Une douzaine d'années après les évènements de Dune, Paul est empereur. Il a mené une guerre religieuse et meurtrière à travers l'univers connu, et il est fatigué du pouvoir. Le ton est très différent de celui du premier tome et, en théorie, j’apprécie cette approche moins explosive, qui prend le temps d'étudier les horreurs qui vont avec le pourvoir. Le petit prologue est très efficace pour poser cette atmosphère : un historien se fait interroger par les prêtres de Paul, et on comprend qu'il va se faire exécuter pour blasphème. Paul n'est plus un héros, un sauveur, il est dépassé par le pouvoir qu'il incarne. Lui-même n'aspire qu'à le fuir.
Très bon point de départ, dommage que ces thèmes ne soient finalement que très peu explorés. Ce qui occupe l'essentiel du récit, c'est une conspiration contre Paul, conspiration qui hélas restera assez floue. On est très loin de la vivacité du premier tome, qui savait garder un rythme captivant en essaimant les moments mémorables. Cette fois, c'est essentiellement des dialogues et des monologues intérieurs. Dans l'absolu pourquoi pas, mais l'écriture d'Herbert ne parvient absolument pas à rendre intéressant ce rythme beaucoup plus lent. Les gens papotent, ils complotent, et Paul se lamente d'être le maître de l'univers, et toutes les tentatives philosophiques, toutes les tentatives d'être profond, tombent parfaitement à plat. On en vient à survoler tous ces dialogues où les personnages blablatent pour ne rien dire. Il y avait déjà un peu de cette fausse profondeur dans le premier tome, mais elle était plus que compensée par la vigueur narrative de l'ensemble. Ici, il n'y a qu'un seul moment mémorable : quand Paul, après une petite explosion atomique, perd la vue. Face à tous ses soldats stupéfaits, le Paul aveugle, grâce à sa vision oraculaire, continue à voir le monde, même sans ses yeux. Cette scène parvient à frapper l'imagination d'une façon qui manque à tout le reste du roman.
Mais cette scène est aussi le symptôme d'un autre problème : le pouvoir oraculaire de Paul se transforme en magie. Dans le premier tome, j'interprétais le pouvoir de Paul comme une hyper-intelligence causée par un mélange entre des prédispositions génétiques soigneusement sélectionnées, un entrainement intense depuis le plus jeune âge et l'action de la drogue qu'est l'épice. En somme, ça pouvait faire sens, dans un cadre science-fictif, que Paul possède une compréhension si intense du passé et du présent qu'il en vienne à pouvoir prédire partiellement l'avenir. Mais ici, son pouvoir devient si absolu, si détaché de toute contrainte matérielle, que je n'arrive plus à y croire. C'est encore pire à la fin : quand ses enfants naissent, Paul perd instantanément ses pouvoirs qui sont transférés à ses enfants. Pourquoi ? Comment ? Il n'y a pas la moindre explication.
Il y a d'autres problèmes avec le pouvoir le Paul. D'un côté, Frank Herbert veut que son personnage ait une incroyable capacité à prévoir l'avenir, et de l'autre, il veut mettre en scène un complot contre ce personnage. Comme on peut s'y attendre, Paul est capable de prédire la majorité du complot qui se trame contre lui. Alors pourquoi n'exécute-t-il pas immédiatement tous les comploteurs ? Frank Herbert essaie de se sortir de ce problème en mentionnant que Paul a vu dans ses visions que ce serait encore pire s'il agissait ainsi, mais sans l'expliquer clairement. Ainsi Paul doit jouer le jeu du complot, et on a surtout l'impression que c'est une facilité narrative pour l'auteur qui a envie d'écrire tranquillement son histoire de complot sans prendre la peine de s'assurer que tout tienne debout. Sans compter que les quelques points potentiellement intéressants ne sont jamais explorés. Par exemple, il est mentionné une fois que les comploteurs ont volé un ver des sables pour lancer la production d'épice sur une autre planète... et ensuite, ce point est complètement oublié, alors que l'épice est supposé être le pilier principal de tout l'univers de Dune.
Embourbé dans tous ces problèmes, on a du mal à apprécier, voire à trouver, la thématique de départ qui s'annonçait intéressante.
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