vendredi 30 novembre 2012
La duchesse de Langeais - Balzac
La duchesse de Langeais est une histoire d'amour. Bon, rien de surprenant à cela. Mais le truc, c'est que c'est uniquement une histoire d'amour : il n'y a absolument pas d’intrigue parallèle et à peine quelques personnage secondaires mineurs.
Le roman est divisé en quatre parties. La première prend place sur une ile, sur laquelle les deux tourtereaux (appelons les Antoinette et Armand) se rencontrent par hasard après cinq années de séparation. Antoinette est recluse dans un couvent (je devrais plutôt dire emprisonnée) et Armand, qui passait dans le coin, la reconnait grâce aux émotions qu'elle fait passer en jouant de l'orgue. Mouais, admettons. Bref, il parvient à arranger une entrevue, et l'on comprend qu'il l'a cherché sans relâche pendant ces cinq années. Comme d'habitude chez Balzac, cette première partie est pleine de longues descriptions pas franchement passionnantes. Bref, on arrive à la seconde partie, qui va nous expliquer comment les deux personnages en sont arrivés là.
Antoinette, jeune femme à la mode dans les salons parisiens, décide par "pur caprice de duchesse" de s'approprier ce bel homme qu'est Armand. Dans cette partie, qui dure de longs mois, Armand aime sincèrement alors qu'Antoinette joue avec lui. Mais Armand se met à vouloir consommer cet amour jusque là chaste, et Antoinette, qui ne l'aime pas vraiment, refuse. Armand va se mettre en colère, et c'est le sujet de la troisième partie, dans laquelle les rôles vont être inversés. Antoinette, impressionnée par la fougueuse et virile fureur de son amant (qui l'enlève et renonce de peu à la mutiler, tout de même) se met à l'aimer passionnément. Armand, lui, reste froid aux avances de la comtesse. Antoinette, va finir par s'exiler dans un couvent, parce que bon, elle a le cœur brisé, sa vie est finie, elle va passer le restant de ses jours à prier pour Armand, tout ça tout ça. Dans la dernière partie, on revient au temps présent. Armand va monter une expédition pour enlever (oui, encore) Antoinette de son couvent, mais pas de bol, elle meurt d'amour juste avant. Oh ben dis donc je m'y attendais pas du tout.
Bon, Balzac écrit fort bien, son roman est impeccablement construit et il est toujours un formidable peintre des mœurs de son époque, mais justement, ces mœurs sont un peu insupportables. De plus, le fait qu'il n'y ait dans ce roman quasiment rien d'autre que l’histoire d'amour en question crée une sensation d'étouffement. Bon, moi je crois que j'ai eu ma dose de Balzac : La peau de chagrin et Le père Goriot étaient de bonnes lectures, mais je vais m’arrêter ici dans son œuvre pour l'instant.
200 pages, 1834, GF Flammarion
dimanche 25 novembre 2012
Catalogue d'objets introuvables - Carelman
Cet étrange ouvrage a un sens particulier pour moi, je le connais depuis que je suis tout petit. Il se cachait chez ma grand-mère, planqué au fond d'une étagère poussiéreuse. Le mini-moi que j'étais, en découvrant un bouquin avec un tel titre et une couverture si tentante, ne pouvait que s'en emparer avidement. Et depuis, à chaque fois que je retourne chez ma mamie, j'aime bien me replonger dans ce catalogue de bizarreries. Alors quand j'ai vu cette édition disponible pour un simple Euro dans une brocante, je n'ai pas hésité une seconde. Hélas, cette version signée Le livre de poche n'est pas complète, il manque un certain nombre d'objets. Peut être ont-ils été crées plus tard ? Mais ce n'est pas trop grave, il y a tout de même de quoi s'amuser.
Le livre se présente comme un catalogue normal : de nombreux objets classés par thèmes (le travail, la maison, les loisirs ...) et sous-thèmes, une illustration pour chaque article, un petit commentaire descriptif tout à fait sérieux ... Sauf que rien de tout ça n'est sérieux ! On nous prévient : "Tous nos articles sont garantis absolument inutilisables". En effet, si certains sont simplement bizarres, pour la plupart on nage en plein absurde. Pour en citer quelques uns : le marteau à tête de verre, "idéal pour les travaux délicats", le parasol transparent qui permet de profiter du paysage, la balançoire d’appartement à accrocher à un mur, la bicyclette à neige dont les roues sont remplacées par des raquettes ... Sans oublier mon petit préféré : le préservatif en dentelle ! Peut être un peu moins efficace, mais tellement plus élégant !
