samedi 2 février 2019
Revival - Stephen King
J'avais envie de lire Revival parce que King présente ce roman comme une sorte d'hommage aux grands auteurs à qui, comme beaucoup d'autres écrivains, il doit sa carrière. Il cite en épigraphe des noms aussi glorieux que Mary Shelley, Bram Stoker, Lovecraft, Clark Asthon Smith, Robert Bloch, Arthur Machen... Et même Derleth. Du beau monde.
Mais qu'est-ce qu'il en fait, de ce beau monde ? Tout d'abord, pas grand chose. King fait du King. Le narrateur raconte son existence, de sa petite enfance à sa vie adulte de musicien raté et toxico. Sa vie est liée à celle de Jacobs, un prêtre qui, rapidement, se détourne de la religion. Le début est excellent, en bonne partie grâce au personnage de Jacobs. King dépeint à merveille cette Amérique classique, avec des familles, des jardins, des premières expériences sexuelles et des dimanches à la messe. Jacobs, au début, rentre très bien dans le moule, mais quand sa femme et son fils meurent, il rejette brutalement le christianisme pour se tourner vers sa vraie passion : l’électricité. Pendant la moitié du récit, tout fonctionne à merveille, l'écriture simple de King est au service d'une lente montée de la tension, et le parcours du narrateur, qui se débat d'abord dans la banalité de l'adolescence puis dans les griffes de la drogue, est suffisamment captivant. Il parvient à installer quelque chose, un parcours de vie touchant, une atmosphère titillante. Bon, par contre, on voit de loin où il veut en venir : un savant fou passionné par l’électricité, et qui en plus est attristé par la mort de sa femme et de son fils, avec en plus une mise en avant des orages et des éclairs, sachant que le roman est un hommage à, entre autres, Mary Shelley... Et en effet, c'est bien là qu'il va. Pas très subtil.
Petit à petit on se dit que le final va être décevant. Et, bingo, la fin est mauvaise. Vraiment très mauvaise. Du pastiche sans âme de Frankenstein et de Lovecraft. Déjà, King est vraiment d'un manque de subtilité confondant. Il balance des noms et des termes comme un ado écrivant sa première nouvelle inspirée de Lovecraft. Allez, hop, un petit grimoire, il faut bien, c'est obligé, par ici De Vermis Mysteriis. Et une citation de Lovecraft, aussi. Mais il faut la répéter au moins trois fois, pour éviter que le lecteur l'oublie. Et puis autant citer le nom de Lovecraft, pendant qu'on y est. Et parler des Great Ones. Et pareil pour Mary Shelley. Une perso s'appelle Shelley, son mari est un poète, leur enfant s'appelle Mary, et son fils à elle Victor... Et le tout en préparation d'une scène de résurrection par la foudre C'est sûr, ça serait dommage qu'on passe à côté de l'hommage : alors King nous l'enfonce dans la gorge à coups de marteau.
Mais les visions de Shelley et Lovecraft sont radicalement différentes. La première est totalement ancrée dans un déisme chrétien, la seconde dans un matérialisme athée. Et les deux ne vont pas bien ensemble. D'ailleurs, ce final ne va même pas avec le reste du roman. King fait du King, il est verbeux, très verbeux, mais ça passe, et tout d'un coup il balance la bombe lovecraftienne : une vision de l'après-vie maladroitement pompée dans les récits du maitre. Et le lecteur se dit : tout ça pour ça ? Parce que cette vision, bien que parée d'un mince et bancal vernis lovecraftien, n'est qu'une classique peinture de l'enfer chrétien : des âmes humaines persécutées par des démons sous la surveillance d'un démon en chef. Et placer le vocabulaire lovecraftien, comme cyclopéen par exemple, n'y change rien. C'est d'une rare banalité. C'est juste... l'enfer, quoi. Sujet mal amené et déjà traité un milliard de fois, souvent bien mieux. Banal aussi de faire dire au narrateur qu'il y a un savoir qu'il vaut mieux ignorer (cliché lovecraftien). Ou finir sur une scène dans un asile (énième cliché lovecraftien). Ou, pire encore, faire du narrateur une clé, un élu, sans s'embêter à expliquer pourquoi.
C'est dommage, parce que je ne nie pas avoir avoir beaucoup aimé la première moitié, voire les deux premiers tiers de Revival. King y dépeint fort bien une histoire de passage à l'âge adulte dans l'ombre d'une personnalité mystérieuse, celle du prêtre renégat. Mais la suite n'y semble qu'à peine rattachée, et quitte à lire un mauvais pastiche lovecraftien, autant se tourner vers les nouvelles de ses admirateurs indiciblement nombreux. Elles ne manquent pas, et au moins, quand on se rend compte à fin que c'était fort mauvais (c'est à dire la plupart du temps), on a moins l'impression de s'être fait arnaquer.
400 pages, 2014, scribner
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