vendredi 9 juin 2017

Dimitri Roudine - Tourgueniev


Dimitri Roudine - Tourgueniev

Quelque part dans la compagne russe, une femme de la bonne société vient passer l'été avec sa fille, Natalie. Pour tromper l'ennui, elle fait salon avec les propriétaires du coin. Et voilà qu'un beau jour surgit Dimitri Roudine. Un homme charmant, intelligent, et habile avec les mots. En quelques instants il devient le roi de la maison, séduisant tout le monde par son esprit et sa maitrise du langage. Au bout d'un moment, il se croit amoureux de Natalie, et celle-ci de même. Mais cette amour est impossible, et Roudine retourne errer sur les routes, de rencontre en rencontre, d'aventure ratée en aventure ratée.

Roudine est un homme droit, mais il ne tient pas en place et aime un peu trop s'écouter parler. Autour de lui les personnages le jugent, en bien ou en mal. Certains admirent son esprit, d'autres méprisent sa superficialité. Mais lui-même est toujours sincère, essayant de bien faire, et échouant. Il me semble que c'est une constante chez Tourgueniev : cet inévitable retour à la banalité. L'amour entrevu n'est qu'une illusion, et chacun restera finalement à sa place. Il n'y a pas de changement soudain, pas de miracle. Natalie épouse un jeune homme sympathique et bienveillant, et Roudine reste esclave de sa personnalité à la fois trop droite et trop instable. Pas d'éclat flamboyant pour ces personnages, simplement un chemin long et prévisible. Sous la plume de Tourgueniev, il n'y a là pas trop de tristesse. Au contraire, on aime ces héros ordinaires, ils sont touchants dans leur imperfection. Si chez Dostoïevski les personnages sont des ratés fabuleux, des losers médiocres mais habités par une flamme divine, ceux de Tourgueniev sont plus calmes, plus simples.

Il peut avoir du génie, je ne m’y oppose pas, quant à sa nature, c’est par là qu’il pèche. Ce qui lui manque c’est la volonté, c’est le nerf, la force. Mais il ne s’agit pas de cela. Je veux parler à présent de ce qu’il a de bon et de rare. Il a de l’enthousiasme et vous pouvez me croire, moi qui suis un homme flegmatique, quand je vous dis que c’est une des qualités les plus précieuses à une époque comme la nôtre. Nous sommes tous insupportablement réfléchis, indifférents et apathiques ; nous sommes endormis et glacés : voilà pourquoi il faut rendre grâce à celui qui nous réchauffe et nous anime, ne fût-ce que pour un instant, car nous avons bien besoin de cette féconde surexcitation.

213 pages, 1856, stock

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