deutérostomiens, les lophotrochozoaires et les ecdysozoaires. Dans ces clades, tous les embranchements sauf un sont entièrement constitués d'invertébrés. Seul l'embranchement des cordés, du clade des deutérotomiens, compte des vertébrés.

 

lundi 27 octobre 2025

Biologie de Campbell #31 - Les eumycètes

 

LES EUMYCÈTES SONT DES ORGANISMES HÉTÉROTROPHES QUI SE NOURRISSENT PAR ABSORPTION 

Contrairement aux végétaux et aux algues, et comme les animaux, les eumycètes ne peuvent pas fabriquer leur propre nourriture. Cependant, contrairement aux animaux, il n'ingèrent pas leur nourriture : ils absorbent les nutriments qui se trouvent dans l'environnement.

Pour ce faire, nombre d'entre eux sécrètent de puissantes enzymes qui décomposent les molécules complexes en composés simples que les cellules peuvent absorber, utiliser, ou mettre en réserve sous forme de glycogène ou même de lipides (comme pour les animaux ; chez les végétaux, le stock se fera surtout sous forme d'amidon).

Les enzymes que l'on trouve chez les divers eumycètes peuvent digérer des composés provenant d'une grande diversité d'organismes vivants ou de matières en décomposition. Cette diversité reflète la diversité des rôles des eumycètes dans les communautés écologiques : décomposeurs, parasites ou mutualistes.

Sur le plan structural, les eumycètes se présentent sous la forme de filaments multicellulaires ou sous la forme d'organismes unicellulaires (levures). Certaines espèces produisent filaments et levures, nombre d'espèces ne forment que des filaments, et une minorité ne produit que des levures. Les levures vivent dans des environnements humides, comme la sève des végétaux ou les tissus animaux.

L'appareil végétatif des eumycètes multicellulaires leur permet d'optimier l'absorption de nutriments. Ils développent un réseau de minuscules filaments, les hyphes, alors que leur paroi cellulaire est solidifiée par la chitine, qui leur permet notamment de résister à la pression exercée par le mouvement de l'eau, qui rentre par osmose dans leurs parois à mesure que la concentration intracellulaire en nutriments augmente par rapport au milieu.

Les hyphes forment un réseau de filaments ramifiés, le mycélium, qui infiltre les matières dont se nourrit l'eumycète. La structure du mycélium maximise le rapport entre sa surface et son volume. Par exemple, 1 cm³ d'un sol riche en MO contient jusqu'à 1 km d'hyphes offrant une surface de contact de 300 cm² avec le sol. Les eumycètes améliorent leur capacité d'absorption en consacrant leurs ressources à allonger leurs hyphes en longueur plutôt qu'à en accroitre le diamètre.

L'association de certains eumycètes avec les racines des végétaux dans le but d'échanger des nutriments, se nomme mycorhize. Les eumycètes ont tendance à fournir ions phosphates et autres minéraux aux végétaux (car le mycélium leur donne une considérable capacité d'absorption par rapport aux capacités d'une plante). En échange, la plante fournit des nutriments organiques, notamment des glucides.

Les eumycètes mycorhiziens colonisent les sols en dispersant des cellules haploïdes appelées spores qui forment des réseaux mycéliens après germination.

LES EUMYCÈTES PRODUISENT DES SPORES AU COURS DE CYCLES DE DÉVELOPPEMENT SEXUÉS OU ASEXUÉS

La reproduction s'amorce souvent lorsque des phéromones, molécules sexuelles de signalisation, sont libérées. Elles permettent un test de compatibilité qui évite la fusion d'hyphes provenant d'un même mycélium ou de deux mycéliums possédant le même phénotype.

La fusion des cytoplasmes n'entraine pas forcément la fusion des noyaux, appelée caryogamie, qui peut se produire plus tard. Par la suite, la méiose restitue l'état haploïde, ce qui entraine la formation de spores génétiquement diversifiés.

