It's so simple, she says. So obvious. Exponential growth inside a finite system leads to collapse. (p.321)
Il y a quelques temps, j'avais commencé à lire La Vie Secrète des Arbres de Peter Wohlleben. L'ayant trouvé fort mal écrit, je ne l'ai pas terminé. Mais on retrouve dans The Overstory une bonne partie des mêmes idée concernant les dernières découvertes du domaine forestier. Les arbres communiquent entre eux via des signaux chimiques, il peuvent coordonner leurs actions (par exemple faire tomber leurs glands seulement certaines années pour limiter la population de sangliers mangeurs de glands), s'entraident en échangeant des nutriments via leurs racines, et vivent en symbiose avec, entre autres, de nombreux champignons. Il me semble que Richard Powers puise beaucoup dans les diverses sciences, puisque certains détails concernant les forces sous-jacentes aux comportements humains, évoqués justement par un personnage qui est chercheur en psychologie, semblent sortir tout droit de Thinking, Fast and Slow de Daniel Kahnemann. Un autre personnage crée des jeux vidéos, des 4X (explore, expand, exploit, exterminate), et l'auteur évoque une sorte de croisement entre un MMO et un Civilization (message : même dans un virtuel initialement conçu comme une sorte d'idéal, les mêmes comportements suicidaires réémergent). Bref, beaucoup de choses s'entrecroisent dans The Overstory.
Mais le ciment qui lie tout ce matériau ensemble tient en un mot : les arbres. C'est un livre sur les arbres. La première partie du roman prend la forme de ce qui, sans la suite, serait une série de nouvelles. Chacune présente présente un ou des personnages dont les vies sont plus ou moins liées à celles des arbres. Puis le temps passe, ces personnages se croisent, grandissent, vieillissent, évoluent. Beaucoup d'entre eux deviennent des militants écologistes, et leurs aventures pacifico-violentes constituent le cœur du roman. Vus par la société comme des écoterroristes, matraqués et gazés par les forces de l'ordre, n'agissent-ils pas plutôt en autodéfense ? Voyant simplement à long terme quand la plupart des humains ne voient pas plus loin que le lendemain ? Le personnage psychologue sert à expliquer ces impasses de la pensée, pendant que la perso biologiste sert à exposer la science arboricole. Mais réduire ces personnages à des exposants serait faire insulte à l'auteur : Richard Powers écrit fort bien. Sa narration, ses personnages et son thème principal se répondent en permanence, avec élégance. Le grand drame qu'est l'humanité n'efface pas les petits drames humains. Il y a un bon équilibre entre le roman à idées et la pure littérarité, et je dirais que c'est la plus grande force de The Overstory. Connaissance et esthétique. La science embrasse l'art, et inversement.
Du coup, cette forme est liée au fond : l'humain devrait embrasser la totalité, il devrait avoir une vision globale, mais il en est incapable, aveuglé qu'il est par ses propres sociétés. Derrière tout le roman pèse l'idée que l'humanité n'en a plus pour longtemps, que les arbres repousseront sur les cadavres des villes. Dans cette grande fresque presque militante, certainement désespérée envers l'humain mais pleine d'espoir envers la vie en général, tout n'est pas sans faute. C'est parfois un peu too much, notamment sur la fin dans les maladroites évocations d'une future IA, ou dans une certaine (mais légère) personnification des arbres. Ce qui me passe en tête, c'est simplement ceci : il n'y pas besoin que quelque chose soit intelligent ou même conscient pour avoir à, ou devoir, le respecter (enfin, il s'agit plutôt de respect de sa propre espèce : les arbres sont nécessaires aux humains, mais l'inverse n'est pas vraie). Aussi, les 100 dernières pages manquent clairement de carburant. Mais rien de grave. Dans l'ensemble, c'est excellent. J'ai terminé The Overstory ce samedi matin, alors que des oiseaux chantaient dans la cour de mon pâté d'immeubles de centre-ville. C'est trop rare, de les entendre. Là, je me penche par mon unique fenêtre, et je vois des
Berries may compete to be eaten more than animals compete for the berries. A thorn acacia makes sugary protein treats to feed and enslave the ants who guard it. Fruit-bearing plants trick us into distributing their seeds, and ripening fruits led to color vision. In teaching us how to find their bait, trees taught us to see that the sky is blue. Our brains evolved to solve the forest. We've shaped and been shaped by forests for longer than we've been Homo sapiens. (p.454)
2018, 502 pages, w.w. norton & company
Il y a effectivement des longueurs sur la fin et la deuxième moitié du livre a une tendance un peu mystique. Mais c'est un très bon livre et une lecture importante, voire nécessaire.
RépondreSupprimerAu passage, si tu vois des hirondelles en février, surtout dans les branches des arbustes, je suis curieux de savoir où tu vis… ;o)
Hum, en effet, les oiseaux étaient bien réels, mais les hirondelles seulement dans mon imagination apparemment ! (Quoique vu la température, elles n'auront bientôt plus besoin de migrer.) J'ai un faible pour les hirondelles depuis que j'ai assisté, l'année dernière, à la campagne, aux premiers vols de plusieurs petits. Les parents les encourageait, c'était adorable. Je passais un temps fou à observer un nid idéalement placé.
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