Ce Catalogue d'objets introuvables est un OVNI dédié à l'absurde qu'il m'est toujours aussi agréable de feuilleter même si je le connais depuis un sacré bout de temps. Cependant, cette édition n'est pas la plus intéressante car ne nombreux objets manquent à l'appel : où sont passés le side-car de cheval et les pantoufles de ménage ?!
128 pages, Le livre de poche
samedi 24 novembre 2012
Idlewild - Nick Sagan
Idlewild commence mal, aussi bien pour son héros que pour moi. Halloween (oui c'est le nom du personnage principal ) se réveille dans un champ de citrouilles, et il a perdu la mémoire. Mouais. Voilà un point de départ fort classique qui peut mener sur le pire comme sur le meilleur. Hal va donc partir explorer son environnent, normal. Malheureusement, on se rend vite compte que le concept de l’amnésie est très mal employé : sous prétexte que cette dernière est "temporaire", Hal se souvient de son passé aux gré des envies de l'auteur. La perte de mémoire n'est donc qu'un procédé permettant de mieux contrôler les informations que reçoit le lecteur, ce qui rend cet aspect du récit tout à fait artificiel.
Une fois que Hal s'est souvenu comme par magie de certains éléments, on comprend dans quel environnement il se trouve : une école. Une école virtuelle, pour être précis. Hal et neuf autres jeunes de 18 ans vivent dans un monde virtuel peuplé de quelques IA sensées leur enseigner tout ce qu'ils doivent savoir. L'un des étudiants a disparu, et Hal est persuadé qu'un complot se trame, qu'un méchant a décidé de tous les éliminer et que c'est là la cause de son amnésie : un assassinat loupé. On se croirait dans un roman "young adult" : des jeunes dans un cadre scolaire, divisés en deux groupes antagonistes, les rebelles et les soumis (à peine cliché), un vague complot en arrière fond, un prof -IA qui a quelque chose à cacher ... bof bof. L'histoire nous est narrée à la première personne par Hal et l'écriture est très accessible, par contre les dialogues entre les jeunes sont assez loupés, les personnages ont du mal à exister. Et ce ne sont pas les les références à Lovecraft, qui prennent de la place dans le récit sans rien lui apporter, qui vont sauver tout ça. Franchement, je trouvais le roman plutôt mauvais, j'avais l’impression d'avoir entre les mains un bouquin acheté au rayon ado. Je l'aurai peut être même lâché si l'écriture n’était pas si fluide et si le thème de la réalité virtuelle ne me plaisait pas autant.
Et là, miracle, un peu après la moitié du livre, l'histoire décolle totalement. On a droit à un véritable retournement de situation, que je n'avais vraiment pas vu venir. Le récit change même presque de genre, devient beaucoup plus sombre, les cadavres s'entassent, le rythme accélère, et j'accroche enfin. Ce n'est pas transcendant pour autant, juste sympathique. Et mieux vaut ne pas avoir trop Matrix en tête ...
Bref, Idlewild est un roman en deux temps : un début franchement passable dans un cadre scolaire qui fait fait penser à un roman pour ado, et une seconde partie mieux rythmée et bien plus intéressante. Dommage qu'on doive se farcir la première pour profiter de la seconde. Et au final, j'aurai vraiment du mal à conseiller Idlewild.
315 pages, 2003, J'ai lu. Idlewild est le premier tome d'une trilogie, mais il a une véritable fin, même si elle est très ouverte.
mardi 20 novembre 2012
Rhinocéos - Eugène Ionesco
Je n'ai pas vraiment l'habitude de lire du théâtre, et il faut bien dire que Rhinocéros fut un très bonne surprise. Et en plus, ça se lit très vite.
Le principe est simple : tous les habitants d'une petite ville se transforment progressivement en rhinocéros. Tous sauf Bérenger, qui est le seul à s'accrocher à son humanité. C'est un peu comme une invasion de zombies en fait, avec des rhinocéros à la place des putréfiés. Cependant, un détail, et pas des moindres, distingue ces deux types d'invasion : dans Rhinocéros, les transformations sont volontaires, choisies, réfléchies.