De nombreux eumycètes peuvent se reproduire à la fois de façon sexuée et asexuée, mais 20000 espèces environ se reproduisent seulement par voie asexuée. Ce pour la reproduction sexuée, ce processus peut grandement différer entre les espèces. Les eumycètes qu'on appelle moisissures peuvent par exemple émettre des spores de manière asexuée. D'autres se reproduisent simplement par division cellulaire.

L’ANCÊTRE DES EUMYCÈTES ÉTAIT UN PROTISTE AQUATIQUE, UNICELLULAIRE ET FLAGELLÉ

Aujourd'hui, il est établi que les eumycètes et les animaux sont plus étroitement apparentés entre eux qu'il ne le sont aux végétaux ou à la plupart des autres eucaryotes.

Les analyses ADN laissent à penser que, chez les animaux et les eumycètes, la multicellularité s'est développée plusieurs fois, indépendamment, à partir d'ancêtres unicellulaires différents. 

Les ancêtres des animaux et des eumycètes auraient divergé il y a 1,5 à 1 MdA. Les plus anciens fossiles clairement reconnus comme des eumycètes remontent à 460 MA.

Les végétaux ont colonisé la terre ferme il y a 470 MA, mais il est possible que les eumycètes l'aient fait avant. Les eumycètes auraient pu se nourrir, avec leur système de digestion extracellulaire, d'autres organismes terrestres précoces, comme des cyanobactéries et des algues. Quant à elles, les premières relations symbiotiques avec des végétaux dateraient de 405 MA. Les premiers végétaux n'ayant pas encore de racines, il est possible qu'ils comptaient énormément sur les mycéliums pour extraire les nutriments du sol.

L’ÉVOLUTION DES EUMYCÈTES A PRODUIT UN ENSEMBLE DIVERSIFIÉ DE LIGNÉES 

Plusieurs grands groupes d'eumycètes sont identifiés, notamment par analyse moléculaire, même si les détails de la phylogenèse sont encore incertains. On connait 100000 espèces, mais il pourrait en exister 1,5 millions.

  • Les chytridiomycètes (1000 espèces). Omniprésents dans les lacs et les sols. Peuvent être décomposeurs, parasites, mutualistes...
  • Les zygomycètes (1000 espèces). Comprend les moisissures à croissance rapide. Certains croissent rapidement sur des aliments comme les fruits et le pain. Ils peuvent agir comme décomposeurs ou parasites. En bonnes conditions, la reproduction se fait par spores asexués. Le reproduction devient sexuée quand les conditions du milieu se détériorent. Sont ainsi produits de zygosporanges très résistants au froid et au sec. Leur métabolisme reste inactif jusqu'à ce que les conditions s'améliorent.
  • Les gloméromycètes (160 espèces). Ils forment les endomycorhizes (symbiose au cours de laquelle le champignon pénètre dans les cellules végétales) avec les racines des plantes. Plus de 80 % des espèces végétales établissent de telles relations. 
  • Les ascomycètes (65000 espèces) Groupe très diversifié. Ils vont de la levure unicellulaire jusqu'aux eumycètes complexes comme les morilles, ainsi que d'importants agents pathogènes pour les végétaux, et des décomposeurs. 25 % d'entre eux forment les lichens en symbiose avec algues vertes et cyanobactéries. Beaucoup d'autres vivent entre les cellules du mésophylle des feuilles, et certaines espèces libèrent des produits toxiques qui contribuent à protéger les tissus de la plante contre les insectes. 
  • Les basidiomycètes (30000 espèces). Très importants comme décomposeurs (notamment du bois) ou ectomycorhiziens (le champignon entoure les racines mais ne pénètre PAS dans les cellules de la plante). L’appareil sporifère est très répandu dans les forêts de l'hémisphère nord. 

