mardi 25 juin 2019
Outliers - Malcolm Gladwell
De la pop science qui se lit comme de la très bonne fiction. L'inconvénient, c'est qu'on doute parfois de la crédibilité des idées avancées, notamment devant l'étonnant manque de statistiques qui auraient pu servir à apporter plus de solidité à certaines des études de cas particuliers. Il faut sans doute replacer l'ouvrage dans le contexte américain, où le mythe du self made man a une emprise considérable. En France, et plus généralement en Europe, pour qui a vaguement lu Bourdieu ou a simplement quelques notions de sociologie, ce n'est pas un scoop que l'héritage social et culturel des individus a une importance considérable sur leur vie. Mais même si le pitch de Outliers est un peu évident, l'exécution tient en haleine. Je retiens particulièrement le chapitre sur les crashs d'avions causés par par la culture très hiérarchique de certains pays (comme la Corée) : la crainte de l'autorité empêche le personnel de faire remarquer à un capitaine fatigué ou distrait qu'il commet une erreur. Alors que dans les pays sans grande distance hiérarchique, comme les USA, la communication plus égalitaire permet à un subordonné de relever clairement les erreurs de son capitaine. Mais, une fois que l'héritage culturel est pris en compte, il devient possible de travailler à le dépasser. J'ai vraiment beaucoup aimé Outliers, mais je reste un peu sceptique sur ce genre d'ouvrage de pop science : dans quelle mesure l’habilité narrative de Malcolm Gladwell camoufle-t-elle simplifications et raccourcis ?
335 pages, 335 pages, Penguin
mercredi 12 juin 2019
Zen and the art of motorcycle maintenance - Robert M. Pirsig
Zen and the art of motorcycle maintenance a la réputation d'être un peu prétentieux. En effet, le narrateur/auteur (c'est en bonne partie autobiographique) ne manque pas d'insister sur le fait que son intelligence le sépare du commun des mortels, et va jusqu'à citer son QI. Mais passons. Dans le récit cadre, le narrateur voyage en moto avec son fils à travers les USA. Ils n'ont pas la relation la plus saine qui soit. Mais la majeure partie du roman, si le terme est adéquat, est constitué des divagations du narrateur. Son moi passé, qu'il considère comme une identité séparée, s'est consumé dans une quête philosophique, à la recherche de la « Qualité ».
Premier problème : il m'est très difficile d'extraire le cœur de son propos. Par exemple, chez Ayn Rand, la fiction est aussi au services des idées, et celles-ci, aussi discutables soient-elles, sont parfaitement limpides. Mais ici, vraiment, c'est flou, c'est confus. Parfois j'ai l'impression de faire face à une vaste fumisterie, parfois la quête intellectuelle et l'insatisfaction maladive du narrateur parviennent à m'accrocher. Je me pose aussi pas mal de questions sur le sérieux du fond. Par exemple, il balance que « Quality is the Tao » puis, page suivante, que « Quality is the Buddha ». Quoi ? On a un peu l'impression de lire de la bouillie mystique où, comme chez Jack Kerouac par exemple, des occidentaux ayant feuilleté quelques textes asiatiques croient soudainement avoir tout compris à la vie.
Zen and the art of motorcycle maintenance me laisse donc une impression mitigée. Je suppose que sa plus grande qualité n'est pas une éventuelle profondeur philosophique, mais sa lisibilité. Le récit cadre, très limpide, offre au lecteur un peu lassé par les abstractions douteuses la certitude d'un retour régulier à une narration facile à suivre. Et finalement, ce bouquin se révèle plaisant par con côté fourre-tout : on se demande quelles réflexions bizarres nous attendent à la page suivante.
406 pages, 1974, corgi
Libellés :
Littérature,
Pirsig Robert M.,
Univers réaliste
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