samedi 12 octobre 2013
Walden - Henry Thoreau
Walden, c'est le nom du lac auprès duquel Thoreau passa deux années de vie dans une petite cabane construite de ses mains, de 1845 à 1847. Et Walden, c'est aussi le nom d'un étrange objet littéraire.
Mais qu'est-ce donc ? Un essai, un récit, un roman philosophique, une autobiographie, du nature writing ? Walden rentre difficilement dans les cases. Disons qu'il rentre un peu dans chacune. Thoreau nous parle beaucoup de lui, et de ses opinions. Il est loin d’être misanthrope, il ne s’exile pas pour fuir ses semblables. Il a même beaucoup de contacts humains : il va régulièrement au village situé non loin, il reçoit la visite de nombreux amis, et apprécie la compagnie de visiteurs inattendus, les bois du XIXème siècle étant bien plus animés que les nôtres. Pour mieux comprendre ses motivations, rien ne vaut une citation. Et comme je cède à la facilité, voici celle qui se trouve en quatrième de couverture : "Je suis parti dans les bois parce que je voulais vivre de manière réfléchie, affronter seulement les faits essentiels de la vie, voir si je ne pouvais pas apprendre ce qu'elle avait à m'enseigner, et non pas découvrir à l'heure de ma mort que je n'avais pas vécu. Je ne désirai pas vivre ce qui n'était pas une vie, car la vie est très précieuse; je ne désirais pas d'avantage cultiver la résignation, à moins que ce ne fût absolument nécessaire. Je désirai vivre à fond, sucer toute la moelle de la vie, vivre avec tant de résolution spartiate que tout ce qui n'était pas la vie serait mis en déroute."
Des citations, à la lecture de Walden, on serait tenté d'en garder beaucoup en mémoire. En effet, le livre n'est pas construit autour d'une narration fluide, ce sont souvent de courts paragraphes évoquant divers thèmes chers à Thoreau de façon presque sentencieuse, on dirait parfois des aphorismes. Il fait l'apologie d'un mode de vie simple et épuré, d'un retour aux sources. Il veut cultiver autant son champ de haricots que son moi profond plutôt que de se livrer à un quelconque travail absurde pour accéder à une aisance matérielle illusoire qui ne peut que détourner de la vérité. "Plutôt que l'amour, l'argent ou la gloire, donnez moi la vérité." Thoreau semble très sur de lui, et certains ne manquerons pas de lui trouver un coté prétentieux assez dérangeant. Certes, il met en avant son mode de vie comme étant meilleur que celui de la plupart de ses contemporains, mais pourquoi pas ? Qu'on soit d'accord ou non avec ses opinions, il n'y a pas grand chose à reprocher à ce mode de vie contemplatif, qui tend vers l'auto-suffisance, l'exploration de soi-même et la pensée critique.
Et les idées de Thoreau, plus de 150 ans après l'écriture de Walden, sont pour la plupart d'une actualité frappante. Dans un occident plus urbanisé que jamais dans lequel on peine à se souvenir que notre nourriture prend racine dans la terre (ou du moins est censée le faire), dans une France où un paysan se suicide tous les deux jours, la question du rapport à la nature et au sauvage est plus pertinente que jamais. Walden ne transformera pas ses lecteurs en joyeux habitants des bois, mais il ne peut qu'encourager une pensée critique et autonome vis à vis de la société qui est la notre. Et pour ça, Walden est une œuvre à lire, même si les passages dans lesquels Thoreau décrit longuement la nature, le lac, l'hiver, le chemin de fer ou encore les petits animaux de la forêt sont à mon sens bien moins passionnants que les parties consacrées à la critique sociale. Enfin, je suppose que c'est là le cœur de l’expérience de Thoreau pendant ces deux années, il ne serait donc absolument pas pertinent de lui reprocher ces variations qui peuvent sembler un peu trop vaines et bucoliques aux citadins désabusés que nous sommes pour la plupart.
336 pages, 1854, Le mot et le reste
Libellés :
Environnement,
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Univers réaliste
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Ce qui pourrait m'intriguer dans ce livre, c'est le rapport à la solitude. devenue également une tare dans la société actuelle.
RépondreSupprimerLe rapport à la solitude est intéressant dans Walden. Thoreau aime son prochain, il continue à avoir une vie sociale, mais souvent les autres ne le comprennent pas. Il y a aussi les rencontres avec d'autres solitaires, qui contrairement à Thoreau ne le sont pas par intellectualisme mais par simplicité et introversion naturelle.
RépondreSupprimerAh, et avec la solitude, ne pas oublier une bonne dose de contemplation.