A première vue, le récit peut sembler totalement absurde. Pas grand chose n'est chose n'est vraisemblable dans les relations entre les personnages : Bérenger et son ami Jean sont diamétralement opposés et n'ont rien pour être amis, Bérenger et Daisy vivent 25 ans de mariage en quelques minutes ... Et puis tous ces gens qui se transforment en rhinocéros, c'est quand même un peu bizarre. Bon, bien sur, il y a du sens derrière tout ça. Cette invasion de rhinocéros est l'image d'une idéologie qui se répand à travers la foule, d'un fanatisme qui déshumanise et transforme chacun en bête courant bêtement droit devant soi. L’étonnement laisse progressivement place à l'indifférence, puis l’indifférence cède face à l'instinct grégaire. Chaque personnage se trouve sa propre raison pour rejoindre ce courant de pensée : "C'est le monde qui a raison, ce n'est pas toi, ni moi", "Mon devoir m'impose de suivre mes chefs et mes camarades", "Chacun trouve la sublimation qu'il peut" ... Seul Bérenger, qui pourtant au début prenait plus de distance que les autres face à l'arrivée des premiers pachydermes, ne peut se résigner à rejoindre la foule animale, et c'est lui qui devient le monstre. La préface du livre, aussi instructive que plaisante à lire (comme le sont trop rarement les préfaces), explique fort bien tous ces aspects de la pièce et d'autres encore, notamment l'influence de Kafka. Mais du coup, ma lecture aurait probablement été différente sans la préface, peut être que j'aurai moins compris et donc moins apprécié la pièce. Il faudrait qu'un autre moi la lise pour la première fois en sautant la préface, et on comparerait nos compte-rendus mutuels ... Ouais, je vais faire ça.
Rhinocéros est parfois drôle, toujours décalé et surtout véhicule une puissante dénonciation de toutes les formes de fanatismes qui transforment avec leur consentement les foules comme les individus en ... rhinocéros, justement. Et en plus, sa lecture est très aisée. Ça me donnerait presque envie de lire plus souvent du théâtre.
300 pages, 1959, Folio théâtre
mercredi 14 novembre 2012
La guerre des mouches - Jacques Spitz
J'ai découvert Jacques Sptiz assez récemment avec L’œil du purgatoire, que j'avais vraiment adoré. Puis je suis tombé par hasard sur la chronique de Cachou à propos de La guerre des mouches, et je me suis promis d’acheter ce bouquin si jamais je tombais dessus dans une bouquinerie. C'est désormais chose faite, le livre est tout vieux et tout abimé, mais cela ne lui donne que plus de charme.
Comme le souligne le slogan plus ou moins vendeur sur la couverture, les mouches sont devenues intelligentes. Et ce n'est pas la peine d'avoir l'esprit très vif pour deviner ce qui va suivre : la guerre. En gros, le récit se découpe en deux types de narrations qui alternent. D'abord, il y a les grands événements militaires et géopolitiques, où l'on suit les batailles opposant les hommes aux nuées d'insectes, la progression générale du conflit ou encore les tensions entre les pays. D'autre part, le lecteur suivra Juste-Evariste Magne, qui au début simple assistant dans un laboratoire d'étude des diptères sera par la suite l'un des leaders du coté humain du conflit. On aura même droit à une histoire d'amour entre ce personnage et une jeune fille un peu cruche.On pourrait croire que cela va devenir niais, mais non, Jacques Spitz manie en permanence l'ironie et l’humour noir. C'est ainsi que Magne va en arriver à se poser à propos de sa dulcinée la même question qu'à propos de l'espèce mouche : est-elle intelligente ?
Cette ironie et cet humour noir, c'est vraiment la grande force du récit. C'est drôle et décalé tout en étant sombre et pessimiste. Il faut voir ces milliards de mouches envahir l’Europe vêtues d'un minuscule tricot les protégeant du froid alors que les savants français débattent avec passion pour savoir quel nom donner à cette nouvelle espèce pour bien saisir tout le charme du livre. Ou encore ces missionnaires partant en expédition pour évangéliser les insectes. Et ici, pas de retournement de situation miraculeux, pas de vaillant héros sauvant le monde, non : les mouches gagnent. Elles écrasent l'humanité. Mais seulement l'humanité : elles laissent les animaux tranquilles, elles savent bien qui est leur ennemi.
Jacques Spitz convoque des armadas de mouches pour se moquer de la bêtise humaine, et c'est tant mieux pour le lecteur. Sur la forme comme dans le fond, La guerre des mouches est une petite merveille d'originalité et d'humour noir que l'on dévore rapidement avec souvent un sourire sur les lèvres. Bzz bzz.
175 pages, 1938, Marabout. Il se trouve que lors de cette réédition en 1970, le roman a été modifié pour qu'il fasse plus moderne, avec notamment des mentions de la bombe atomique ou de l'ONU. Cela n’entache pas le plaisir de lecture, mais c'est regrettable. Vous pouvez trouver plus d'infos dans l'article disponible sur nooSFere.
Et comment ne pas penser à cette planche des géniales Idées Noires de Franquin ? Désolé pour la qualité, c'est tout ce que j'ai trouvé sur le web.
dimanche 11 novembre 2012
Les démons de Jérôme Bosch - Alexandra Strauss
La peinture, je ne prétend pas y connaitre grand chose, mais j'aime beaucoup Jérôme Bosch. De grands tableaux à la fois sombres et colorés, riches en détails bizarres, pleins de monstres et de créatures chimériques, de personnages nus et d'oiseaux géants. Par exemple, Le jardin des délices, d'où vient la couverture du livre. Et en plus, Jérôme Bosch est un peintre idéal pour illustrer Lovecraft.
