mercredi 31 mai 2023

La Terre, le vivant, les humains - Chapitre II : Histoire(s) de la vie

La Terre, le vivant, les humains - Chapitre II : Histoire(s) de la vie

Bref compte-rendu du deuxième chapitre de la masse qu'est La Terre, le vivant, les humains, après le Chapitre I : Histoire(s) de la planète.

Chapitre II : Histoire(s) de la vie

L'introduction à ce chapitre m'a tout d'abord semblé supérieure aux intros précédentes, en se contentant d'offrir un aperçu très bref mais bien foutu de la discipline qu'est la biologie. Quelques paragraphes sont de l'excellente vulgarisation :

Depuis environ un siècle, il est établi que quatre familles de "briques" moléculaires, capables de former des macromolécules, sont à la base de toute forme de vie sur Terre. La première famille porte les informations génétiques sur les acides nucléiques (ADN, ARN); la seconde réunit les protéines qui donnent aux cellules leur volume tridimentionnel, catalysent les réactions biochimiques et assurent une multitude de fonctions de régulation; la troisième réunit les acides gras, dont les lipides forment des membranes assurant la stabilité du milieu intérieur de l'organisme; enfin, les polysaccharides, qui sont l'un des principaux intermédiaires biologiques de stockage et de consommation d'énergie

Pourquoi ces briques sont-elles essentielles à la constitution de tout organisme vivant? Quelle est la propriété qui leur confère ces étonnantes facultés? Il s'agit tout simplement de leur capacité à s'auto-assembler par polymérisation et selon des interactions dictées par des forces physiques présentes dans les milieux où elles se trouvent. Ces assemblages ne sont pas l'œuvre du hasard, ils sont reproductibles et transmissibles grâce à un "plan de montage" spécifique à chaque organisme vivant, le fameux génome, principalement celui de l'ADN. Cette molécule organique est composée d'un enchaînement de 4 bases azotées (adénine, cytosine, guanine et thymine) dont l'ordre (appelé séquence) détient le message héréditaire. Sa structure en double hélice formée de deux brins de séquences complémentaires lui permet de se répliquer et d'assurer la transmission du génome. Cette structure lui permet aussi de transmettre le message héréditaire aux différents ARN, chargés de le traduire en de multiples assemblages d'acides aminés qui constitueront la formidable diversité des protéines nécessaires au fonctionnement de chaque cellule.

Dommage que par la suite l'intro se remette a faire un simple résumé des articles à venir. On peut même deviner qu'un article a été changé de chapitre tard dans le processus éditorial car on en devine le résumé dans cette intro alors que l'article est dans le chapitre précédent ! 

Dans L'Origine des espèces, Darwin propose l'idée de l'arbre du vivant, et il en fait un même un premier schéma, mais juste pour en démontrer le concept : il ne note aucun nom d'espèce sur son arbre conceptuel. Ce n'est qu'à partir de 1950 (!) que les espèces ont pu véritablement être reliées entre elles systématiquement et de façon fiable. Le caractère incroyablement récent de tant de découvertes en biologie est difficilement imaginable. Et depuis plus récemment encore, les allées et venues de différentes espèces peuvent être connues avec une précision encore une fois difficilement concevable. Par exemple, en examinant les restes d'ADN dans les sédiments d'une grotte, on peut obtenir une frise chronologique retraçant les espèces qui s'y réfugiaient au fil des millénaires. Un gramme de sable ou de glaise peut donner des informations sur le passage de dizaines d'espèces.

On connait le rat-taupe, ce rongeur aux étonnantes capacités de longévité qui est au cœur de tout un tas de recherches, mais voici un autre fun fact à son sujet : chaque colonie de rat-taupes a son propre dialecte, et chaque rat-taupe peut faire la différence entre son dialecte et un autre. Je note aussi les articles sur deux autres créatures : les fameux tardigrades, et le blob, ce machin unicellulaire aux milliers de noyaux.

Dans le sol, il y donc on le sait une vaste quantité de petites bestioles, qui communiquent (entre autres) par l’émission de molécules chimiques, molécules qui peuvent avoir un effet sur les plantes. On en distingue deux types : 

  • Les alléochimiques, qui ont une action entre individus d'espèces différentes, voire, souvent, de groupes et de règnes différents (par exemple plantes-champignons, animaux-plantes...)
  • Les phéromones, qui permettent l'interaction entre individus d'une même espèce, pour s'accoupler, signaler un risque, se regrouper...

