mardi 20 novembre 2012
Rhinocéos - Eugène Ionesco
Je n'ai pas vraiment l'habitude de lire du théâtre, et il faut bien dire que Rhinocéros fut un très bonne surprise. Et en plus, ça se lit très vite.
Le principe est simple : tous les habitants d'une petite ville se transforment progressivement en rhinocéros. Tous sauf Bérenger, qui est le seul à s'accrocher à son humanité. C'est un peu comme une invasion de zombies en fait, avec des rhinocéros à la place des putréfiés. Cependant, un détail, et pas des moindres, distingue ces deux types d'invasion : dans Rhinocéros, les transformations sont volontaires, choisies, réfléchies.
A première vue, le récit peut sembler totalement absurde. Pas grand chose n'est chose n'est vraisemblable dans les relations entre les personnages : Bérenger et son ami Jean sont diamétralement opposés et n'ont rien pour être amis, Bérenger et Daisy vivent 25 ans de mariage en quelques minutes ... Et puis tous ces gens qui se transforment en rhinocéros, c'est quand même un peu bizarre. Bon, bien sur, il y a du sens derrière tout ça. Cette invasion de rhinocéros est l'image d'une idéologie qui se répand à travers la foule, d'un fanatisme qui déshumanise et transforme chacun en bête courant bêtement droit devant soi. L’étonnement laisse progressivement place à l'indifférence, puis l’indifférence cède face à l'instinct grégaire. Chaque personnage se trouve sa propre raison pour rejoindre ce courant de pensée : "C'est le monde qui a raison, ce n'est pas toi, ni moi", "Mon devoir m'impose de suivre mes chefs et mes camarades", "Chacun trouve la sublimation qu'il peut" ... Seul Bérenger, qui pourtant au début prenait plus de distance que les autres face à l'arrivée des premiers pachydermes, ne peut se résigner à rejoindre la foule animale, et c'est lui qui devient le monstre. La préface du livre, aussi instructive que plaisante à lire (comme le sont trop rarement les préfaces), explique fort bien tous ces aspects de la pièce et d'autres encore, notamment l'influence de Kafka. Mais du coup, ma lecture aurait probablement été différente sans la préface, peut être que j'aurai moins compris et donc moins apprécié la pièce. Il faudrait qu'un autre moi la lise pour la première fois en sautant la préface, et on comparerait nos compte-rendus mutuels ... Ouais, je vais faire ça.
Rhinocéros est parfois drôle, toujours décalé et surtout véhicule une puissante dénonciation de toutes les formes de fanatismes qui transforment avec leur consentement les foules comme les individus en ... rhinocéros, justement. Et en plus, sa lecture est très aisée. Ça me donnerait presque envie de lire plus souvent du théâtre.
300 pages, 1959, Folio théâtre
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