L’urbain dans mon genre qui lit des livres sur la permaculture risque d’avoir une vision faussée de ce qu’est le maraîchage professionnel (bien que la permaculture productive puisse revendiquer être un autre type de maraîchage). Le jardinier-maraîcher de Jean-Martin Fortier est un bon remède à ce problème : c’est un manuel de maraîchage pro et bio sur petite surface (un hectare dans ce cas). Le but de l’auteur est de rester aussi près de l’idéal que possible tout en gagnant sa vie. Et il me faut bien le dire, si j’étais tout de même un minimum conscient de la réalité de ce métier, j’ai néanmoins été surpris par la folle quantité d’intrants et d’accessoires indispensables au succès du maraîcher bio. À noter aussi que les techniques de l'auteur ne font pas l’unanimité.
Déjà, et c’est capital, si la fermette de l’auteur est tenable financièrement, c’est grâce à la vente directe. La distribution se fait sous forme de panier garni, un par semaine pour environ 140 familles, mais aussi par livraison, à des restaurants notamment. Leur technique « bio-intensive » consiste à resserrer les cultures autant que possible pour qu’elles forment un couvre-sol et empêchent les indésirables de se développer. Ils évitent également de travailler le sol en profondeur et se contentent de mélanger les premiers centimètres pour intégrer les intrants. La rotation des cultures est capitale pour ne pas épuiser les sols : des plantes de différentes familles alternent donc selon un strict calendrier des rotations. Certaines plantes sont exigeantes (crucifères, liliacées, solanacées, cucurbitacées) et d’autres moins (légumineuses, chénopodiacées, ombellifères, kale, chou-rave…). Durant l’hiver, le sol est naturellement protégé par la neige (la ferme est au Québec), mais aussi en semant une céréale avant les premières gelées ou un couvert végétal dès que la neige fond, couvert qui sera incorporé au sol huit semaines plus tard pour le début des semis. À noter : le binage est à faire par temps sec, pour que les plantes indésirables ne s’enracinent pas à nouveau.
L’intéressante technique du faux-semi, particulièrement pertinente pour le mesclun :
Un faux-semis consiste essentiellement à préparer les lits de semence quelques semaines avant la date des semis afin de faire germer les graines de mauvaises herbes se trouvant dans les 5 premiers centimètres du sol. Ces dernières sont ensuite détruites par un sarclage superficiel avant l’implantation de la culture principaleSur les paillis :
Couvrir le sol du jardin est une autre bonne façon de lutter contre les mauvaises herbes. Cependant, un mot doit être dit sur les paillis végétaux, souvent recommandés dans les manuels de jardinage. Bien que je reconnaisse les mérites biologiques d’utiliser des couvertures de sol comme la paille, les feuilles, les copeaux de bois ou le carton, mon expérience ne me permet pas de les recommander. Les mauvaises herbes semblent toujours trouver leur chemin au travers des paillis végétaux, ce qui oblige ensuite à des désherbages à la main sans moyen d’utiliser des binettes. Ils apportent aussi beaucoup de limaces avec eux. […] À mon avis, le seul paillis végétal qui ne réunit pas ces inconvénients provient de la tonte de l’herbe.À chaque page on découvre de nouveaux gadgets dont on ne peut se passer. Il y a bien sûr les serres, indispensables entre autres aux tomates, mais utilisées aussi comme pépinières. Elles sont chauffées avec du combustible fossile. Les tunnels, eux, ne sont pas chauffés, et, comme les serres, peuvent servir aux poivrons et concombres. Une clôture électrique protège contre les chevreuils et un complexe système d’irrigation avec pompe est indispensable, de même qu’un motoculteur et tous les accessoires qui s’y rattachent (herse rotative, tondeuse à fléau, etc.). Tous les outils plus low-tech : grelinette, binettes, pelles, etc. Et les bâches, plein de bâches traitées contre les UV. Les sols sont analysés fréquemment en labo. Toutes sortes de fertilisants sont achetés à d’autres professionnels : fumier de volaille granulé, compost marin, chaux agricole, farine de sang, perlite… Quand certains oligo-éléments manquent, ils sont ajoutés artificiellement, comme le bore ou le molybdène. Le principal fertilisant est le compost, riche en mousse de tourbe, qui est acheté à un pro en vastes quantités. « Le compost est un mélange de détritus organiques carbonés (paille, feuilles, litière, etc.) et de matière azotée comme le fumier et les résidus de cultures. » La production de compost semble être un métier en soi. Pour la petite quantité de compost fait maison, des bactéries spécifiques sont inoculées artificiellement. Il faut aussi se procurer de larges quantités de graines, aussi bien pour les cultures que pour les engrais verts, qui sont parfois inoculés artificiellement de rhizobiums, les bactéries qui causent la fixation de l’azote, au cas où elles ne soient pas déjà présentes dans le sol. Pour les semis, il faut de nombreuses multicellules (plaques de semis alvéolées), des ventilateurs, une température parfaitement contrôlée, un système de brumisation, un éclairage d’appoint pour les plantules (par exemple des tubes fluorescents « Cool White » et « Warm White »), des tapis chauffants, un semoir pneumatique, une fournaise principale et une fournaise de secours, des tubes de polythène perforés pour transférer la chaleur, un thermomètre à alarme, etc. D’autres choses encore : couvertures flottantes en fibres de polymère (capitales), toutes sortes de semoirs pour le semi direct, un pyrodésherbeur, des paillis en plastique ou en géotextile… Contre les maladies et parasites, une grande variété de remèdes spécifiques voire de biopesticides, fabriqués par les multinationales de la chimie. Et pour la récolte, une chambre froide.
Comment préparent-ils leurs planches de culture ?
- Les engrais verts et/ou résidus de culture sont broyés et une bâche noire est appliquée pendant 2 ou 3 semaines.
- Passage d’une grelinette pour aérer le sol.
- Les amendements sont épandus puis incorporés avec une herse rotative réglée à une profondeur de 5cm. Un rouleau égalise la surface.
- Un coup de râteau enlève les derniers débris.
Quels sont les avantages de travailler en planches permanentes ?
- Meilleur égouttement du sol, car les planches sont surélevées.
- Réchauffement hâtif au printemps, toujours grâce à la surélévation.
- Pas de compactage car on ne marche jamais sur les planches.
- Les amendements organiques sont concentrés aux mêmes endroits année après année et bâtissent un sol riche.
- Pas besoin de tracteur, car pas besoin de créer de nouvelles planches chaque année.
Quel est l'intérêt exact du processus de compostage ?
- Stabiliser l’azote pour pourvoir le libérer graduellement durant toute la saison, ce que ne font pas le fumier et les autres engrais naturels.
- Détruire les agents pathogènes et nombreuses graines de mauvaises herbes présentes dans le fumier.
- Éliminer les mottes et créer un terreau homogène et léger.