jeudi 22 mai 2014
Le peuple de l'abime - Jack London
Le peuple de l'abime, ou Le peuple d'en bas, n'est pas une œuvre de fiction. Jack London, alors âgé de 26 ans, se procure quelques loques et en se faisant passer pour un marin fauché va s’infiltrer dans l'East End, le quartier le plus pauvre du Londres de 1902. Ce livre est le fruit de ses observations et de ses analyses, et ce n'est pas joyeux. C'est même terriblement noir. Familles entassées à sept ou huit dans de petites pièces minuscules, taux de mortalité effrayant, alcoolisme chronique, travail éreintant pas très éloigné de l'esclavage, pollution et maladies, hordes de sans logis errant dans la nuit ... On pourrait continuer la liste pendant longtemps tant les malheurs sont nombreux. London décrit ce qu'il a vu dans les rues, dans les appartements, dans les asiles ou encore dans les cafés. Il cite aussi de nombreux journaux pour montrer que sur le plan judiciaire, voler des fruits pour survivre est considéré comme plus grave que tabasser un être humain, ou encore que le suicide est une chose tellement banale qu'on reproche aux miséreux d'avoir raté leur coup et de faire perdre son temps à la justice. Que dire aussi de cette loi qui empêche ceux n'ayant pas de toit de dormir dans les rues la nuit, les forçant à somnoler le jour, les empêchant donc de chercher du travail, ou juste d'essayer de survivre ? Ou ce petit déjeuner à l'armée du salut, qui demande pour l'obtenir plus d'énergie qu'il n'en procure ? Les exemples du genre sont nombreux. Et bien sur, la misère matérielle entraine une misère intellectuelle et morale, les enfants vifs et joyeux se métamorphosent en créatures malades et désespérées.
Vers la fin du livre, London prend plus clairement la parole et se montre très critique et violent envers les autorités. L'état sauvage lui semble plus enviable que le sort de ces millions de malheureux, opinion qui fait sens par rapport à une autre partie de son œuvre. Il s'insurge contre les injustices et inégalités, et surtout contre la mauvaise gestion des pouvoir publics : la civilisation augmente le pouvoir de production des individus mais oublie de répartir équitablement les richesses. La traduction n'est pas géniale et le style parfois répétitif, à cause des conditions d'écriture, mais Le peuple de l'abime reste un document aussi passionnant que violent.
Dans le même genre je conseille très vivement Dans la dèche à Paris et à Londres d'Orwell.
307 pages, 1903, 10/18
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