Le banquier anarchiste de ce petit texte de 1922 est un sacré sophiste. Pour justifier sa position invraisemblable, il multiplie les arguments fallacieux, et c'est d'autant plus dérangeant que ceux-ci sont entrecoupés de pointes de pertinence.
Je ne suis pas un expert de la théorie anarchiste, mais son point de départ me semble complètement à côté de la plaque. En gros, son anarchisme prône la destruction de toutes les fictions sociales et « n'admet pas d'autres lois que celles de la Nature ». On aimerait bien savoir à quoi ressemble cette vie qu'il prétend idéale, mais il n'essaie même pas de décrire. Quoi, les fictions sociales ne seraient pas partie intégrante de la nature humaine ? J'en doute. De même, son anarchisme prône un pur individualisme et rejette la solidarité et l'altruisme, sous le prétexte fallacieux qu'aider, ce serait réduire la liberté d'autrui. On dirait du Ayn Rand.
Là où sa perspective est pertinente, c'est qu'à travers son expérience de militant anarchiste, il a pu constater que dans les groupes militants à priori idéalistes se formaient inévitablement des rapports de domination ou — horreur contre-nature — d'altruisme. Dans cette même veine, il n'a aucun espoir à propos de la révolution russe, qui pourtant était encore jeune à l'époque. L'idéal peine à s'actualiser.
Ceci dit, il va de soi que cette imperfection inévitable de tout mouvement politique n'empêche pas ces mêmes mouvements d'avoir un impact significatif sur la réalité sociale. Lui cependant se sert de cette réalisation comme d'une excuse pour se lancer dans le combat anarchiste en solitaire. La suite de son raisonnement tordu, on le devine, le mène à la liberté individuelle, liberté conquise en embrassant le « système bourgeois ». Il se gargarise en affirmant n'avoir rien ajouté de nuisible qui n'existait déjà (le système en place) là où son engagement militant précédent rajoutait de la nuisance (les rapports de domination et d'entraide dans un mouvement qui pourrait aisément ne pas exister). Finalement, son « anarchisme » est celui de tous ceux qui cherchent pragmatiquement l'indépendance financière.
Il est toujours très facile de justifier à postériori ses actions, de trouver de la moralité et de la rationalité à sa situation présente. On le fait tous. Je suppose que c'est un pilier indispensable pour grappiller un minimum de santé mentale. Reste à essayer de ne pas être complètement dupes.
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