 Et pour rappel clair :

  • endomycorhizes : symbiose au cours de laquelle le champignon pénètre dans les cellules végétales
  • ectomycorhizes : le champignon entoure les racines mais ne pénètre pas dans les cellules de la plante

LES EUMYCÈTES TIENNENT DES RÔLES CLÉS DANS LE RECYCLAGE DES NUTRIMENTS, LES INTERACTIONS ÉCOLOGIQUES ET LE BIEN-ÊTRE DES HUMAINS

Ce sont les principaux décomposeurs (notamment de cellulose et lignine) qui renouvellent les réserves de nutriments inorganiques essentiels à la croissance des végétaux. Sans ces décomposeurs, le carbone, l'azote et les autres éléments s'accumuleraient dans les déchets organiques et ne seraient plus disponibles pour la nutrition des végétaux et des animaux. 

Ils peuvent aussi former des relations mutualistes avec les végétaux, les algues, les cyanobactéries ou les animaux. Par exemple, ils contribuent à la dégradation des matières végétales dans les intestins de certains mammifères herbivores, mais aussi d'arthropodes. Des fourmis en cultivent dans le cadre d'une évolution convergente ancienne de 50 MA.

Les lichens sont le résultat d'une association symbiotique entre un microorganisme photosynthétique (algue verte ou cyanobactérie) et un eumycète : des millions de cellules photoréceptrices enchevêtrées dans un treillis d'hyphes. L'eumycète forme l'essentiel de la structure du lichen. L'algue (ou la cyanobactérie) fournit des composés carbonés (entre 60 et 90 % de sa production de glucides par photosynthèse). La cyanobactérie peut aussi fixer le diazote et le transformer en azote organique. L'eumycète procure à son associé un environnement idéal : la disposition des hyphes favorise les échanges gazeux, protège le partenaire contre les UV, permet de retenir eau et minéraux, et sécrète des acides qui favorisent l'absorption de minéraux. Ils sont à la base de la succession végétale.

Environ 30 % des espèces connues seraient des eumycètes parasites ou pathogènes, principalement envers les plantes. Près de 500 espèces eumycètes vivraient aux dépends des animaux, d'une façon qu'on appelle souvent mycose.

Ceci dit, les eumycètes sont indispensables à la vie complexe sur Terre, notamment pour la décomposition et le recyclage de la matière organique, sans parler de tous les usages secondaires (alimentation, fromage, fermentation, levain, applications capitales en médecine et dans la recherche...).

lundi 20 octobre 2025

Sleep and the Soul - Greg Egan

Sleep and the Soul - Greg Egan

Le recueil le plus récent de Greg Egan. Il faut bien avouer que c'est un peu décevant par rapport à ses textes des décennies précédentes. Les nouvelles courtes ont tendances à être trop limitées, à ne pas développer et dépasser leur concept par la narration, là où les plus longues tendent à mieux y parvenir. Mais pas toutes. 

You and Whose Army?, 2020 (5/5)

L'une des meilleures nouvelles de Greg Egan sur le thème de l'identité, avec par exemple Des raisons d'être heureux. Des quadruplés liés mentalement suite aux expériences d'une secte déchue partent à la recherche d'un de leurs lorsque celui-ci disparait. Comme ils partagent leurs expériences et souvenirs, ils sont quelque-part entre des individus classiques et une conscience collective. Pourquoi l'un d'entre eux voudrait-il quitter ce partage ? En quête d'une véritable individualité, ou au contraire sous l'influence d'une autre conscience qui chercherait à prendre possession d'un être déjà habitué à partager son identité ? Contrairement à d'autres nouvelles d'Egan, la narration n'est pas qu'une excuse pour le concept, et j'ai apprécié la conclusion optimiste, voire inspirante. Lu en écoutant le dernier album d'Igorrr.

This is Not The Way Home, 2019 (2,5/5)

Un peu comme Seul sur Mars, mais sur la Lune. Le concept principal, c'est le décollage de fortune vers la Terre avec un buggy lunaire accroché à un crochet orbital. Avec en plus un bébé dans la combi spatiale. Et une éternité à tourner autour de la Terre pour ralentir suffisamment. Chouette idée, mais narration foireuse, inutilement non chronologique. Et la question de pourquoi les communications avec la Terre ont cessé est laissée ouverte.