Mais ça serait trop simple, il y a aussi les phéromones d'agrégation : utilisés pour le regroupement au sein d'une espèce, ils agissent aussi sur d'autres. Leur rôle semble être de créer une barrière entre individus interfertiles et les autres, ce qui est particulièrement important quand des espèces sont par ailleurs proches et peuvent donc facilement se confondre : on comprend qu'il y a une extrême pression sélective pour la capacité à éviter les accouplement infertiles.

On devine instinctivement que notre degré d'empathie envers les animaux est globalement proportionnel à leur ressemblance à nous, et il semblerait que ce soit à la symétrie non bilatérale que l'empathie s'arrête. Pour les animaux à symétrie bilatérale, notre empathie est proportionnelle à leur parenté envers nous, mais passé ce point de bascule, le degré de parenté n'influe plus sur l'empathie, qui reste bloquée au minimum. Enfin, à une exception près : les parasites, comme la tique, quelle que soit leur symétrie, sont de loin les moins aimés.

Le chapitre sur les coopérations mutualistes contient quelques exemples frappants sur ces tribus africaines qui coopèrent avec l'indicateur (c'est le nom de l'oiseau en question) pour trouver des ruches. Les deux partenaires se partagent le trésor ; tous les détails sur les machinations des humains, qui débordent d'ingéniosité pour manipuler l'oiseau et obtenir toujours plus de miel, sont hilarants. L'oiseau parvient à localiser les ruches avec une aisance que les humains n'ont pas, et les humains font dégager les abeilles, ce que l'oiseau serait bien incapable de faire ; ça fait sens, mais la mise en place d'une telle coopération n'est pas moins stupéfiante. Détail capital : les oiseaux sont sauvages, il ne s'agit pas de domestiques. Ce genre de relation est un délice à étudier tant c'est révélateur sur la psychologie des humains, et même des êtres vivants en général, qui cherchent chacun à extraire un maximum de valeur des autres en équilibrant les bénéfices à court terme et à long terme ; psychologie dont le but n'est autre que la maximalisation par chaque être de sa valeur adaptative.

L'article de Marc-André Selosse, auteur entre autres de Jamais seul, est un gros morceau particulièrement passionnant. Pourquoi autant de variété végétale dans les forêts tropicales ? La probabilité qu'une graine soit fertile augmente drastiquement avec la distance à l'arbre-mère, alors que paradoxalement il y a logiquement plus de graines près de l'arbre-mère. La raison, c'est qu'il y a autour de l'arbre-mère tout un tas de parasites (champignons, insectes, bactéries...) spécialisés dans cet arbre : ils massacrent donc les jeunes plants encore faibles, qui, eux, ont plus de chance de survivre plus loin, là où se trouvent des organismes spécialisés dans l'attaque d'autres végétaux. Ainsi une même espèce ne peut coloniser avec succès une même niche écologique (comme c'est le cas chez nous par exemple), puisque chaque plante crée les conditions qui favorisent d'autres espèces. Si on stérilise les sols, en tuant donc les parasites, cet effet disparait. A l'inverse, dans les forêts tempérées (et d'autres exceptions), deux particularités : 1) la production de graines de manière irrégulière, comme le chêne, ne sert pas qu'à limiter la pression des ravageurs animaux, comme les rongeurs et les sangliers, mais aussi celle des ravageurs invisibles du sol, et 2) les mycorhizes (liens plantes-champignons) ont l'effet inverse des parasites : elles favorisent l'installation des plantules. Ainsi le type de vie du sol influe radicalement sur la vie végétale à la surface. La rétroaction négative a pour nom l'effet Janzen-Connell. L'article va bien entendu plus dans les détails et mérite la lecture.

Notons que les fleurs elles aussi subissent les effets du changement climatique, notamment en... changeant de couleur. Les pigments jouant un rôle important dans la protection des gamètes face aux UV, et ce changement est important : 2% par an depuis 1940 sur les fleurs étudiées.

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