Les démons de Jérôme Bosch est donc le premier roman d'Alexandra Strauss, et c'est en quelque sorte une biographie imaginaire. Aleyt, la femme du peintre, annonce dès la première page qu'elle a choisi de prendre la plume pour que reste une trace de la vie de son mari (un fantasme d'historien de l'art, sans doute). Et comme la vie de Jérôme Bosch est très mal connue, on est en plein entre le roman historique et la fiction, le tout à la fin du XVème et au début du XVIème siècle.
Ici, pas d'aventures extraordinaires ou de rebondissements surprenants, c'est simplement la vie quotidienne du peintre qui nous est contée, de sa petite enfance à sa mort. Et pourtant, on ne s'ennuie pas : le personnage est attachant et l'écriture agréable distille une ambiance tranquille et un peu malsaine à la fois. Les démons du titre, ce sont ces peurs qui tourmentent le peintre lors de son enfance, ces visions effrayantes qui se retrouveront sur ses tableaux, mais aussi la violence et l'injustice du monde qui l'entoure, qui lui dicteront les thèmes de son œuvre : le mal, le péché, la damnation. Aleyt reste dans l'ombre, ne parlant d'elle que quand cela aide à la compréhension de son mari, mais elle aussi est attachante. C'est une femme discrète qui préfère vivre à une distance raisonnable du monde, à l'image de Jérôme, pour qui les petits bonheurs ou malheurs du quotidien ne valent pas grand chose par rapport à la recherche d'absolu qu'il effectue à travers son art.
Les démons de Jérôme Bosch est un court roman, modeste et sans prétention, qui remplit son objectif : offrir un bon moment de lecture tout en faisant découvrir au lecteur une époque et un personnage. On en sort avec l'envie d'aller se balader dans les créations de Jérôme Bosch, c'est plutôt bon signe quand à la qualité du livre.
236 pages, 2009, Folio
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mardi 6 novembre 2012
La valse aux adieux - Kundera
La valse aux adieux est un titre qui a parfaitement sa place dans l’œuvre de Kundera. En plus d’être fort joli, il en reprend les deux caractéristiques principales : la légèreté, à travers la valse, et le sérieux, à travers le terme "adieu". Bref, Kundera, c'est le sérieux traité avec une très grande légèreté. Une légèreté souvent drôle, mais tout aussi glaçante.
Quelques personnages évoluent à l'image d'une valse, voilà en gros le sujet de La valse aux adieux. La comparaison avec la danse est très appropriée puisque le récit ne s'écoule que sur quelques jours et prend place dans une ville d'eau, lieu propice aux rencontres comme on a pu s'en rendre compte dans de nombreux romans du 19ème siècle (Le joueur de Dostoïevski par exemple). Ainsi, la majorité des personnages ne sont que de passage et n'ont rien d'autre à faire que se rencontrer. Ces derniers, comme toujours chez Kundera, disposent d'une personnalité profonde, et certains sont très décalés, comme ce gynécologue qui féconde discrètement une bonne partie de ses patientes avec sa propre semence. Entre celui-ci, le joueur de trompette qui trompe sa femme, l'ancien détenu nostalgique qui s’apprête à quitter son pays, l'infirmière qui espère une vie meilleure, le riche américain complétement loufoque qui est presque au sens propre un saint et quelques autres, les personnages sont aussi variés qu'intéressants.
Le point de vue passe de l'un à l'autre avec une grande fluidité, nous suivons leurs rencontres et leurs tourments intérieurs, et la plume de Kundera sait vraiment passionner quand il s'agit d'évoquer ce qui se passe dans la tête de ses protagonistes, il a une maitrise totale de son sujet. Chacun a ses obsessions, ses traits particuliers. Comme le roman a été écrit en 1973, le système politique en place en Europe de l'est à cette époque-là a une influence légère mais certaine sur l'histoire, ce qui permet au lecteur d'envisager cet aspect de la société de façon fluide, sans aucune lourde description historique. Comme dans mes précédentes lectures de Kundera, la mort va venir frapper, mais légèrement, presque comme si de rien n'était.
Cette légèreté glaçante est un style, et un très bon style. S'il ne surpasse pas à mes yeux L'Immortalité, La valse aux adieux est un très bon cru de Kundera, un excellent roman. Si vous ne connaissez pas Kundera, je ne peux que vous encourager vivement à rentrer dans la délicieuse valse de ses personnages, parce que moi j'adore.
350 pages, 1973, Folio
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