Zeitgeber, 2019 (3/5)

Le concept : une épidémie provoque le décalage aléatoire du rythme circadien d'une partie de la population. On devine les problèmes qui s'ensuivent. La perspective est celle d'un père parfaitement normal, qui essaie de trouver comment gérer sa fille de 9 ans dans ce contexte. C'est pas mal, et Egan essaie de développer son concept en imaginant un antidote peut-être plus problématique que la maladie, mais je dirais que c'est narrativement assez plat, sans véritable dénouement.

Crisis Actors, 2022 (2/5)

Je crois qu'il s'agit, exactement comme dans The discreet charm of the Turing Machine, de manipulation à grande échelle : plutôt que de tenter de convaincre les climato-négationistes, leur faire croire qu'ils jouent un rôle important d'agent double en infiltrant des agences qui font du boulot utile, les faisant ainsi véritablement et sincèrement travailler à des fins auxquelles ils ne croient pas. J'aime l'idée, mais la narration est plus que bancale.

Sleep and the Soul, 2021 (5/5)

Une histoire de la lente et difficile victoire du progrès contre l'obscurantisme. Je suppose que ça se passe il y a plus ou moins un siècle aux USA. Jesse reprend conscience dans un cercueil, après trois jours de coma. Il va se retrouver au cœur d'une épopée scientifique consistant à démystifier le sommeil involontaire, ou coma, et même l'anesthésie. J'ignorais ce point théologique, que la perte de conscience pouvait être perçue signifiant la mort de l'âme, entrainant nombre d'inhumés vivants et autres horreurs non nécessaires. Greg Egan arrive cette fois à assurer sur le plan de la narration et à rendre ses personnages touchants. Je me demande seulement ce qu'il en est du classique sommeil : en quoi, théologiquement et philosophiquement, le sommeil est-il différent des autres formes de perte de conscience ? Cette question n'est pas abordée.

After Zero, 2022 (3/5)

Futur proche, changement climatique violent. Si la fusion ne suffit pas à donner de l'énergie gratuite pour décarboner, pourquoi ne pas tenter de la l'ingénierie spatiale et placer au point de Lagrange 1 une sorte de miroir qui dévierait un peu de rayonnement solaire ? On retrouve également un thème déjà vu plusieurs fois : s'il est vain de chercher à convaincre rationnellement la majorité de la population, il ne reste qu'à utiliser les biais cognitifs pour faire de la manipulation de masse.

Dream Factory, 2022 (4/5)

Un étudiant fauché tente de lutter contre les implants sur animaux de compagnie, originellement créés pour empêcher les chats domestiques de massacrer les oiseaux, mais surtout utilisés pour contrôler les animaux comme des pantins. Il est question de rêves de chat, d'éthique animale, d'influenceurs, de création d'application mobile. Plutôt sympa et original.

Light Up The Clouds, 2021 (lu en diagonale/5)

Du classique de la part du Greg Egan tardif, façon The Clockwork Rocket ou Incandescence. Sur un monde à la physique étonnante (quelque-part dans les nuages d'une géante gazeuse), des habitants locaux essaient de faire face à un problème existentiel à grands coups d'esprit scientifique et d'ingénierie. C'est sans doute riche et intelligent, mais aussi très sec et difficile à suivre. Encore une fois, je regrette l'absence de schémas qui permettraient d'expliciter aisément les questions de gravitation et d'ingénierie évoquées qui, sous forme purement textuelle, semblent inutilement obscurcies. Ce qui fait office de trame a un final potentiellement percutant mais bien trop peu développé.

Night Running, 2023 (2,5/5)

C'est loin d'être mauvais, et même plaisant à lire, mais une fois n'est pas coutume chez Egan, c'est terriblement peu original. Un employé surchargé décide de prendre une drogue qui lui permettrait de travailler ou faire d'autres choses constructives pendant son sommeil, et il perd rapidement le contrôle de son alter-égo somnambule. C'est un schéma narratif déjà lu et vu mille fois, de Jekill & Hide de Stevenson à très récemment le film The Substance.

Solidity, 2022 (lu en diagonale/5)

Les gens se mettent à tous passer d'un univers parallèle à un autre, constamment. Il est donc très compliqué de maintenir la moindre cohésion sociale, mais également de maintenir un intérêt narratif. Le concept est instantanément limpide et la trame semble machinale.

samedi 18 octobre 2025

Pourquoi on greffe les arbres fruitiers & reconnaitre les points de greffe


Hop, deux vidéos où je parle de greffe, la technique essentielle pour reproduire les variétés fruitières. 

Liens direct vers youtube :

 Pourquoi on GREFFE les arbres fruitiers 

 Reconnaitre les POINTS DE GREFFE et pourquoi c'est important

lundi 6 octobre 2025

Instanciation - Greg Egan

Un peu de Greg Egan : je dois avouer que j'étais en manque. Je me suis résolu, après quelques années de réticence, à enfin commander certains de ses derniers volumes sur Amazon : hélas, il ne sont disponibles que là. C'est, je crois, une forme d'auto-édition où le bouquin est imprimé par Amazon. Est-ce plus rentable pour Greg Egan qu'une "vraie" maison d'édition ? Ou ses écrits plus récents sont-ils plus difficilement publiables ?

C'est donc un recueil de nouvelles, de bonne facture, même si on atteint pas les sommets trouvés dans Axiomatique, Radieux et Océanique. A noter que le recueil du même nom, récemment paru au Bélial, ne contient que trois des nouvelles lues ici.

The discreet charm of the Turing Machine, 2017 (5/5)

Un futur proche, à peine science-fictif. Alors que le salariat humain est progressivement rendu obsolète par les algorithmes, une famille de "classe moyenne" se retrouve petit à petit plongée dans la misère financière. Tout le monde est à la fois hyperconnecté et complètement désemparé face à cette algorithmisation du monde. Les IA sont entrainées sur le travail des humains qu'elles remplacent par la suite, et rien à faire, elles coûtent moins cher, le mouvement est inarrêtable. Cependant, quel avenir pour ceux qui vendent ces solutions post-humaines si plus personne n'a les moyens d'acheter leurs produits ? Alors se met en place une sorte d'UBI (Universal Basic Income) nébuleux, secret, personnalisé pour chacun à l'aide d'algorithmes. On croit travailler, mais c'est juste pour occuper artificiellement les masses, avoir une raison de recevoir un salaire qui servira à acheter les produits et services des géants de la tech, et la boucle est bouclée. Cette artificialisation radicale de l'existence n'a pas besoin des systèmes totalitaires des dystopies du passé. La satire est excellente, le sujet est pertinent et exploré avec intelligence, j'ai beaucoup aimé. 

 Zero of Conduite, 2013 (4/5)

Une nouvelle qui date de ce que je suppose être la période Moyen-Orient de Greg Egan. On y suit une ado surdouée qui, dans le contexte défavorable de l'Iran et de l'Afghanistan, lutte pour développer une nouvelle technologie de semi-conducteur. Pas de grand concept, c'est plus intime, plus simple ; on se concentre sur un cadre géographique, culturel, économique. J'ai aprécié.

Uncanny Valley, 2017 (3/5)

Un clone virtuel dans un corps artificiel est en quête de sa propre identité après la mort de son "parent". Celui-ci n'a d'ailleurs pas transféré tous ses souvenirs à son "fils", comme s'il avait des choses à cacher. La quête impossible d'identité est bien écrite, mais ça manque de direction et de punch.

Seventh Sight, 2014 (4/5)

Un concept simple, dont la narration est un simple prétexte pour l'explorer. Quelques enfants qui, pour des raisons médicales, ont des yeux artificiels, décident de pirater ces implants pour augmenter drastiquement la partie du spectre électromagnétique perçue, les faisant passer d'un trichromatisme classique à un heptachromatisme. Mille nouvelles beautés s'offrent à eux, mais c'est un fossé qui les sépare du reste de l'humanité. Encore une fois c'est mesuré, intime, mais satisfaisant narrativement, avec une progression douce-amère.

