mercredi 14 septembre 2016
Les Misérables - Victor Hugo
C'est bien, mais c'est long.
Quand je dis que c'est long, ce n'est pas simplement parce que les deux volumes font environ 1800 pages. Non, c'est parce qu'une bonne partie de ces pages semble superflue. C'est étrange : je crois que je n'ai jamais sauté autant de pages dans un roman, jamais autant lu en diagonale, tout en appréciant énormément le roman en question. Disons que Hugo n'a pas vraiment l'esprit de synthèse. Il développe, il se répète, multiplie les paraphrases et les questions rhétoriques, c'est épuisant. A de nombreuses occasions il sort complétement de son récit pour disserter pendant des dizaines de pages sur Waterloo, les égouts de Paris, un couvent, et autres choses encore. Mais pourquoi fait-il ça au lieu de simplement utiliser ses personnages et leurs pensées ? Pourquoi décrit-il Waterloo en se mettant en scène lui-même en tant qu'auteur, et en énumérant un nombre affolant de détails et de noms d'officiers, alors qu'il a un personnage sous la main et qu'il pourrait nous faire vivre la bataille à travers ses sens ? Pourquoi n'utilise-t-il pas plutôt Cosette, qui vit pendant des années dans le couvent, pour nous faire découvrir les mœurs locales à travers elle, de façon intégrée à la narration globale ?
Bref, Les Misérables m'a semblé plein d'excroissances verbeuses qui viennent gâcher un cœur excellent. Il est clair que Hugo sait créer des situations et des personnages. Jean Valjean, Javert, Marius, Gavroche, Thénardier et bien d'autres sont des caractères en métal, extrêmes, puissants et marquants. Cosette, par contre... Elle est pure, chaste, belle, ignorante et niaise. Il ne faut pas lui dire ce que sont les galères, la pauvre, ça la choquerait. Tiens, petit extrait croustillant : « La poupée est un des plus impérieux besoins et en même temps un des plus charmants instincts de l'enfance féminine. Soigner, vêtir, parer, habiller, déshabiller, rhabiller, enseigner, un peu gronder, bercer, dorloter, endormir, (...) tout l'avenir de la femme est là. » Allez, encore un : « ... un des deux germes qui doivent plus tard emplir toute la vie de la femme, la coquetterie. L'amour est l'autre. » Intéressant aperçu de la vie des jeunes femmes de la bonne société de l'époque. Eponine est un personne féminin plus intéressant. Enfant des rues, elle court en haillons à droite et à gauche, se nourrissant de ses fantaisies plus que de pain.
Le roman culmine dans une longue et géniale scène de barricade révolutionnaire, vouée à l'échec, où les personnages se croisent, souffrent et meurent. Ces pages sont fantastiques et tragiques, Hugo captive. Dans ce genre de moment, Les Misérables est le chef d’œuvre tant vanté. Mais après, au lieu de finir en apothéose, Hugo fait agir ses personnages stupidement. Marius se met soudain à mépriser Jean Valjean, son beau-père, parce qu'il a été au bagne pour avoir volé un pain, alors que lui-même a souvent sacrifié le peu qu'il avait pour donner aux affamés et que, six mois auparavant, il a tué de son plein gré, sans que rien ne l'y oblige, un paquet de soldats et gardes nationaux. Mouais. Et Jean Valjean, au lieu de lui dire "mon p'tit gars je t'ai sauvé la vie alors respect", ne révèle à propos de lui que le négatif (et encore, ce n'est pas grand chose) et omet le positif. Oui, bon, Jean Valjean est une figure christique, ça va, on a compris depuis un moment. Hugo met dieu partout, à toutes les sauces, c'est fatiguant. Il cite Homère, il cite Dante, ça n'en finit pas.
Impression personnelle mitigée, donc, pour la grande œuvre romanesque de Hugo. J'en retiens des personnages admirablement dessinés, quelques scènes d'anthologie, et une grande envie de donner des coups de ciseaux là-dedans.
environ 1800 pages, 1862, Folio
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
J'ai lu Les misérables deux fois. La première, je crois que j'étais au collège, et cette lecture m'avait sidérée, terriblement émue. je m'étais surtout attachée à ces figures que l'on connait au moins de nom, même lorsqu'on n'a pas lu le livre : Jean Valjean, Cosette, Gavroche....
RépondreSupprimerLors de ma relecture, j'avais été frappée par l’ensemble de coïncidences que renferme l'intrigue, et qui m'ont parfois semblé peu crédibles. Et le texte a cette fois davantage parlé à mon intérêt pour l'époque dépeinte, pour l'atmosphère, qu'à mon empathie pour les héros. Mais cela reste un des romans qui a marqué profondément ma vie de lectrice, même si, comme toi, j'ai lu certains passages en diagonale (Waterloo...... aaaarghhh !!)
En effet, le nombre de fois où les personnages se tombent dessus "par hasard" défie toute réalité statistique ;) Et oui, ce mélange d’excellence littéraire et de moments soporifiques est assez étonnant.
RépondreSupprimer