Je n'avais jamais entendu parler de
Une page d'amour avant de tomber dessus par hasard à un moment où ne s'offrait à moi qu'un choix de lecture assez limité. Et après lecture, je comprend pourquoi c'est un volume particulièrement oublié des Rougon-Macquart.
Après
l’Assommoir, Zola revient à un type de roman plus tranquille et convenu. Quelques personnages s'ennuyant dans un milieu bourgeois, quelques histoires d'adultères. A Paris, Hélène, jeune et belle veuve, vit avec sa fille Jeanne, gamine d'une douzaine d'année à la santé fragile. Dans la maison d'à coté habitent Juliette et son mari Henri, médecin. La première va devenir une amie bavarde et mondaine, l'autre un amant. Bien entendu Hélène et Henri passeront la plus grande partie du roman à se regarder dans le blanc des yeux de façon purement platonique. Zola, lui, passe un temps fou à décrire Paris vu de la fenêtre de l'appartement d'Hélène. Et l'élément le plus pénible du roman, à mes yeux, c'est le personnage de Jeanne. C'est une peste, un monstre d’égoïsme. Elle bouffe littéralement la vie de sa mère. Et elle ira même jusqu'à
mourir de jalousie parce que sa mère aime un homme et la délaisse légèrement. Elle prend une place énorme dans le roman et n’arrête pas d’être malade, d'agoniser, d'aller mieux, de faire une crise ... Zola a certes voulu étudier un caractère maladif, mais là, on voudrait juste qu'elle meure plus tôt pour qu'Hélène puisse enfin essayer de vivre sa vie.
Heureusement, Zola est toujours habile à décrire un environnement. Ici, on assiste aux bonnes manières bourgeoises, aux existences pleines de vide de ces femmes de bonne famille, courant après les potins, les draps de soie et les occupations à la mode. On voit à quel point les institutions sont incompatibles avec les vérités humaines : comment blâmer les adultères quand les mariages sont arrangés et sans désir ni amour ? C'est là la partie intéressante du roman, et c'est là-dessus qu'insiste l'excellente fin. Hélène, finalement engagée dans un mariage pratique et raisonnable, reprend le cours de sa vie et se demande si elle a bien fermé sa grosse malle. Fini la passion, elle est de retour avec un homme qui la vénère comme une belle statue et pour qui elle n'éprouve qu'une bienveillance maternelle.
370 pages, 1878, Folio