The Nearest, 2018 (4/5)

Ce qui commence comme une simple enquête policière pour meurtre révèle rapidement une bizarrerie anormale qui, comme le récent film Weapons (Évanouis en VF), ressemble fortement à un pitch de scénario pour le jeu de rôle Delta Green. (J'écoute trop de podcasts Delta Green). Il s'avère qu'un virus détruit tout attachement émotionnel envers les gens proches (les nearest) et convainc les victimes que ces proches sont devenus des sortes d'imposteurs, des zombies inhumains. C'est très fun, le concept est excellent, c'est une pirouette de plus d'Egan dans le sens d'un esprit humain purement physique, matériel, amas de neurones et d'hormones qui peut être perturbé, modifiant ou détruisant au passage ce qu'on imagine être soi. Le seul souci narratif, c'est comme on suit une des victimes de ce virus, le lecteur comprend bien avant la protagoniste la solution du problème.

Shadow Flock, 2014 (3/5)

Une histoire de vol de portefeuilles de cryptos à l'aide de nuées de microdrones programmés pour agir de façon autonome face aux imprévus. C'est plutôt fun, sans plus. Les cambriolages auraient mérités d'être plus développés.

Bit Players, 2014 (4,5/5)

Trois des grandes passions de Greg Egan en une seule nouvelle : les mondes virtuels, les mondes avec une physique improbable, et les problèmes d'identité. La protagoniste se réveille dans un monde qui, physiquement, ne tient pas la route. Elle apprend qu'elle, et d'autres, sont des PNJ (personnages non joueurs) dans une sorte de simulation en VR. Elle tente ensuite de manipuler les règles de ce monde virtuel pour améliorer son sort et celui des autres... humains virtuels ? IA se prenant pour des humains ? Comme souvent chez Egan c'est le concept avant tout le reste, la narration est donc un peu faible, mais c'est très marrant et stimulant.

Break my Fall, 2014 (2/5)

Encore une fois, une nouvelle qui est une excuse pour un problème de physique. Pour la première fois dans ce recueil, ça se passe dans l'espace. Cette fois, j'ai trouvé le prétexte narratif trop faible et le problème décrit n'a pas non plus su m’accrocher, j'ai lu en diagonale.

3-adica, 2018 (4/5)

Une suite a Bit Players. La protagoniste a obtenu la capacité de se déplacer d'un monde virtuel à l'autre. Cette fois, elle est dans un Londres victorien, brumeux, gothique, rempli de vampires et d'autres bestioles tirées de la littérature fantastique. Le ton est beaucoup plus littéraire, puisque ce monde est supposé être un amalgame de clichés littéraires, et c'est franchement marrant. C'est un changement d'ambiance qui fonctionne car il est totalement méta : les personnages ont parfaitement conscience d'être dans une fiction invraisemblable. Le concept mathématique qui donne son nom à la nouvelle est basé sur les nombres p-adique, sujet à propos duquel je n'ai pas compris grand-chose.

The Slipway, 2019 (4/5)

Une nouvelle de SF tout à fait classique, pour une fois ! Une potentielle menace cosmique apparait dans le ciel étoilé, et la quête scientifique pour comprendre cette menace est lancée. La résolution n'est pas aussi originale que d'autres problèmes narrés par Greg Egan, mais j'ai néanmoins beaucoup aprécié. Il y vraiment cette pointe de sense of wonder, ce plaisir du décryptage progressif de l'inconnu.

Instanciation, 2019 (3/5)

Suite et conclusion à Bit Players et 3-adica. Le début est chouette — faire face au besoin impératif de s'extraire des mondes virtuels face à la faillite annoncée de la boite qui les gère — et la conclusion aussi, mais le processus narratif, qui implique une longue immersion dans un énième monde virtuel et des interactions prolongées avec une unique joueuse, m'a semblé bien peu passionnant. J'ai même parfois lu en diagonale. Une conclusion en demi-teinte pour une série de nouvelles qui mériterait plus d'être considérée comme un roman court dont il serait dommageable de ne lire que la seconde ou la troisième partie.