dimanche 18 février 2024

De sève et de sang - Julia Hill

De sève et de sang - Julia Hill

Il y a bientôt 30 ans, Julia Hill a passé deux ans dans un séquoia géant au nord de la Californie pour empêcher sa destruction par une grosse compagnie qui avait l'habitude de raser ces écosystèmes pour transformer et vendre le bois. Il est frappant de constater à quelle point cette histoire bien réelle est... romanesque. Une héroïne idéaliste qui se retrouve soudainement dans une position d'improbable renommée, une grosse société tellement vile qu'on la trouverait trop caricaturale dans un film, un lieu de vie à la Tarzan, des combats dans la forêt et même dans les arbres entre militants écologistes et ouvriers armés de tronçonneuses, de colossales tempêtes qui mettent en péril la jeune femme, des hélicoptères géants qui viennent la menacer, les écœurantes machinations des grands patrons, etc.

Romanesque, et finalement plus triste qu'inspirant. Aujourd'hui, la forêt de séquoias géants ne représente que 5% des 8 095 km² initiaux, et même l'arbre qu'a défendu Julia Hill au milieu du désert des coupes rases y est passé, d'une certaine façon : il a été tronçonné aux deux tiers après tous ces évènements. Un acte de vandalisme, peut-être, mais je suis très tenté d'y voir un message des quelques puissants qui s'enrichissent ainsi :  « Toute résistance est impossible. N'essayez même pas, ça ne sert à rien. »

Plutôt que d'embrayer sur l'écologie, l'effondrement ou je ne sais quoi du genre, un mot sur la perspective religieuse de Julia Hill. C'est une croyante, une dévote, elle multiplie les prières et interprète le monde selon un prisme magique incohérent : elle voit partout et à postériori ses prières exaucées sans pour autant appliquer la même perspective aux évènements négatifs, elle lit des signes de Dieu dans les évènements du quotidien, ce genre de chose. A mes yeux, c'est de la pure démence moyenâgeuse. Je pourrais multiplier les citations de ses bondieuseries, mais bon. Ce qui me frappe encore une fois, c'est à quel point cette démence est... adaptative. Son interprétation magique et mystique du réel lui offre un soutien psychologique et lui donne l'étincelle pour accomplir des choses qui la font avancer dans le monde social et physique d'une façon avantageuse. Ce n'est pas une découverte pour moi, bien sûr, mais c'est une autre chose qui m'attriste : rencontrer quelqu'un d'aimable, de respectable, d'intelligent, et découvrir que cette personne est en même temps complètement irrationnelle à un niveau fondamental. Je comprends le pourquoi, mais j'ai du mal à m'y faire.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire