jeudi 29 août 2019
Man's Search for Meaning - Viktor Frankl
Man's Search for Meaning est divisé en deux parties. La première, écrite en neuf jours peu après la guerre, est un compte-rendu de l'expérience des camps de concentration et d'extermination d'un point de vue psychologique. Personnellement, j'associe ma connaissance des conditions de vie dans les camps essentiellement à Maus d'Art Spiegelman, que j'ai lu et relu de nombreuses fois pendant mon enfance. Sans surprise, les points communs entre les deux ouvrages sont légion. Chez Frankl, l'écriture est sobre, détachée, et je peux comprendre pourquoi ce petit texte a eu autant de succès. Notons qu'il n'est imprégné d'aucune colère, au contraire, il se termine sur l'exemple d'un directeur de camp qui, malgré sa position, faisait preuve d'une certaine humanité, et qui à la libération a été sauvé par ses propres détenus. Une telle conclusion n'est pas un hasard, et elle est habillement choisie pour marquer et interroger le lecteur.
La seconde partie est un petit essai présentant la théorie psychothérapeutique de l'auteur, la logothérapie. En gros, il s'agit de soigner mentalement en cherchant pour l'individu du logos, du sens. Franchement, ça me laisse plus que sceptique. Déjà, pas besoin d'être un psychologue surentrainé pour saisir que oui, en effet, l'idée de sens est importante pour un équilibre mental à long terme. Mais surtout, il échoue à donner à sa doctrine cohérence et profondeur. Exactement comme Jung dans son autobiographie, il se contente surtout de mentionner des anecdotes de thérapie, et on a juste l'impression qu'il est un homme intelligent et pénétrant qui, parfois, arrive à comprendre suffisamment l'esprit pour parvenir à aider des gens troublés.
Autre chose qui me chiffonne : la façon dont est traitée la religion. Frankl est un croyant, mais il ne l'affirme jamais clairement, il se contente d'allusions. Or, c'est extrêmement frustrant dans un ouvrage qui traite du sens. En effet, si Frankl croit en un Dieu, un principe créateur premier, alors il l'a, son logos, son univers raisonné et ordonné ! Mais il ne fait jamais ce lien entre les micro logos du thérapeute, par exemple vivre pour prendre soin d'un enfant, et le logos total du croyant. Comment est-ce possible ? S'il est croyant, c'est l'univers entier qui est sensé, et le logos inclut toute la création. Qu'il l'assume, bon sang. D'autant plus que le sujet des camps, mixé à un sous-texte clairement déiste, ne peut que mettre en avant le problème du mal, qu'il ne prend pas la peine d'aborder.
Un autre problème de cette logothérapie, qui a l'air de se concentrer sur des petits logos propres à chaque individu. Frankl évoque lui-même ce problème : « Woe to him who found that the person whose memory alone had given him courage in the camp did not exist anymore ! Woe to him who, when the days of his dreams finally came, found it so different from all he had longed for ! » En effet, ces petits logos sont fragiles. On peut penser à la place à la valeur de la position existentialiste : embrasser l'absurde, faire le deuil du sens, pour devenir créateur de son propre sens. Ou, bien sûr, à la position stoïcienne, dont Frankl se rapproche parfois, Man's Search for Meaning étant souvent considéré comme un représentant du stoïcisme moderne. Une belle phrase qui résume la posture : « It is not freedom from conditions, but it is freedom to take a stand toward the conditions. » Ici, je n'ai à redire.
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