dimanche 24 mai 2015
L'amant de Lady Chatterley - D.H. Lawrence
Ce livre est vraiment une apologie de la sensualité. Ce qui unit Constance Chatterley à son amant, le garde-chasse de son mari, c'est le sexe. La compatibilité sexuelle. Le mari et l'amant sont deux opposés. Le premier, blessé lors de la grande guerre, est impuissant. Il oppose constamment le corps à l'esprit, persuadé que l'Homme est tiré vers vers le bas par son corps et poussé vers le sublime par son esprit. Une dualité très chrétienne. L'amant, lui, est un "homme véritable". L'auteur utilise souvent ce genre d'expression. Il est calme, sur de lui et de ses désirs. Le mari possède des mines, il représente l'industrie, l'opposition des classes, le capital, le progrès mécanique, la déshumanisation. L'amant est la chair, la volonté, la simplicité, l'amour sous la pluie, l'homme des bois solitaire fuyant une humanité devenue froide et avide.
Le mari.
Ne projette pas tes illusions sur les autres. Les masses ont toujours été et seront toujours les mêmes. Les esclaves de Néron différaient très peu de nos mineurs ou des ouvriers de chez Ford. Je parle des esclaves de Néron aux mines et champs. Ce sont les masses, on ne peut pas les changer. Un individu peut émerger de la masse. Mais cela n'y change rien. Les masses sont immuables. C'est l'un des aspects les plus significatifs des sciences sociales. Panem et circenses ! Simplement, aujourd'hui, l’instruction est l'un des plus mauvais succédanés du cirque. aujourd'hui, notre tort est d'avoir supprimé le cirque du programme pour aller intoxiquer nos masses avec un semblant d'éducation.
L'amant.
Il redescendit dans l'obscurité et la solitude du bois. Mais il savait que cette solitude était illusoire. Les bruits industriels la fracassaient, les lumières dures, bien qu'invisibles, la tournaient en dérision. On n'avait plus le droit de vivre dans la solitude et la retraite. Le monde ne tolère pas les ermites. Et voici que, ayant pris cette femme, il s'attirait un nouveau cycle de douleur et de damnation. Car il savait par expérience ce que cela voulait dire.
Ce n'était pas la faute de la femme, ne même celle de l'amour, ni même celle du sexe. La faute venait de là-bas, de ces méchantes lumières électriques et des sataniques grincements des machines. Là-bas, dans cette voracité mécanique, et dans l'avidité mécanisée, étincelante de lumières, crachant son métal brulant, avec ses véhicules grondants, là-bas était le fléau, prêt à détruire tout ce qui ne s'y intégrait pas. Bientôt, le bois serait détruit, les campanules ne fleurirait plus. Toutes les choses vulnérables devraient périr sous l'implacable déferlement du fer.
Celui qui a la sympathie de l'auteur, c'est bien sur l'amant. Mais dans les deux cas il y a un certain mépris des masses, rendues folles par le développement du capitalisme.
Allez leur faire comprendre que vivre ne veut pas dire dépenser ! Mais à quoi bon ! Si seulement on leur apprenait à vivre au lieu de leur apprendre à gagner et à dépenser, ils pourraient très bien se trouver heureux avec vingt-cinq shillings.
Si je place beaucoup de citations, c'est que la prose de Lawrence a quelque chose de spécial. Un lyrisme sensuel qui prend une dimension générale : les ressentis des deux amants servent à montrer ce qui est absent chez la plupart des gens, ce qui manque au monde. L'amant de Lady Chatterley, c'est un peu Hermann Hesse qui rencontre Germinal. L'impitoyable déferlement des machines est inévitable, et l’échappatoire se trouve dans l'acceptation du corps et de ses plaisirs. Un roman avec une vision très forte, une vision toujours digne d'intérêt. Ah, et la fascination phallique de l'auteur, débarquant régulièrement à l'improviste, m'a parfois fait éclater de rire. Que c'est curieux, dit-elle lentement, de le voir dressé, si gros, si sombre, si arrogant ! Est-ce vraiment lui ?
384 pages, 1928, Le livre de poche
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