jeudi 19 janvier 2017

Extinctions, du dinosaure à l'homme - Charles Frankel


Extinctions, du dinosaure à l'homme - Charles Frankel

Un chouette bouquin de vulgarisation scientifique. L'auteur décide de voir large, en dressant le portrait des extinctions massives parsemant l'histoire de la Terre, en se concentrant la plus fameuse, celle des dinosaures, et en explorant la sixième extinction, causée par l'homme. C'est dense, et Frankel a la bonne idée de s'intéresser aussi aux débats secouant le monde scientifique. Je vais simplement prendre en note, un peu en vrac, quelques faits et nombres particulièrement frappants.

Pour commencer, il faut bien réaliser que notre connaissance actuelle du vivant est assez limitée : pas moins de 15000 à 20000 nouvelles espèces sont chaque année ajoutée au catalogue par les chercheurs. Ainsi, au même rythme, il faudrait encore deux ou trois siècles pour faire connaissance avec toutes les espèces.

L'hypothèse aujourd'hui acceptée de la disparition des dinosaures pour cause d'impact d'un astéroïde large de 10km ne date en fait que de 1980, ce qui est étonnamment récent. La découverte officielle dans la péninsule de Yucatán du cratère ne date quand à elle que de 1991. Encore aujourd'hui on entend parfois que cette extinction serait aussi due à de massives éruptions volcaniques. L'auteur massacre consciencieusement cette hypothèse et ses quelques propagateurs.

Un petit mammifère ayant survécu aux dinosaures, le Purgatorius, serait potentiellement notre ancêtre. Et il est très mignon. Ont également survécu aux dinosaures les oiseaux, et il est un peu oublié que ces derniers, leurs prédateurs disparus, ont eu une période de gloire, la Terre étant pendant un moment dominée par des oiseaux géants de trois mètres de hauts.

Une fois l'homme en marche, il extermine rapidement toute une mégafaune. Ces à dire des animaux de grande taille, incapables de se cacher, et pas assez nombreux pour se remettre des pertes occasionnées par le nouveau prédateur qu'est l'homme. Le mammouth est le plus connu, mais il y en a eu plein d'autres. C'est l'occasion pour l'auteur de souligner l'idée suivante : il y a « une réticence à incriminer l'homme, parce que cela incommode notre conscience, et surtout parce que cela touche à notre modèle économique, à partir du moment où il faudrait se restreindre dans l'exploitation des ressources de la Terre, qu'elles soient animales, végétales ou minières. On comprend ainsi que toute thèse qui nie l'influence de l'homme sur la dégradation de son environnement trouve une certaine caisse de résonance et un appui tacite, médiatique et parfois même financier, auprès de certains groupes conservateurs. » (p140)

Dans les derniers siècles, les extinctions continuent. Beaucoup d'espèces d'animaux isolées dans des iles, habituées à vivre sans prédateurs et ne possédant pas de terrain de repli, se sont évanouies. C'est le cas du dodo. Mais le nombre ne sauve pas toujours une espèce. Le pigeon migrateur des États-Unis, bien que comptant des milliards d'individus, s'est totalement évanoui entre 1856 et 1914, suite à la chasse massive dont il a souffert. Les espèces étant habituées au nombre peuvent voir leurs habitudes de reproduction totalement détruite par une baisse massive de leurs effectifs.

« Selon les chercheurs, si l'on prend en compte l'ensemble des vertébrés terrestres - mammifères et oiseaux, reptiles et amphibiens -, les populations ont chuté en moyenne de 25% depuis 1975. » (p185) La disparition des espèces prend d'autant plus d'importance avec la notion d’espèces clefs de voûte. Comme leur nom l'indique, de ces espèces dépendent beaucoup d'autres. On pense aux abeilles, qui pollinisent les plantes. Mais c'est le cas aussi pour les éléphants, qui régulent l'avancée des forêts en les dévorant, créent des couloirs coupe-feu, ou encore, pour les éléphants de forêt, qui répandent des graines via leur crottin. Les hippopotames font le même genre de chose, mais dans l'eau : ils créent des canaux permettant aux autres espèces de se déplacer et leurs déjections nourrissent les poissons.

« En un demi-siècle, la population de la morue a été divisée par 200 : il ne reste plus que 0.5% du stock de l'époque.» (p190) Les chiffres pour la forêt amazonienne ne sont pas non plus très encourageants : « Pour l'instant, donc, avec 15% de forêt dévastée, il est à craindre que 3% à 5% des espèces amazoniennes soient déjà condamnées, soit 1200 à 2000 des 40000 plantes recensées ... » (p197) Sur les 80000 espèces (c'est à dire une petite minorité de l'ensemble des espèces) surveillées par l'UICN, l’union internationale pour la conservation de la nature, 23250 sont menacées, soit 30%. Si les choses continuent dans le même genre, « les trois quarts des espèces d'amphibiens auront disparu en l'espace de 900 ans, les trois quarts des mammifères en 1500 ans, et les trois quarts des oiseaux en 2250 ans environ. » (p209) Et ça, c'est l'hypothèse positive. Il est possible qu'il ne faille que quelques centaines d'années pour exterminer 75% des espèces, comme l’astéroïde du Yucatán.

L'auteur revient ensuite sur le réchauffement climatique, rappelant que 2014 étant l'année la plus chaude de l'histoire, pour n’être remplacée que par 2015. Et ce n'est pas dans le livre, mais 2016 a encore battu les records. Bref, c'est une hausse certaine de plusieurs degrés d'ici la fin du siècle, accompagnée de nombre de conséquences indésirables, notamment un accroissement des risques pour les espèces animales. La sécheresse menace aussi l'Amazonie, risquant de l'entrainer dans un  cercle vicieux potentiellement fatal. L'auteur évoque aussi diverses pistes pour s'en sortir, en faisant le choix du pragmatisme. C'est à dire qu'il pointe le fait que la protection de l’environnement est bonne pour l'économie humaine, quitte à rester dans une logique d'exploitation du règne animal. Pour finir, il fait un petit tour par quelques hypothèses bien connues de la science-fiction pour imaginer l'avenir.

300 pages, 2016, Seuil

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