mardi 23 février 2016
La Curée - Zola
La Curée, deuxième volume des Rougon-Macquart. Le second empire attise les appétits, et Aristide Saccard, venu à Paris avec sa femme, sa fille et beaucoup d'ambition, veut sa part du gâteau. Paris est détruit pour être reconstruit, les nouveaux boulevards tracent leur chemin à travers les vieux bâtiments. Il y a là de quoi faire de belles affaires immobilières, pour qui n'est pas trop étouffé par son sens moral. On s'en doute, ce n'est pas le cas de Saccard.
Zola met en scène ce qu'il appelle la décadence, la pourriture de second empire. Et c'est très drôle. Par exemple, Saccard, négociant un nouveau mariage avec la belle Renée, mariage arrangé pour une dot avantageuse, le tout sur le lit de mort de sa femme agonisante, pour qui la trahison de son mari sera les dernières paroles qu'elle entendra de son vivant. Cela pose le ton. Tout est permis, ne comptent que la gloire et la fortune. Un fois installé, Saccard vit comme un prince, mais sans accumuler. Ce qu'il gagne avec ses arnaques, il le dilapide immédiatement. Tout est affaire d'apparences. Ainsi, n'ayant plus un rond en poche, il est plus avantageux pour lui d'aller au bal avec sa femme portant une parure de diamant d'une immense valeur plutôt que de vendre les bijoux. Tout le monde croira à sa fortune, et donc on acceptera de lui faire crédit.
Saccard, sa femme Renée et son fils Maxime vivent dans un palace comme trois étudiants en collocation. Ils se croisent de temps en temps, vont passer la nuit où bon leur semble et vaquent à leurs occupations, l'un apportant l'argent qui sera dilapidé par les trois. Et dans cet ennui malsain, la seule excitation qui reste à Renée est celle de l'inceste. Maxime, sous ses airs androgyne, ne manque pas de charme...
Zola peint à merveille cette société d'opportunistes en quête de gloire et de plaisirs. Les trois personnages principaux, dans leurs excès comme dans leurs faiblesses, sont absolument captivants. Saccard, habité d'une folle puissance vitale qui lui confère un charisme impressionnant, est comme la vie elle-même, il crée et détruit sans questionnements moraux, seule compte l'action. Le personnage ne changera pas dans L'Argent. Renée, femme flamboyante servant de jolie façade à son mari, plongée dans les plates occupations d'une vie faite d'oisiveté, de plaisirs charnels et de robes aux prix scandaleux. Habitée comme son mari d'un puissant élan vital, elle n'a pas comme lui de terrain de jeu où dissiper son énergie, et elle finira ainsi par se consumer. Et Maxime, plongé dès son adolescence dans ce milieu marécageux, a très bien su s'adapter. Des plaisirs de la chair et de l'habilité sociale, il n'a pas grand chose de plus à apprendre. Pourtant, tout cela le lasse, le fatigue. Il n'a pas l'énergie de son père ou de son amante, il se laisse porter par le courant, en sachant quand regagner la berge. Vers la fin du roman, un scène excellente met en scène Saccard, essayant de persuader Maxime, désormais indépendant financièrement, de lui confier son argent pour l’investir dans quelque spéculation suspecte. Maxime, riant, cynique, refuse catégoriquement, et son père semble sincèrement ne pas comprendre qu'on ne veuille pas lui confier d'argent.
Zola est un maitre pour ce qui est de peindre la société, mais là il m'a particulièrement ébloui avec un trio de personnages vraiment fascinants. Génial.
1871, le livre de poche
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