jeudi 11 janvier 2018

La mort est mon métier - Robert Merle


La mort est mon métier - Robert Merle

La fausse autobiographie d'un personnage réel : Rudolf Höss, patron d'Auschwitz, renommé dans le roman Rudolf Lang. Le récit commence quand le petit Rudolf voit sa personnalité forgée par un père chrétien tyrannique, et s'achève quand il est condamné à mort pour son rôle considérable dans la machine d'extermination nazie.

Robert Merle adopte une écriture adaptée au sujet : c'est dépouillé au possible. Le narrateur ne s’arrête jamais pour réfléchir, penser, s’interroger. Il ne fait que décrire les faits froidement. Du coup, ça se lit très rapidement. Rien ne vient s'opposer à la linéarité des événements. Et surtout, ce procédé met en lumière l'état d'esprit du personnage. Robert Merle ne le peint pas comme étant quelqu'un de particulièrement mauvais ou maléfique. C'est plutôt un fonctionnaire zélé qui a baigné toute sa vie dans l'antisémitisme. Enfant, il fallait obéir à dieu/au père et lutter contre le diable. Adulte, il faut obéir à la patrie/au führer et lutter contre le juif. Cet aveuglement est glaçant. Comme c'est souvent dépeint dans une certaine littérature de l'entre-deux-guerres, les peuples s'accrochent désespérément à leur identité nationale. Rudolf n'aime rien de spécial, il n'a pas de désirs particuliers, il ne se sent vivre qu'à travers son chef et son pays. Même pendant sa jeunesse, il n'y avait que la vie à l'armée qui lui convenait. Tuer des soldats, massacrer des civils, tirer sur femmes et enfants ? Détails que tout cela. Il sert son pays, fait son devoir et occupe dans la société une place clairement définie. Cela lui plait. Il semble être au bord d'une vie paisible quand il mène une difficile existence de paysan avec sa femme, mais les leaders nazis reconnaissent en lui un outil précieux et il répond à leur appel. A Auschwitz, il va contribuer à développer et perfectionner l'industrialisation de la mort. Le jour, il réfléchit à de nouvelles façons modernes de tuer en masse, à la tenue optimale de son petit camp extermination. La nuit, il va à une soirée avec ses collègues, ou rejoindre sa femme et ses enfants dans leur petit pavillon. Il fait du bon travail. Il liquide suffisamment de milliers d'« unités » par jour pour satisfaire ses supérieurs. Ce voyage à l'intérieur de la routine macabre d'un camps et de l'esprit de son architecte est édifiant. La mort est mon métier, c'est un peu la vie d'un citoyen modèle : obéissant, fiable, zélé, sobre, patriotique, digne de confiance.

Tu ne comprends pas, Elsie. je ne suis qu'un rouage, rien de plus. Dans l'armée, quand un chef donne un ordre, c'est lui qui est responsable, lui seul. Si l’ordre est mauvais, c'est le chef qu'on punit, jamais l’exécutant.

1952, 435 pages, le livre de poche

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire